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Billet de blog 29 novembre 2022

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République Islamique d'Iran: des bastilles à abattre!!

Alors que le mouvement de protestation de la population iranienne bat son plein depuis plus de 70 jours, depuis le meurtre de Masha Amini par la police des moeurs du régime iranien, l'Assemblée générale de l'ONU a adopté, pour la première fois, une résolution demandant l'instauration d'une commision d'enquète internationale indépendante sur les circonstances de la répression en vigueur!

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Illustration 1

Il y a plus de 70 jours, une jeune kurde iranienne de 22 ans, Masha Amini, était tuée par la police des moeurs de Téhéran, par ce qu'elle était mal voilée, en laissant s'échapper une mèche de cheveux sous son foulard. Depuis, les manifestant(e)s iranien(ne)s ne cessent de protester dans plus de 70 villes de la République Islamique d'Iran, au cri de ralliement "femmes, vie, liberté"!! Ces manifestations, relayées par des mouvements de protestations internationaux, ont eu un tel émoi que l'ONU, le 24 Novembre dernier, sur proposition de l'Allemagne et de l'islande, a voté une résolution, demandant, pour la première fois, l'instauration d'une commission d'enquète internationale et indépendante, pour faire la lumière sur la répression orchestré par le régime iranien contre les manifestant(e)s, qui aurait fait, selon les organisations de défense des Droits Humains, au moins 416 morts, voire 600, selon la Résistance iranienne, dont au moins 60 mineurs. La résolution a été approuvée par 26 voix, avec 16 voix contre, dont la Russie et la Chine, et 6 abstentions! Par ailleurs, l'ONU condamnait formellement, pour la 69e fois, les violations des Droits Humains, en Iran! Maryam Radjavi, la Présidente de la Résistance Iranienne, sitôt le vote de la première résolution acquis, a demandé que des inspections de l'ONU puissent avoir lieu dans les prisons iraniennes, proposition aussitôt rejetée, sans surprise, par les mollahs.

  Au cours de ces manifestations, de nombreuses iraniennes ont jeté leur foulard au feu, ou dans la rue, pour protester contre l'imposition, depuis 1979, du hidjab obligatoire. Mais cette protestation, loin de se cantonner à une simple contestation de cette loi inique, se veut, plus généralement, un signe de résistance contre tout le système politique de la République Islamique que la population souhaitent véritablement renverser. En effet, la base politique de l'Iran actuelle est basé sur le principe implacable de la charia, qui impose une discrimination sexuelle systématique à l'égard des femmes, considérées comme des mineures à vie, destinées à rester éternellement sous la tutelle des hommes, et un traitement terriblement répressif à l'égard des opposants politiques, considérés, depuis une fatwa édictée par Khomeiny de 1988, comme étant "en guerre contre Dieu", et risquant, de ce fait, une peine de prison ou la peine capitale. Par conséquent, il n'a pas été innocent de voir, pendant ces manifestations, des jeunes gens, dans les rues, se ruer sur des mollahs, pour leur ôter leur turban, et signifier ainsi leur opposition à l'ensemble du système clérical en vigueur à Téhéran. La population iranienne se prononce ainsi, massivement, pour une société résolument laïque, prônant la "séparation de la mosquée et de l'État", contre le système intégriste en fonction actuellement.

  Alors qu'en 1988, L'Ayatollah Montazéri, dauphin désigné à succéder à Khomeiny, s'était publiquement prononcé contre l'exécution des pri-sonniers politiques, en marge de la fin de la guerre, Iran/Irak, opposition à Khomeiny qui lui avait valu, à l'époque d'être écarté du pouvoir et placé en résidence surveillée jusqu'à la fin de ses jours, quelques opposants iraniens et une grande partie de la société iranienne ont longtemps cru que le système politique de Téhéran pouvait se réformer de l'intérieur, tant que l'on restait en deçà des lignes rouges imposées par le régime, en contournant néanmoins les interdits imposés. C'est le cas notamment du cinéaste Jafar Panahi, qui avait trouvé un système ingénieux pour tourner des films, pendant quelques années, dans une semi clandestinité, au nez et à la barbe des caciques du régime. C'est le cas également des manifestants du "mouvement vert", en 2009, lors de l'élection jugée truquée d'Ahmanidedjad à la tête de l'État iranien, comme président de la République: ceux-ci, issus de la classe moyenne éduquée de Téhéran, pensait qu'en promouvant les candidatures de partisans dits "réformateurs" Medhi Karoubi et Moussavi, ils pourraient continuer à contester le régime en pariant sur son assouplissement ou son adoucissement. "le mouvement vert" fut rapidement étouffé et ses leaders placés sans coup férir en résidence surveillée.

  Aujourd'hui, la jeunesse iranienne, désenchantée, ne croit plus en une possible réforme du régime iranien et rejette les fondements de celui-ci dans son ensemble. L'histoire récente des mouvements sociaux en Iran l'atteste. Et la contestation n'a fait que s'amplifier crescendo. En 2018, les manifestants protestaient contre la corruption du régime qui investissait massivement dans des conflits guerriers et terroristes et dans l'ingérence étrangère au Moyen Orient (Syrie, Palestine, Irak), ou finançait grassement des fondations religieuses qui lui étaient inféodées , au détriment d'une politique de l'emploi et de l'éducation, et ce, alors que des sanctions économiques internationales frappaient déjà durement le pays, et imposait une augmentation drastique des produits alimentaires de première nécessité, alors que de nombreux iraniens vivaient déjà sous le seuil de pauvreté. Alors que cette contestation du régime sur les questions économiques et sociales commençait à prendre forme, elle a franchi un cran supplémentaire, en 2019, avec l'augmentation brutale, par le régime, du prix des carburants, quelques mois après le début du mouvement des gilets jaunes, en France, lorsque les pouvoirs publics ont décidé, là bas, de cesser les subventions sur l'essence et le gazoile, ce qui a provoqué une multiplication par trois du prix de ceux-ci! La révolte populaire a été telle et la répression par le régime tellement excessive qu'internet a été coupé, pendant plus de 15 jours, et que plus de 1500 morts ont été comptabilisés par les associations de défense des Droits Humains, à l'automne 2019!!

  Outre ces manifestations sur les questions économiques, le mouvement de protestations du régime se manifestatait déjà sur le droits des femmes. Nasrin Sotoudeh, avocate et militante des Droits Humains, qui défendait les femmes non ou mal voilées, à la fin des années 2010, a été condamnée à 38 années de prison et cent coups de fouet, pour "atteinte aux bonnes moeurs" et "complot contre la sureté nationale", pour s'être dévoilée lors d'une audience au tribunal!! le système de la charia iranienne impose le fait que la voix d'une femme vaut "deux fois moins que celle d'un homme", lors d'un témoignage au tribunal. Par ailleurs, la société patriarcale des mollahs autorise les hommes a épouser leur fille adoptive, et fixe la majorité sexuelle des fillettes, bonne pour le mariage, dès l'âge de 9 ans, comme en Afghanistan. Les femmes ne bénéficient pas majoritairement de la garde des enfants, en cas de divorce, et la polygamie et la répudiation par le mari est la règle, en matière de droit de la famille. On se trouve ainsi aux antipodes d'un islam séculier et son "Code du Statut personnel" proposé aux citoyens, comme en Tunisie, sous Bourguiba, ou d'une société laïque, comme en France, où la Religion est une affaire privée et non une compétence de l'État, selon la loi de 1905 prônant la "séparation de l'Église et de l'État".

  C'est pourquoi, il faut louer le système de résistance et de résilience du peuple iranien, face à la chape de plomb de la République Islamique et de son bras armé incarné par les pasdarans, ou "gardiens de la Révolution". La Résistance Iranienne, quant à elle, incarnée par le mouvement des Moudjahidine du Peuple d'Iran, a revendiqué lors des manifestations son" droit à l'autodéfense", comme une allusion explicite à la "résistance à l'oppression", instaurée dans la Constitution française de 1791, et principe essentiel de la "liberté". Elle loue son "millier d'unités de résistance" développées à l'intérieur de l'Iran, depuis ces dernières années, grâce au réseau social Télégram, qui a permis à certains groupes de résistants d'incendier des portraits du Guide Suprême Khameneï, ou des bâtiments officiels du Régime. Pendant ce temps là, une révolte de prisonniers a éclaté, en Octobre dernier, à la prison de Évine, à Téhéran, provoquant un incendie, suivi d'une répression féroce de ses résidants par leurs geôliers: voici encore une bastille de plus à abattre!!

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