P maurel (avatar)

P maurel

téléenquéteur dans un institut de sondage: militant des droits humains

Abonné·e de Mediapart

155 Billets

1 Éditions

Billet de blog 8 septembre 2016

P maurel (avatar)

P maurel

téléenquéteur dans un institut de sondage: militant des droits humains

Abonné·e de Mediapart

massacre des prisons de 1988: un enregistrement audio qui fait du bruit, en Iran!

L'enregistrement audio d'une conversation entre l'Ayatollah Montazéri et d'anciens membres "des comités de la mort", datant d'Août 1988, provoque un véritable séisme en Iran, ou la stupeur et l'étonnement se manifestent chez les autorités iraniennes. La publication de cet enregistrement constitue une sorte de vengeance posthume de Montazéri, pour disqualifier à postériori le régime de Khomeiny.

P maurel (avatar)

P maurel

téléenquéteur dans un institut de sondage: militant des droits humains

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Un évènement singulier et rare a causé d'énormes remous dans la classe politique iranienne, cet été: la publication sur un site internet, dédié à l'allyatollah Montazéri, décédé il y a 15 ans environ, d'un enregistrement audio, rapportant une longue conversation de l'ancien dauphin de Khomeiny avec des membres "du comité de la mort", chargé d'exécuter, en quelques mois, de très nombreux prisonniers politiques, membres pour la plupart de l'OMPI. A l'époque, l'Ayatollah Khomeiny, alors Guide Suprême, avait édicté une fatwa, digne des guerres de religion, ordonnant de tuer tous les prisonniers qui reconnaitraient, en répondant à une simple question, éprouver de la sympathie pour l'organisation des moudjahidine du peuple d'Iran, ou défendant leur cause. En quelques mois, plusieurs dizaines de milliers de prisonniers, à partir de l'été 1988 furent exécutés, pour avoir été désignés comme "les ennemis de dieu". Cette fatwa ancienne sert de référence aujourd'hui, pour stigmatiser des opposants et/ou des résistants iraniens qui ne reconnaissent pas la légitimité du régime actuel en Iran, c'est-à-dire la théocratie religieuse.

  Dans cet enregistrement audio, qui date d'Août 1988, on entend l'Ayatollah Montazéri, qui fut longtemps l'un des piliers du régime des mollahs, en Iran, et dauphin désigné de Khomeiny, prendre ses distances radicalement avec cette décision du Guide Suprême d'exécuter les opposants de l'OMPI emprisonnés, et la condamner fermement et violemment, en la qualifiant de crime contre l'humanité qui pourrait être "condamné par l'Histoire". L'évocation de familles entières, de membres de familles de résistants, y compris des adolescents exécutés,  a probablement poussé Montazéri a prendre cette position surprenante. L'ancien dignitaire explique également , dans l'enregistrement, que ces massacres et ces martyrs, loin de dissuader les " rénégats" de l'OMPI d'entrer en Résistance, vont provoquer, au contraire, un renforcement de l'engagement  de ceux-ci contre le régime. Sa colère inattendue  lui vaudra, d'être écarté définitivement du pouvoir et assigné à résidence, jusqu'à la fin de sa vie, en l'an 2000.

 Si cet enregistrement audio fait du bruit, en Iran, aujourd'hui, c'est parce qu'il a été publié par un "lanceur d'alerte" inhabituel, qui n'est autre que le propre fils de Montazéri. Jusqu'à présent, les autorités s'ingéniaient à essayer de passer sous silence, ou de dissimuler ce massacre, ou tentaient d'en faire porter la responsabilité politique à l'OMPI, dont les membres sont communément qualifiés "d' hypocrites". Mais la réalité d'un ancien membre du régime dénonçant bruyamment les exactions du régime semble faire souffler un vent de panique chez les autorités iraniennes, qui ont manifesté toutes sortes de réactions diverses et/ ou contradictoires: un député du Majli, vice président de ce parlement s'est fortement inquiété, d'un point de vue éthique, sur ces révélations, et a questionné trois anciens membres des "comités de la mort", qui occupent encore des fonctions officielles, au sein de l'Etat iranien, pour leur demander si cette fatwa et les méthodes employées pour appliquer celle-ci étaient légitimes, d'une part,  si ces rumeurs sur le massacre de 1988 ordonné par Khomeiny étaient fondées, d'autre part. Il a suggéré que les autorités présentent des excuses aux familles des victimes de ces massacres, et indemnisent ces dernières. Une autre réaction, plus complotiste, émanait de Rafsandjani, dénonçant cette publication de l'enregistrement, et suggérant le fait qu'elle était peut-être le fruit d'une manipulation des occidentaux, soucieux de réhabiliter l'OMPI, en transformant les "hypocrites" moudjahidine en victimes et martyrs, et quelle visait à disqualifier la personne même et le régime de Khomeiny.. Il en vient même à évoquer la complicité du "maire de Paris", lui-même dans cette "manipulation", avec la tenue d'une exposition, en réalité organisée par un maire d'arrondissement de la capitale, et soutenue par des élus et des militants des droits de l'Homme. Enfin, la réaction la plus cynique et incroyable vint de la bouche du ministre actuel de la justice Mostafa Pour Mohammadi, ancien memebre des "comités de la mort", soutenu par Ali Khamenei, et qui s'est déclaré " fier" et heureux d'avoir participé au massacre de ces ennemis de l'Etat iranien. Cette bravade a aussitôt été dénoncée par un prisonnier politique, Réza Akbari Monfared, dont certains membres de la famille ont été décimés en 1988, et qui y voit une tentative d'intimidation, pour empêcher les familles de victimes de commémorer l'évènement ou de présenter des doléances à l'Etat iranien.

 Au Québec et au Canada, cet évènement  (la publication de cet enregistrement sur les massacres de 1988 ) a eu un impact important auprès des autorités de ce pays: une journée de commémoration du 28e anniversaire de ce massacre a été célébrée au Québec; et le parlement canadien a instauré une journée de solidarité avec les prisonniers politiques iraniens. En France, en revanche, cet évènement suscite une indifférence ou un silence évident des media et des autorités (alors que des contrats commerciaux sont signés avec le régime de Téhéran), mais un intérêt certains des militants des Droits humains et d'élus et de personnalités de tous bords: outre l'exposition organisée par le maire du 2e arrondissement de Paris, et en présence d'élus et militants, soutiens de longue date, une réunion publique a été organisée, en présence d'avocats comme William Bourdon, ou de militants du Conseil National de la Résistance, pour émettre le voeu que l'ONU mette en place une mission d'enquète et créé un tribunal spécial, pour juger ces crimes, que certains qualifient de génocide. Au moins, l'espoir demeure que ces exactions ne restent plus méconnues.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.