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Billet de blog 10 juillet 2017

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"Focus Iran: l'audace au premier plan": un documentaire d'Arte

Arte propose un documentaire sur le travail des photographes iraniens en Iran. L'art de contourner la censure imposée par le régime, en trouvant une forme artistique qui puisse témoigner du quotidien des iraniens, sans complaisance, entre respect des contraintes imposées par le régime, et la tentation de braver les interdits, tout près des "lignes rouges"...

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Dimanche 9 Juillet était projeté, sur Arte, un documentaire, intitulé "Focus Iran: l'audace au premier plan", concernant le travail de 5 photographes iraniens, dont 4 femmes, en Iran, et témoignant des difficultés de ces artistes, ayant choisi d'exercer leur métier dans leur pays d'origine. Le documentaire procède d'une série d'interviews, mettant aux prises les propos de Solnaz Daryari, Tahmineh Monzavi, Newsha Tavakolian, ainsi que la seule présence masculine iranienne du film, Abbas Kowosari. Ces 5 artistes expliquent que la photographie, classée au rang des arts plastiaues, subit, en Iran, le règne de la censure, comme toutes les autres expressions artistiques (cinéma), puisque l'Etat, par le biais du Ministère de la culture et de la Guidance Islamique, intervient pour fixer les  contraintes auxquelles les artistes doivent se conformer, et les "lignes rouges", qu'ils  ne doivent pas franchir, faute de voir leur autorisation de travail ou leur carte de presse non renouvelée, ou de risquer la prison.

 Ainsi, il est interdit de photographier des femmes non voilées, puisque le port du voile est obligatoire pour les femmes, bien évidemment, mais également il est prohibé de photographier un couple d'homme et de femme côte à côte. De même, les clichés de manifestations hostiles au régime sont bien entendu interdits. Newsha Tavakolian qui travaillait pour le magazine américain Time et photographiait à l'intérieur de l'Iran, s'est vu retirer deux fois son autorisation de travail, parce qu'elle oeuvrait pour un media étranger, et pouvait être considérée comme une espionne, ou prendre des clichés qui risquaient de déplaire au régime. Elle explique qu'en 2009, au moment du printemps de Téhéran, de nombreux check point ou contrôles policiers quadrillaient la capitale, ce qui lui rendait quasiment impossible la possibilité d'effectuer des clichés de manifestants, au risque d'être arrêtée. Elle explique qu'elle a commencé le photojournalisme dès l'âge de 16 ans, dans plusieurs journaux nationaux, jusqu'à ce que son directeur de journal soit arrêté. Au moment où celui-ci s'apprêtait à pousser la voiture en panne qui devait l'emmener en prison, elle a pris quelques clichés interdits, et a du s'enfuir précipitamment, poursuivie par la police.

  Les artistes photographes iraniens qui choisissent de travailler en Iran doivent donc choisir une forme d'expression qui respecte les interdits posés par la République Islamique d'Iran, ou choisir, pour critiquer le régime, des modes de contournements qui respectent "les lignes rouges" édictées par les autorités. Neshha Tavakolian explique qu'en passant son diplôme de photographe, à l'université, elle a étudié des clichés anciens, datant de la dynastie Ajar, au 19e siècle, et qu'elle s'en est inspirée pour témoigner du quotidien de la classe moyenne iranienne. Lorsqu'elle veut critiquer le port obligatoire du voile, en Iran, elle photographie une série de femmes en tchador, le visage caché par des ustensiles de cuisine (théière, cafetière), pour susciter l'empathie du spectateur critiquant cette contrainte imposée au personnage figurant sur le cliché. Ou bien elle photographie des personnages en costume traditionnel datant de cette période, mais avec la présence d'un ustensile moderne de notre époque, pour suggérer le décalage existant,au sein de la société iranienne, entre l'archaîsme de certaines situations imposées par les autorités et la nécessité de s'adapter au monde contemporain. Pour témoigner du sentiment d'enfermement, au sein de la société iranienne, elle prend des clichés d'intérieur, montrant, en arrière fond, une fenêtre s'ouvrant sur un mur de béton extérieur, au sein d'un appartement occupé par une femme. L'interdit couvre également la représentation du corps, sauf le corps masculin, qui peut être représenté sous forme de corps d'athtlète, comme l'explique Abbas Kowosari. Celui-ci nous confie que la vie en Iran n'est pas seulement difficile pour les femmes, qui subissent des discriminations évidentes, mais l'est également pour les hommes, mais que ceux-ci, du fait, de la mentalité patriarcale extrême, refusent souvent de confier leurs difficultés, et prennent sur eux, plutôt que d'apparaître facilement en position de faiblesse. Dans une exposition de 2015, à Paris, Newsha Tavakolian avait proposé des clichés de la classe moyenne en Iran, pendant la guerre Iran/Iraq, suggérant l'état de sidération ou d'apathie de la société iranienne, comme le montrait une photo représentant une estrade vide, avant une représentation théâtrale d'"En attendant Godot". Pour témoigner de son éclectisme, Newsha avait expliqué également qu'elle avait photographié, pour le magazine Time, les combattantes kurdes, en Syrie, s'opposant militairement aux djihadistes de l'État Islamique....Bref, tout cela souligne l'expression de la vitalité des artistes iraniens, malgré les contraintes formelles imposées par le régime iranien dans la production culturelle, et l'absence relative de liberté octroyée par ce régime.

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