Jacques Chirac a marqué la vie politique par la longévité de sa carrière. De sa nomination comme ministre, peu avant mai 1968, et les accords de Grenelle sur les salaires, jusqu'à la fin de son 2e mandat comme président de la République, il est apparu comme un animal politique insubmersible, alors qu'il a semblé à de nombreuses reprises en perdition.
Que dire de son bilan: côté positif, on retiendra tout d'abord sa reconnaissance de la responsabilité du régime de Vichy dans la collaboration criminelle avec l'Allemagne nazie, lors du discours de commémoration de la rafle du vél' d'hiv, en 1995, alors que les responsables politiques en France, étaient jusqu'alors en majorité dans le déni. Son implication dans les négociations préparatoires aux accords de Grenelle sur les salaires en 1968, alors qu'il était ministre du travail, ce qui permis opportunément de sortir de la crise politique, à ce moment là. Mais aussi un acte courageux, son opposition à l'intervention militaire américaine en Iraq, en 2003, contestant ainsi les mensonges des Etats Unis sur la présence supposée d'armes de destructions massives dans ce pays. Chirac a aussi prononcé quelques beaux discours, notamment à Johannesbourg, en 2002, lors du sommet de la terre, discours inspiré par Nicolas Hulot, notamment, même si celui-ci demeura peu suivi d'effet au niveau des actes concrets. Enfin, sur le plan culturel, là où on ne l'attendait visiblement pas, il a réussit quelques réalisations intéressantes, comme la création du musée du quai Branly sur les arts premiers, (en Afrique et Asie), son implication dans la création du musée de l'histoire de l'immigration, Porte Dorée, malgré la polémique née de l'instauration du ministère de l'immigration et de l'identité nationale, mais aussi sa participation à la création d'un département des arts de l'islam, au musée du Louvre.
Mais Jacques Chirac est également comptable de certains travers de la vie politique française, eu égard à l'exceptionnelle longévité de sa carrière. Il a été mis en cause dans de nombreuses affaires politico financières, et finalement condamné dans l'affaire des emplois fictifs de la ville de Paris, un système qu'il avait contribué lui même à mettre en place, en tant que maire de la capitale. On notera aussi ses frasques personnelles comme la dissolution de l'Assemblée Nationale, en 1997, contre toute attente, qui remit en selle la gauche, de manière inespérée. Ce qui lui vaudra le soutien inattendu de celle-ci en 2002, après l'élimination surprise de Lionel Jospin et la qualification de Jean Marie Le Pen au second tour de l'élection présidentielle. Son goût prononcé pour les manoeuvres politiques lui ont fait trahir successivement son propre camp, comme Giscard et Sarkozy, pour assouvir son ambition personnelle. On se souviendra aussi de sa gestion contestable de certaines manifestations, comme celles qui suivirent l'opposition au projet de loi Devaquet sur l'enseignement supérieur en 1986, et qui vit la mort de Malik Oussékine, tué notamment par des policiers "voltigeurs", ou encore la création de l'Etat d'Urgence, à la fin de son 2e mandat, lors de la révolte des banlieues.
Jacques Chirac a donc épousé l'ombre et la lumière pendant toutes ses années. Et c'est ce que retiendront les français lors de la journée de deuil instaurée par les autorités à cette occasion.