P maurel (avatar)

P maurel

téléenquéteur dans un institut de sondage: militant des droits humains

Abonné·e de Mediapart

152 Billets

1 Éditions

Billet de blog 9 mai 2021

P maurel (avatar)

P maurel

téléenquéteur dans un institut de sondage: militant des droits humains

Abonné·e de Mediapart

Le 8 Mai 1945: une commémoration contre les crimes coloniaux!

Ce Samedi 8 Mai 2021, le maire de Saint Denis inaugurait, à la demande d'associations locales, une plaque commémorative, en mémoire des massacre du Constantinois du 8 Mai 1945. L'occasion de rappeler la nécessité du devoir de mémoire, pour "panser les plaies toujours béantes" de la guerre d'Algérie.

P maurel (avatar)

P maurel

téléenquéteur dans un institut de sondage: militant des droits humains

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce Samedi 8 Mai 2021, la mairie de Saint Denis, en Seine Saint Denis, organisait une cérémonie de commémoration, place du 8 Mai 1945, en souvenir des massacres de Sétif, Guelma et Kherrata, dans le Constantinois, le jour de la fin de la 2e guerre mondiale, date de la capitulation allemande. Le maire de la ville Mathieu Hanotin, nouvellement élu en 2020, à la demande des associations de quartier "au coeur de la République" et "Bouzeghenne Europe" inaugurait une plaque, déposée sur cette place, appelant à célébrer "la mémoire des milliers de victimes de la répression coloniale, perpétrée en Algérie, à Sétif, Guelma, et Kherrata". Il a prononcé un discours avec ses adjoints et le député de la circonscription Stephane Peu, dans l'espoir d'une réconciliation entre les peuples par le souvenir, en appelant les citoyens à ne pas oublier les crimes commis, et non pas pour "diviser". Il a rappelé que ce n'est qu'en 1999, que la France avait, pour la première fois, reconnu les "évènements" d'Algérie comme une véritable "guerre" (débutée par l'insurrection de 1954,et terminée par les accords d'Evian, avec le cessé le feu du 18 Mars 1962), et non pas "une guerre de pacification", selon la terminologie officielle qui la définissait jusqu'alors. Mathieu Hanotin a rappelé ensuite le travail essentiel accompli par l'historien Benjamin Stora, qui a remis, il y a quelques mois un rapport à Emmanuel Macron, dont il a tiré un énième livre sur son sujet de prédilection, intitulé "France-Algérie: les passions douloureuses", publié chez Albin Michel, sur la mémoire de la guerre d'Algérie, dans son ensemble, pour tenter, une dernière fois de pacifier les mémoires. Il a cité notamment l'écrivain Albert Camus, originaire d'Algérie, qui dans son journal "Combat", parlait de "la lumière" pour "ses frères" qui "réclamait la justice": cette "justice" passe notamment par la mémoire: en 2012, François Hollande avait notamment, en tant que président de la République, reconnu les "souffrances infligées aux algériens par 132 ans de colonisation". Le ministre des anciens combattants de l'époque s'était rendu, en Algérie, sur le mausolée du premier manifestant tué à Sétif, Bouaziz Saül.

Illustration 1

Le maire de Saint Denis a souhaité également que la reconnaissance mémorielle progresse, en relation avec les autorités de l'État, notamment pour reconnaître, par des commémorations, le crime du 17 Octobre 1961, qui avait vu la mort de plusieurs centaines d'algériens, à la suite de manifestations, à Paris, violemment réprimée par les forces de police, dirigée à l'époque par le préfet Papon. Le député Stéphane Peu, quant à lui, indiquait espérer "l'ouverture des archives"la plus large possible, de part et d'autre de la méditerranée, pour permettre aux historiens d'établir la vérité sur cette période tumultueuse de l'Histoire. Un bref documentaire de l'historien Stora a été projeté sur la Place, pour rappeler, succintement, les enjeux de cette date historique, du 8 Mai 1945, dans une logique de décoloni-sation et de mémoire partagée, de part et d'autre de la Méditerranée. Le rôle de l'éducation, d'une part, et sa transmission des connaissances historiques aux plus jeunes, le travail de recherche des historiens, ensuite, et enfin, le rôle des commémorations, par les autorités de l'État, peut permettre d'avancer sur ce dossier, et de dépassionner le débat, et "cicatriser les plaies toujours béantes", selon l'historien Benjamin Stora.

  En effet que représente le 8 Mai 1945: le 8 Mai 1945, l'Allemagne nazie capitule à Berlin, en présence des forces alliées: soviétiques, américaines, françaises, anglaises (toutes signataires du traité signant la fin de la 2e guerre mondiale). Mais le 8 Mai 1945, c'est aussi, le jour de  l'armistice, le moment où se déroule des manifestations, dans le Constantinois d'Algérie, notamment à Sétif, visant, d'une part, à célébrer la victoire, d'autre part, à promouvoir des revendications d'indépendance, selon les voeux de Messali Hadj, responsable du Parti du Peuple algérien, et de Fehrat Abbas, dans "les amis du manifeste pour la liberté", qui souhaitait défendre les intérêts des "indigènes musulmans d'Algérie", en les aidant à obtenir la pleine citoyenneté, et notamment la Nationalité française. Mais la manifestation de Sétif tourna vite à l'émeute, après une révolte populaire des algériens, et le décès d'un militant , tué parce qu'il portait, à bout de bras, le drapeau algérien, et bravait alors un interdit formulé par les autorités de l'époque. Une terrible répression par l'armée française s'en est suivie, qui dura deux mois, et s'étendit à l'ensemble du Constantinois. Si le nombre des victimes européennes, lors de ces émeutes réprimées, ne fait aucun doute, il n'en va pas de même des victimes algériennes, que de nombreux acteurs de la vie politique et/ou des historiens évaluent dans une fourchette comprise entre quelques milliers et plusieurs dizaines de milliers! Ce massacre de Sétif, Guelma, et Kherrata est considéré, comme l'évènement déclencheur, ou plutôt le véritable catalyseur de la naissance de la guerre d'Algérie, neuf ans plus tard, et qui se déroula entre 1954 et 1962, et aboutit à la naissance de l'indépendance et de l'État algérien. Le prétexte de la répression de la manifestation de Sétif, et l'extension de cette répression, face aux revendications même violente d'indépendance, constitua un prétexte inespéré pour la guerre terrible qui s'en est suivie, avec son cortège de massacres, de tortures et/ou d'exécutions.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.