Une jeune adolescente de 16 ans, prénommée Mila, lesbienne et athée, a été prise à partie, après avoir éconduit un jeune homme qui lui faisait des avances, puis insultée et menacée, parce qu'elle critiquait publiquement l'islam et exprimait plus généralement son rejet des religions. Face aux risques encourus, la jeune fille a été déscolarisée et placée sous protection. Parallèlement, le délégué général du CFCM, s'est empressé, au sujet des propos tenus par la jeune fille d'expliquer que celui (ou celle) "qui sème le vent, récolte la tempête", rejetant ainsi majoritairement la responsabilité de la situation sur la jeune adolescente, alors que l'essentiel de la violence ne lui incombait pas. Parallèlement, la ministre de la Justice, Nicole Belloubet invoquait également une "insulte à la religion", dans les propos tenus par Mila, passibles, selon elle, de poursuites judiciaires, alors que le délit de blasphème n'existe pas dans le code pénal, en France, et que le parquet a heureusement renoncé à toute action judiciaire contre elle.
Le risque de complaisance à l'égard des intégrismes religieux ou des obscurantismes, est évident. Sans rappeler le triste sort réservé à l'équipe éditoriale de Charlie Hebdo, il y a 5 ans, et les menaces dont celle-ci avait fait l'objet quelques années auparavant encore, on ne peut oublier les difficultés éprouvées par Salman Rushdie, cet écrivain britannique menacé par une fatwa, depuis trente ans, par le régime iranien, et obligé, depuis cette époque, de vivre dans la clandestinité, pour avoir exprimé son désir d'apostasie et d'athéisme, dans son roman, "les Versets Sataniques". Certes, il n'est pas interdit d'être habile et/ou diplomate, dans les relations sociales, voire dans l'espace public, et d'aucuns ont évoqué la jeunesse de la jeune lycéenne, dans ses propos "spontanés" et excessivement crus, voire irrévérencieux. Mais ne voit-on pas également que le combat pour la liberté est aussi important, même si la liberté des uns s'arrête lorsque celle des autres est menacée, surtout lorsque certaines revendications identitaires peuvent entrer en conflit avec les valeurs de la République? La liberté de croire ou de ne pas croire est essentielle, comme l'ont rappelé les philosophes et écrivains des Lumières. Et les atteintes ou les remises en cause de la laicité peuvent être fréquentes dans l'espace public. Il y a quelques années, des metteurs en scène de théâtre avaient été menacés par des catholiques intégristes, parce que les pièces qu'ils représentaient "concept sur le visage du christ", ou "Golgotha Picnic " critiquaient le prophète de leur religion, et qu'ils commettaient, de la sorte, un blasphème. De même, lors de la promulgation de la loi sur le "mariage pour tous", il y a 7 ans, des groupes fondamentalistes réactionnaires, avaient bruyamment manifesté, pour tenter d'empêcher, en vain, l'extension de ces droits aux couples homosexuels.
Les prophètes de malheur se recrutent également à l'extrême droite: ceux qui parient sur une "guerre des civilisations" aussi néfaste que futile, font des appels funestes à "déporter" certaines populations notamment, ou théorisent le "grand remplacement", basé sur la peur de l'immigration, de manière générale, ont également un comportement irresponsable et condamnable, légitimant de la sorte un discours néocolonial provocateur et stigmatisant, qui tourne le dos au "vivre ensemble" au sein même de la Cité, et incite également et implicitement à la violence. La société et notamment la société française semble malade de ses discours racistes, stigmatisants, mais ce n'est pas en mettant sous le boisseau nos convictions laiques que l'on sauvera notre pays des atteintes aux libertés, mais plutôt en restant ferme sur nos principes. Ni complaisance avec les idées de châtiment divin, ni stratégie du bouc émissaire!