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Billet de blog 29 juin 2017

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Islam de la liberté: quelle interprétation?

Le mois du ramadan qui vient de s'écouler, a été l'occasion encore cette année de remettre à l'ordre du jour les questions d'interprétation de l'Islam: sujet récurrent et important: exemples choisis en Iran et en Tunisie, pour expliquer les enjeux politiques et philosophiques en cours, et la compleité de situations très différentes...

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Alors que la journée du Dimanche 25 Juin dernier occasionnait la fin du ramadan, cette année, (Aid el fitr), il est nécessaire de s'interroger sur les pratiques religieuses liées à l'Islam. Madame Radjavi en a profité pour exprimer sa volonté de "surmonter les obstacles à la voie du progrès et la quète de la liberté": Cette quète de liberté s'applique évidemment dans la vie civile,  dans les revendications sociales et politiques, mais également dans la pratique des cultes religieux, puisqu'il s'agit selon elle d'affirmer, dans son message politique, un "Islam de la Liberté", contre "l'islam de la contrainte" ou de la "coercition", c'est-à dire faire en sorte de respecter 'la liberté de croire ou de ne pas croire", et s'opposer ainsi à une vision ou une interprétation obscurantiste et intégriste de l'Islam, héritée du Wahabisme, et en vigueur notamment depuis plus de trois décennies au pays des mollahs.

En 2017, le sujet reste sensible, et le mois du ramadan, qui vient de s'écouler, a défrayé la chronique, dans un certain nombre de pays, ou le niveau des pratiques religieuses diffère, en fonction de la sévérité des lois en vigueur. En Iran où règne la charia, la pratique du jeûn est obligatoire pour tout ressortissant séjournant dans ce pays, pendant le mois du ramadan. Tout contrevenant qui ne respecte pas l'interdiction religieux de boire, manger en journée, risque jusqu'à 74 coups de fouets et plusieurs mois de prison, selon le code pénal islamique en vigueur. Par ailleurs tous les commerces et restaurants servant des boissons ou des repas sont fermés, ont l'ordre de rester fermés, pendant la période du jeûn (du lever au coucher du soleil).  Pendant ce mois du ramadan, la police en Iran est également particulièrement attentive aux tenues vestimentaires, et au port obligatoire du voile, les boutiques vendant des produits de beauté ou des tenues vestimentaires jugées indécentes ou inadaptées sont sévèrement réprimés ou tenues de baisser rideau, pendant la période de jeûn.La police des moeurs y veille scrupuleusementr. Cette interpréta-tion de l'islam justifie donc toutes les discriminations, notamment à l'égard des femmes.

En Tunisie également, malgré l'héritage laic lié à l'indépendance de ce petit pays arabo-musulman, en 1956, la polémique a fait rage sur cette question religieuse du ramadan. La nouvelle Constitution votée en 2014 garantit officiellement "la liberté de conscience" aux tunisiens, donc la liberté de culte, ce qui permet en principe d'éviter "le jeûn sous la contrainte". Habib Bourguiba, lui-même, dans un célèbre discours, en 1960, n'avait-il pas, ostensiblement, bu une gorgée d'eau, en pleine période de jeûn? Malgré tout, et c'est là que réside toute la difficulté, la Constitu-tion tunisienne reste ambigûe, puisque si l'islam n'est pas décrétée comme religion d'Etat, il est tout de même indiqué que l'Etat reste "le garant de la religion", et de sa pratique. Et il existe dans le code pénal tunisien, des notions assez floues "d'atteinte à la morale" ou "d'outrage public à la pudeur", qui occasionne toutes les interprétations mêmes les plus discutables ou fantaisistes. Cependant et surtout l'interprétation de ces dispositions légales dépend du sérieux et de la crédibilité des autorités politiques, administratives, civiles ou religieuses qui ont pignon sur rue en Tunisie. Et là, il faut constater que le flou artistique le plus total règne actuellement dans la pays de "la Révolution du Jasmin": Certes, de nombreux acteurs politiques ont expliqué qu'il n'existait aucune disposition légale ou juridique, en Tunisie, rendant obligatoire la pratique du jeûn pendant le ramadan, et la fermeture systématiique des cafés et restaurants en journée, comme l'a souligné fort justement le président de la délégation spéciale de Sidi Ben Saîd Chérif, qui a indiqué que la veille de l'ouverture du ramadan, les commerces touristiques on reçu une autorisation en bonne et due forme. Pourtant, dans la pratique, les dispositions réglementaires dépendent singulièrement du bon vouloir des municipalités qui peuvent interdire, si elles le souhaitent l'ouverture des commerces.. Il est vrai que de nombreux commerçants baissent spontanément pavillon, pendant cette période, mais non pas pour des raisons religieuses, simplement parce que leur chiffre d'affaire ce mois là n'est pas au rendez vous car les fréquentations touristiques des débits de boissons y sont moins nombreuses. En fait de nombreux acteurs, au sein de la société tunisienne interviennent régulièrement pour intimider les autorités politiques et administratives et faire pression sur celles-ci pour essayer d'imposer une interprétation rétrograde et répressive des pratiques religieuses, qui s'appliquerait à l'ensemble de la population, y compris aux non croyants. On notera l'influence des frères musulmans dont s'inspire notamment le parti Ennadha, qui a des représentants au gouvernement, en Tunisie. Un prédicateur et agitateur turbulent, dénommé Adel Alimi, a, cette année, pesé de tous son poids, pour imposer, dans le débat public, l'idée que le jeûn et les pratiques religieuses  qui en découlent, devaient s'imposer à toute la société tunisienne, y compris aux "mécréants". A Bizerte, un tribunal correctionnel a condamné à 1 mois de prison des jeunes qui s'étaient restaurés et avaient fumé dans un jardin public....Et le 11 Juin dernier, des manifestants se sont réunis à Tunis, devant le théâtre municipal de l'avenue Bourguiba, pour protester et exiger qu'il n'y ait "pas de jeûn sous la contrainte".

 Il y a quelques années, en 2013, des manifestations similaires avaient eu lieu à Tizi Ouzou, commune rebelle et berbère d'Algérie, pour protester contrer les pressions religieuses exercées sur les "non jeûneurs" pendant la pratique du ramadan.

On le voit, la liberté reste un sujet d'actualité évidant, notamment et y compris dans la pratique des rites et cultes religieux....

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