"Illusions Perdues" est un film de Xavier Giannoli, librement inspiré du roman d'Honoré de Balzac, dans lequel, ce dernier, dénonce la vénalité d'une certaine presse complaisante, dans la première moitié du 19e siècle, et ses compromissions inévitables, avec le monde de l'argent et le pouvoir en place. Alors que Balzac avait dédié son récit à Victor Hugo, qui constituait le modèle du personnage de D'Arthez, dirigeant un cénacle romantique, Xavier Giannelli insiste beaucoup sur le monde de fausses nouvelles, qui nourrit cette presse parisienne, dans le capitalisme naissant, dans lequel celui qui dénonce un fait et paye ou finance un journal, obtient toujours gain de cause, car le plus offrant fixe systéma-tiquement la ligne éditoriale de ce journal.
Lucien de Rubempré, dit Lucien Chardon, est né à Angoulême, d'un père imprimeur, monsieur Chardon, et de madame de Rubempré. Issu de modeste condition, sans titre de noblesse, Lucien Chardon, pour gagner sa vie, travaille dans l'imprimerie de son père. Mais il rêve très vite d'un destin littéraire et commence à publier des recueils de poésie. Il est le protégé de madame de Bargenton, qui décide, malgré les critiques de son mari, de conduire Lucien à Paris, pour parfaire sa carrière artistique. Cette aventure se révèle être d'une grande imprudence. Car à l'époque où se déroule l'intrigue du récit, la Restauration s'est installée, et les idéaux de la Révolution se sont vite envolés. Lucien, introduit dans le grand monde par madame de Barjenton, jouée dans le film par Cécile de France, monde dans lequel il est secondé par madame d'Espars (jouée par Jeanne Balibar), doit vivre d'un nom d'emprunt, celui de sa mère, avec lequel il signe tous ses écrits, et risque de voir son secret révélé au plus grand nombre. Face aux difficultés de trouver un éditeur, il doit écrire des articles dans un journal libéral, et fait la connaissance d'un édito-rialiste, Lousteau, qui incarne la caricature parfaite du journaliste cynique et sans scrupule, qui loin de réaliser honnêtement le travail d'infor-mation qu'il devrait effectuer, n'obéit qu'à une seule règle: celle des "actionnaires de son journal" qui le financent. Ainsi, il encense ou critique au vitriol une pièce ou un écrit qu'il n'a pas forcément lu, voire un spectacle, en diffusant de fausses rumeurs sur l'auteur ou les comédiens jouant l'oeuvre qu'il décrit. Lucien de Rubempré, malgré les appuis qu'il sollicite pour être publié se compromet dans ces manoeuvres peu glorieuses, et "apprend" vite, jusqu'au désenchantement final. Le directeur du journal libéral, dans lequel travaille Lucien, joué par Gérard Depardieu, obéit à la même règle édictée par Lousteau: voir l'information délivrée par son journal comme une marchandise complaisante, dans laquelle tout sentiment de justice et de justesse sont parfaitement exclus. Lorsque Lucien cherche des appuis auprès des royalistes pour pérenniser son nom d'emprunt "de Rubempré" et espérer un titre de noblesse qu'il n'a pas, il commet un pas de clerc: décidé à travailler pour un journal royaliste, tout aussi compromis que le journal libéral dans lequel il officiait précédemment, il en vient même à faire l'éloge d'un écrivain qu'il apprécie, mais dont il disait pis que pendre lorsqu'il travaillait pour le journal libéral.Constatant la trahison de Lucien, ses anciens amis vont révéler son imposture, le harceler d'articles négatifs, lui ainsi que sa jeune fiancée, la comédienne Coralie dont il s'est épris. Lucien est alors ruiné, et doit retourner dans son Angoulême natal, et le film de Xavier Giannelli laisse ouverte la conclusion du long métrage, sur ce que le héros désenchanté du récit doit accomplir par la suite.
Ce film et le récit d'apprentissage de Balzac qui l'inspire, se veut une reflexion critique sur le métier de la presse et les moyens d'information en général, notamment au 19e siècle mais aussi aujourd'hui, en tant que contre pouvoir au pouvoir en place, où la fausse rumeur et les intérêts financiers peuvent facilement l'emporter sur un travail honnête voire militant d'information, qui doit tout vérifier pour se garder des "fausses nouvelles". Cette critique peut être valable encore aujourd'hui, où les risques de conflits d'intérêts et de corruption sont légions, même si le film de Xavier Giannelli frise la caricature.