Denis Hanot propose deux livres sur le harcèlement aux éditions L'Harmattan. : " Harcèlement au travail de quel droit ? Quelles procédures et lois utiliser pour sanctionner les illégalités dans les secteurs public et privé ? " et " Les sanctions du harcèlement au travail dans les secteurs privés et publics – les sanctions pénales " Ces deux livres apporteront un début de réponse et de soutien à ceux qui se sentent confrontés ou coincés dans la situation qu'il se propose d'étudier. L'isolement de la victime la fragilise (1). Ces lectures contribuent à l'en sortir.
Les premières pages de Sebastian Haffner dans ses « Mémoires d'un Allemand » (2) traduisent l'impasse dans lequel se trouve le harcelé. L'institutionnalistation du harcèlement moral - comme l'établit un Etat admettant ce comportement dans le fonctionnement de son administration ou des entreprises publiques (3) - révèle la nature d'un régime politique et souligne l'actualité d'Arendt, Millgram, Ellul, Laborit.
Une « politique d'ouverture » favorisant l'émergence d'un régime à parti unique témoigne de la réalité politique de la « novlangue » d'Orwell. Le titre de la loi du 20 août 2005 portant « rénovation de la politique sociale » menaçant le pluralisme syndical en témoigne.
Georgio Agamben constate l'illégitimité de l'Etat, comme Isocrate ou Isaïe déploraient l'impéritie du pouvoir C'est l'échec du politique. Il a promu un progrès technique et non intellectuel. Le monde moderne produit des diplômes, des techniciens et des certitudes, des « automobilistes du Néerdenthal ». La « culture du résultat », le « principe d'efficacité » sont les prétextes contemporains de la « soumission à l'autorité » ou la « banalité du mal ».
Le harcèlement moral est l'épiphénomène d'une mentalité dont Robert O. Paxton ou Maurice Rajsfus tentent de nous sensibiliser sur son actualité et sa persistance. Vichy a-t-il vraiment été un accident de l'histoire ? C'est la question à laquelle aboutit la confrontation de ces auteurs à l'actualité sociale et politique dont certains aspects témoignent confusément d'une résurgence du passé.
Denis Hanot permet de résister à cette fatalité en appuyant son raisonnement sur l'Etat de droit, ou ce qu'il en reste.
(1) De nombreuses associations existent pour défendre vos droits. Les organisations professionnelles, la HALDE, la Ligue des droits de l'homme, etc. Voir le guide du PIDESC (Pacte International relatif aux Droits Economiques Sociaux et Culturels) publié par la Ligue des droits de l'Homme de Belgique. (Pour télécharger le guide cliquez ICI )
(2) "Je vais conter l'histoire d'un duel.
C'est un duel entre deux adversaires inégaux : un Etat extrêmement puissant, fort, impitoyable - et un petit individu anonyme et inconnu.
Ils ne s'affrontent pas sur ce terrain qu'on considère communément comme le terrain politique ; l'individu n'est en aucune façon un politicien, encore moins un conjuré, un "ennemi de l'Etat". Il reste tout le temps surla défensive. Il ne veut qu'une chose : préserver ce qu'il considère, à tort ou à raison, comme sa propre personnalité, sa vie privée, son honneur. Tout cela, l'Etat dans lequel il vit et auquel il a affaire, l'attaque sans arrêt avec des moyens certes rudimentaires, mais parfaitement brutaux.
En usant des pires menaces, cet Etat exige de l'individu qu'il renonce à ses mais amis, abandonne ses amies, abjure ses convictions, adopte des opinions opposées et une façon de saluer dont il n'a pas l'habitude, cesse de boire et de manger ce qu'il aime, emploie ses loisirs à des activités qu'il exècre, risque sa vie pour des aventures qui le rebutent, renie son passé et sa personnalité, et tout cela sans cesser de manifester un enthousiasme reconnaissant.
Mais, tout cela, l'individu le refuse. Il est mal préparé à l'agression dont il est victime : il n'a pas l"toffe d'un héros, encore moins celle d'un martyr. C'est un individu moyen, avec de nombreux défauts, et il est de surcroît le produit d'une époque dangereuse. Mais, ce qu'on exige de lui, il le refuse. Et c'est ainsi qu'il choisit le duel - sans empressement, plutôt en haussant les épaules, mais paisiblement résolu à ne pas céder. Il va de soi qu'il est loin d'être aussi fort que son adversaire, mais en revanche, il est plus souple. On le verra feinter, rompre, se fendre sans crire gare, temporiser, parer de justesse les coups violents qu'on lui porte. On conviendra que pour un individu moyen sans vocation particulière pour l'héroïsme ou le martyre, il s'en tire à son honneur. Et pourtant, on le verra pour finir, abandonner la lutte - ou si l'on veut, la transposer sur un plan différent.
L'Etat c'est le reich Allemand ; l'individu c'est moi. Notre joute, comme tout match, peut être intéressante à regarder - et j'espère bien qu'elle le sera ! Mais je ne la relate pas seulement pour distraire. Mon récit a un autre but, qui me tient encore plus à coeur.
Mes démêlées avec le troisième reich ne représentent pas un cas isolé. Ces duels dans lesquels un individu cherche à défendre son individualité et son honneur individuel contre les agressions d'un état tout puissant, voilà six ans qu'on livre en Allemagne, par milliers, par centaines de milliers, chacun dans un isolement absolu, tous à huis clos. ... "
(3) Le harcèlement moral est quatre fois plus fréquent dans le secteur public que dans le privé selon le docteur Irigoyen.