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Samedi 28 Mai, le prix d'interprétation féminine, au festival de Cannes, a été attribué à la comédienne iranienne Zar Amir Ebrahimi, pour son rôle de journaliste d'investigation dans "Les nuits de Mashhad", du réalisateur Ali Abbassi. Celui-ci, en décrivant cette enquète du personnage principal du film pour démasquer un serial killer, auteur de 16 meurtres de prostituées, critique de fait les excès de la société patriarcale, en vigueur actuellement en Iran, et donc par conséquent la misogynie fondamentale du régime iranien. La réaction de "l'organisation cinématographique de l'Iran", affilié au Ministère de la Culture, ne s'est pas faîte attendre: ce film, a-t-elle dit "présente une image déformée de la société iranienne et insulte ouvertement les croyances transcendantes des chiites". Plus grave, en se montrant franchement menaçante, elle a affirmé que "ce film suit le même chemin emprunté par Salman Rushdie dans les versets sataniques". Rappelons qu'en 1989, L'Ayatollah Khomeiny avait édicté une fatwa, appelant au meurtre de Salman Rushdie, coupable d'apostasie, c'est-à-dire d'être devenu athée en renonçant à sa foi musulmane.
Le régime iranien ne cesse d'instrumentaliser la question coloniale, pour promouvoir l'idée d'une guerre des civilisations, en faisant la promotion de l'intégrisme religieux, quand ce n'est pas du terrorisme, contre les valeurs de démocratie et de laïcité. Lorsque l'équipe rédactionnelle de Charlie Hebdo a été décimé par un bataillon djihadiste, en 2015, un journal conservateur, proche du régime iranien n'avait-il pas déclaré, au sujet de cet assassinat:" Qui sème le vent, récolte la tempête", suggérant que les victimes de cet attentat avait mérité ou bien cherché ce qui leur était arrivé, soulignant, selon cette vision intégriste, la primauté de la justice divine, sur la liberté d'expression et la justice des hommes. En poursuivant un peu plus loin l'analyse, on se souvient également, que lors de l'intronisation de la Constitution tunisienne, en 2014, à Tunis, après l'adoption du prix Nobel de la paix au quartet tunisien comme récompense de ses efforts pour la démocratie, le régime iranien n'avait pas hésité à envoyer, lors de cette cérémonie, une délégation qui avait appelé, publiquement, à une "confrontation du monde musulman vis-à-vis du monde occidental", provoquant le départ scandalisé de quelques délégations sur place: la menace était à peine voilée. Quelques mois plus tard, le musée du Bardo, à Tunis, était victime d'un attentat djihadiste....à quelques mètres du Parlement tunisien!
Cette rengaine du régime iranien contre les "occidentaux" rejoint volontiers les lubies complètement délirantes du dictateur russe, Vladimir Pou-tine, qui a quelques semaines de la "grande manifestation patriotique" du 9 Mai, à Moscou, a prononcé un discours télévisé, désignant l'ennemi occidental comme étant "l'empire du mal", dont il fallait "se purifier" par l'invasion en Ukraine, au mépris de la vie humaine. Le régime russe trouve ainsi un allié dans le régime iranien, dont il partage la même haine contre la démocratie et la laïcité, le projet de Vladimir Poutine se focalisant sur un soutien de l'Église orthodoxe en faveur d'une Sainte Russie, héritière de l'Empire des tsars. Ironie de l'Histoire: deux ans avant l'invasion de l'Ukraine par la Russie, le régime iranien, en Janvier 2020, n'-a-t-il pas abattu, d'un tir de missile, un avion ukrainien, effectuant le trajet Téhéran/ Kiev, avion rempli de 176 civils, en représailles pour la mort du général Soleimani, exécuté au combat, une semaine auparavant?!!
Pourtant, le peuple iranien a des raisons de manifester son profond mécontentement à l'égard de la dictature religieuse de Téhéran. Récemment encore, des manifestations de la faim, et des grèves d'enseignants et de chauffeurs de bus, ont secoué l'Iran, alors que, suite à la crise mondiale provoquée par l'invasion de l'Ukraine par la Russie, le régime iranien venait de supprimer les subventions pour les produits de première néces-sité, provoquant la multiplication par deux ou trois du prix du pain et de l'huile, et alors que 40 pour cent des iraniens vit sous le seuil de pauvre-té. Téhéran s'est bien gardé de critiquer le régime russe, alors que l'Iran dépend, pour ses importations de produits de première nécessité (huile, blé, etc) essentiellement de la Russie et de l'Ukraine. Zar Abir Ebrahimi ne s'est pas trompé sur la nature de la dictature religieuse, en critiquant celle-ci, lors de la remise de son prix: " des gens sont morts dans l'écroulement d'un bâtiment, dans le sud du pays" .(à Abadan) "Je ne peux pas être entièrement contente car le peuple iranien ne l'est pas". Et elle a rajouté, à propos des mollahs, elle qui s'est réfugiée en France, il y a quelques années: "Ce qu'ils voulaient, c'était m'effacer de partout", résumant, ainsi d'une formule, l'horreur que lui inspire le régime misogyne et inhumain de la République Islamique."