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Billet de blog 18 août 2021

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Iran: sur le massacre des prisons de 1988....

Au cours de l'été 1988, environ 30000 prisonniers politiques ont été exécutés dans le plus grand secret, en Iran. Pourtant, jamais une enquète indépendante de l'ONU, ni un procès contre les auteurs de ses massacres n'ont été diligentés pour faire la lumière sur ces exactions: il est temps de remédier à cette lacune.

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Au cours de l'été 1988 et jusqu'au début de l'année 1989, environ 30000 prisonniers politiques, pour la plupart sympathisants de l'OMPI ont été massacrés par la République Islamique d'Iran, alors que venait de se terminer la guerre Iran/ Iraq. La plupart de ses prisonniers politiques, soient venaient d'être arrêtés lors de manifestations, soient purgeaient une peine de prison, après avoir été jugés et condamnés. Ces exécutions extra-judiciaires furent décidées, en plus haut lieu, par le Guide Suprême de l'époque, l'Ayatollah Khomeiny, qui dans une fatwa, désignait les militants de l'OMPI, et tous ceux qui se déclaraient leurs sympathisants, comme des "hypocrites", en "guerre contre Dieu". Dans ce même édit, il indiquait qu'une "commission de la mort", composée de 5 personnes devait être constituée, lesquelles devaient superviser et planifier ces exécutions sur l'ensemble du territoire iranien. Dans cette commission de la mort, figurait notamment l'actuel président de la République, Ebrahïm Raïssi, qui avait le rôle de vice procureur, et l'ancien ministre de la Justice, sous la présidence d'Hassan Rohani, Mostafa Pour-Mohammadi, qui représentait le Ministère du Renseignement, le Vevak. A l'époque, une seule question était posée aux prisonniers sur leur appartenance politique et/ou leur sympathies supposées. S'ils se sentaient proches de l'OMPI et s'ils refusaient de se repentir, alors leur sort était scellé et ils étaient exécutés. Les massacres ont concerné les prisons de Evine, à Téhéran, ou encore celle de Gohardasht, à 40 kilomètres de Téhéran, ou encore une centaine d'autres villes réparties sur l'ensemble du territoire iranien.

  Une soixantaine  de dirigeants de la République Islamique d'Iran, dont l'actuel Guide Suprême, Ali Khameneï, qui était, EN 1988, président de la République, ont été impliqué, de près ou de loin, dans ces massacres, comme l'a expliqué monsieur Mohammed Mohadessin, président de la commission des Affaires Étrangères du CNRI, lors d'une réunion à Paris, en 2016. William Bourdon, avocat de l'OMPI, a évoqué, à ce moment là, "l'un des plus grands massacres de masse" commis depuis la 2e guerre mondiale, et a souhaité qu'un tribunal ad hoc puisse être créé, sur le modèle des tribunaux de l'ex Yougoslavie ou du Rwanda, et que les principaux dirigeants en exercice lors de ce massacre puissent y être jugés. L'Ayatollah Montazéri, ancien Dauphin désigné de Khomeiny, a chiffré, dans ces mémoires, rédigées et publiées en l'an 2000, a environ 30000 le nombre de prisonniers exécutés, lors de cette répression. A l'époque, Montazéri, avait été le seul, au sein du Régime iranien, à s'opposer à ses exécutions, ce qui lui valu d'être écarté du pouvoir par Khomeiny, et placé en résidence surveillée, jusqu'à sa mort, en 2009. Dans un enregis-trement devenu célèbre en Iran, et publié et diffusé, à titre posthume, par son fils, en Août 2016, Montazéri s'en prend aux membres de la "commission de la mort" auxquels il s'adresse, le 18 Août 1988, et déclare, dans un accent prémonitoire, que ce massacre constituera "le plus grand crime commis par la République Islamique d'Iran", et ne fera que "renforcer" l'audience des partisans de l'OMPI, malgré l'implication de ceux-ci dans la guerre Iran/Irak. La plupart des victimes avaient entre 20 ans et 30 ans, mais des enfants et des femmes enceintes ont également été tué(e)s, lors de ces massacres. Les noms d'environ 5000 prisonniers exécutés ont été recensés par la Résistance iranienne, à l'issue de divers témoignages spontanés de familles de disparus. Dans cette liste de noms, plusieurs centaines de prisonniers exécutés étaient étudiants.

Du côté de la Communauté Internationale, un frémissement a bien eu lieu, ces dernières années, pour prendre en compte la réalité de ces massacres, même si ce "crime contre l'Humanité" n'a toujours pas été officiellement reconnu, et si la réflexion se poursuit toujours. Dans un rapport établi le 30 Avril 2018, Amnesty International estime à 120, environ, le nombre de sites, à travers tout l'Iran, susceptibles de contenir des fosses communes, dans lesquelles se trouvent des restes de personnes massacrées en 1988. L'organisation indique, alors, que, selon elle, 7 sites présumés ou confirmés de fosses communes sont menacés de destruction, par des travaux de terrassement, des bétonnages, ou des constructions d'immeubles. Les autorités iraniennes, ajoute l'organisation, ont refusé d'indiquer aux familles des victimes ce qui étaient arrivé à leurs proches, et leur ont refusé, la possibilité de faire leur deuil en manifestant ou en se recueillant devant les sites de fosses communes présumées. Amnesty International parle alors de "crime contre l'Humanité". Dans un second rapport, daté du 4 Décembre 2018, intitulé "secrets ensanglantés", l'organisation a recueilli les témoignages de familles de victimes, faisant état de disparitions forcées, d'exécutions extrajudiciaires, et de corps jetés dans des fosses communes, dans le plus grand secret. Amnesty International avait été l'une des rares organisations, en 1989, à s'inquiéter de ces massacres, ainsi que du silence de la Communauté Internationale. Néanmoins, le 1er Février 2018, une audience, organisée par des ONG, à Genève, a réalisé une audition de témoins et d'experts juridiques, sur la réalité de ces crimes. Le Secrétaire Général des Nations Unies, Antonio Guterres s'est inquiété alors des difficultés rencontrées par les familles de personnes disparues en 1988 d'obtenir des informations sur ces évènements auprès des autorités iraniennes et du harcèlement qu'elles subissaient de leur part. La rapporteure spéciale sur la situation des droits de l'Homme en Iran, madame Asma Jahangar, a fait mention de cet évènement, dans son rapport du 14 Août 2017, et regretté qu'il n'ait pas été reconnu, et qu'une enquète indépendante n'ait pas été diligentée. Le 9 Décembre dernier, 7 rapporteurs spéciaux de l'ONU ont écrit aux mollahs, pour souligner que ce massacre constituait bien "un crime contre l'Humanité", demander aux autorités de Téhéran de poursuivre leurs auteurs. Ils ont lancé un appel à la communauté internationale pour exiger que celle-ci réalise  sa propre enquète, au cas où la République islamique d'Iran ne donnerait pas suite à leur doléance. En Avril 2018, le Congrès américain a reconnu, dans une loi, le massacre des prisons de 1988. Le combat se poursuit, dans l'espoir qu'un jour, Justice soit rendue, même par contumace.....A suivre....

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