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Billet de blog 12 avril 2017

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Voter ? Ne pas voter ?

On le sait, durant les deux dernières décennies, le « parti des abstentionnistes » n’a fait que grandir au point qu’aujourd’hui on l’annonce comme le « premier parti de France ». Alors la question de « voter ou ne pas voter ? » semble désormais tranchée démocratiquement. Comment en est-on arrivé là ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ceux qui après 1968 lançaient « élection piège à cons » étaient restés bien isolés pour ne pas dire ultra-minoritaire et en voie de disparition avant la fin du siècle passé. Pour eux : si voter servait à quelque chose, cela se saurait et, en toute logique politique, le vote serait interdit pour le plus grand nombre !

Un constat qui fait réfléchir : depuis septembre 2016, les élections à venir alimentent les discussions, tant dans les médias que dans les sphères publiques et privées. En plus des candidats et de leur formation politique, le dispositif médiatique veut nous persuader que l’on va sortir de l’ornière grâce à l’heureux élu sorti des urnes.

En réalité, on parle très peu de : chômage de masse, pauvreté, famine, suicides, changements climatiques, sacrifice des paysans et agro-industrie, eau impure, extraction des énergies fossiles, danger du nucléaire, air mortel, médecine, pollution des voitures et des avions …

Plus exactement, on en parle mais de façon très homéopathique.

L’important pour les médias est de faire le buzz -et d’en rajouter- principalement sur :

- le Terrorisme, les attentats ; surtout les terroristes, les djihadistes, les intégristes (musulmans, bien sûr…) ; la peur du citoyen étant nécessaire à la bonne continuation du système …

- les Élections,

- le Sport, notamment le football.

C’est ce qu’on peut appeler les infos TES.

Le second point a été particulièrement fourni depuis sept mois -et continuera encore au moins jusqu’en juin minimum- : il y a tellement à dire sur les turpitudes de nombreux candidats. On a l’embarras du choix ; mais en même temps il faut orienter subtilement, présenter ceux qui ont la préférence du système (sous le jour à la fois d’experts incontournables -seuls capables de diriger un pays- et de figures du renouveau alors qu’ils sont là pour perpétuer le pouvoir réel des financiers et des multinationale) ...

 La Finance en éminence grise et le cynisme en politique

 EnGrèce, le 25 janvier 2015, Syriza emporte les élections… avec une orientation plutôt à gauche. Son projet politique vise à faire aboutir les revendications légitimes du peuple grec, notamment en direction de l’Europe. On connaît la suite de l’histoire : le choix sorti des urnes fut sabré par l’intransigeance financière de la troïka -le FMI, la Commission Européenne et la Banque Centrale Européenne- quiont d’emblée exigé un premier plan draconien, trouvant inadmissibles les analyses de Syriza. Ce plan a été refusé par les Grecs lors du référendum du 5 juillet 2015. Berlin et ses alliés n’ont pas supporté le nouveau verdict et n’ont eu de cesse de faire payer cet affront à la Grèce. C’est ce qui explique la situation actuelle de la Grèce qui a dû privatiser des services publics pour rembourser des créances, vendre son patrimoine (port du Pirée …) et qui s’enfonce dans l’austérité -évidemment pas pour tout le monde. Cela sonne comme un avertissement : l’Europe fera le maximum pour s’opposer à un verdict des urnes qui n’irait pas dans son sens. Syriza a donc courbé l’échine devant les diktats de l’Europe.

Le 29 mai 2005, les Français ont rejeté le référendum sur le Traité de Constitution Européenne (TCE). Moins de trois ans plus tard -le 14 février 2008- la France, sous le règne de Nicolas Sarkozy, ratifie le traité européen de Lisbonne -une copie du TCE-, après acceptation par l’Assemblée nationale et le Sénat !

En 2016, arriva par la petite porte le CETA. Les collectifs stop-CETA ont déclaré : «  Le Parlement européen a adopté le traité de libre-échange conclu entre l’UE et le Canada (ou CETA) le 15 février 2017. 90 % de ce traité entrera en application provisoire à partir du 1er mars, sans approbation des Parlements des États membres. La phase de » ratification nationale « commence donc »… « Et ce sont 38 parlements nationaux ou régionaux qui vont devoir se prononcer sur le traité pour qu’il soit définitivement validé dans l’ordre juridique européen. » L’ordre démocratique aurait été de demander d’abord leur avis aux citoyens de chaque pays -et de tenir compte du résultat des urnes-, puis de décider au niveau des différents États. En dernier recours, l’Union Européenne aurait eu le dernier mot. Mais dans ce monde des mauvais coups portés dans le dos, on ne se gêne plus pour faire l’inverse. Bien entendu, il est peu probable que l’on demande l’avis du citoyen français : la leçon du vote du 29 mai 2005 a été retenue !

Ces quelques expériences récentes où le marché et la finance imposent leur système néolibéral montrent, en ce début de 21e siècle, l’état de délabrement avancé de la démocratie et le peu de place politique accordée aux citoyens.

Les pratiques récentes au sommet de l’État

On retrouve cet arbitraire au sommet de l’État. La pratique du pouvoir s’oriente de manière caricaturale par les choix telles qu’a pu l’écrire récemment Serge Halimi dans l’analyse de cette période monarchique :

« De ce pouvoir M. Hollande a fait un usage discriminatoire autant que solitaire. C’est lui qui a » ... « engagé la France dans plusieurs conflits extérieurs, autorisé l’assassinat de plusieurs suspects par voie de drone. Lui aussi qui a fait modifier le code du travail, contraignant sa majorité parlementaire à une réforme qu’elle refusait d’endosser (recours à l’article 49-3 de la constitution) et pour laquelle ni elle ni lui n’avaient reçu mandat du peuple...

… Les proclamations ronflantes sur la démocratie, la République, butent sur un constat que la présidence de M. Hollande a rendu aveuglant : l’exercice solitaire du pouvoir conforte la faculté illimitée de piétiner les engagements d’une campagne qui pourtant devrait fonder le mandat du peuple souverain.

Si un sentiment de trahison s’est ancré dans les esprits, c’est sans doute en raison d’une phrase qui a marqué sa campagne de 2012 et que chacun a entendu cent fois depuis : «  mon seul adversaire est le monde de la finance ». Or M. Hollande a pris sitôt élu un ancien banquier de chez Rothschild pour conseiller à l’Élysée, avant de lui confier les clés du ministère de l’économie. 

Des institutions monarchiques qui permettent toutes les roueries, tous les reniements ; une vie politique verrouillée par la peur du pire ; des médias qui s’accommodent des unes tout en se repaissant de l’autre ; ... ». Monde diplomatique d’avril 2017.

L’abus de pouvoir fait feu de tout bois et opportunité de n’importe quoi. On l’a vu récemment avec l’usage immodéré de l’état d’urgence pour dévoyer le peu de démocratie subsistante. L’attentat de janvier 2015 avait déjà montré la politique spectacle, avec une tête d’affiche nationalepittoresque-les présidents turc, israélien, France-africains …défilant pour sauver la démocratie. L’attentat du Bataclan, le 13 novembre de la même année, est arrivé à point nommé dans l’agenda des affaires de l’État pour mettre en place -par décret puis par lois- une mesure liberticide. Sans surprise, les médias ont relayé de bon cœur les injonctions sécuritaires du gouvernement : on allait enfin avoir les moyens pour lutter contre les réseaux terroristes à l’origine du « péril imminent » et adopter l’attitude la plus guerrière possible.

Dans les faits, cet état d’urgence a été une opportunité pour des assignations à résidence et des perquisitions, des interdictions de territoires, des fouilles de bagages ou de véhicules, des interdictions de manifestations ou de rassemblements (sous des prétextes souvent fantaisistes). C’est une parade fort utile pour museler des militants trop actifs. On l’a vu avant et durant la COP 21 de décembre 2015 à Paris avec 24 assignations à résidence de militants écologistes, (assignations préventives, sans délit, sans justification) ; puis durant la longue lutte contre la loi El Khomri... La commission de suivi parlementaire a également fait état de l’utilisation de l’état d’urgence à Calais contre les migrants.

Désormais l’état d’urgence s’invite en trouble-fête ou maître des cérémonies à l’occasion de grandes manifestations régionales traditionnelles, comme on a pu le voir dans la gestion des fêtes de Bayonne ou le carnaval de Dunkerque. Maintenant, dès qu’il est question de rassemblement -associatif, politique, culturel, sportif, festif, voire commercial ...- on s’évertue à habituer les citoyens à considérer le dispositif sécuritaire et de contrôle de l’état d’urgence comme partie intégrante de la manifestation. Cela peut aller jusqu’à des annulations pures et simples d’événements lorsque les surcoûts sécuritaires deviennent prohibitifs.

Le 9 février 2016, les chiffres donnaient déjà le tournis : 3 336 perquisitions administratives, 344 gardes à vue et assignation à résidence de 400 personnes. Cette situation aura au moins permis de passer à la trappe les contestations relatives à la « gestion » de la COP 21.

En résumé, sans que le citoyen ait été consulté, on met insidieusement en place un état d'exception permanente, une radicalisation de la déchéance de nationalité ; on fait incontestablement glisser l’État français vers un État policier. On assiste de plus en plus à une incapacité de la justice à mettre en cause les pratiques de la police. Tout ceci explique une évolution beaucoup moins orientée vers la discussion et accentue les clivages qui se dessinent dans une France de plus en plus communautariste et raciste.

« État d’urgence » est donc entré dans le vocabulaire ordinaire de cette République démocratique ! Rappelons que, depuis 2015, on en est à la cinquième prorogation de six mois de l’état d’urgence.

La menace terroriste a-t-elle véritablement diminué ? La réponse va de soi !

Le propos de Bernard Dréano, dans le livre « urgence antiraciste », va dans ce sens : « la « lutte contre le terrorisme » sert à justifier les lois d’exception, les opérations néocoloniales comme au Mali et en Centrafrique, les alliances avec les dictatures et les États agresseurs, et surtout conforte partout le discours de guerre ».

On peut aussi constater une autre dérive dans ce pays de plus en plus centralisé et bureaucratisé : le citoyen ne peut et ne doit pas donner son avis sur différents sujets ; par exemple :

- dans le pantouflage du lobby bancaire au sein de la haute administration,

- dans le domaine social et économique (avec toutes les questions liées au chômage et au productivisme),

- dans le domaine de la recherche,

- dans la gestion du nucléaire,

- dans le domaine de la politique étrangère ; on ne veut jamais parler des responsabilités réelles des politiques guerrières et de la prédation organisée des ressources de certains pays que l’état mène avec zèle. Sur ce sujet, le dernier livre de Pascal Boniface  est significatif: « Je t’aimais bien, tu sais ».

Cela vaudrait le détour de développer ces thèmes évoqués -non exhaustifs.

On en arrive donc à penser que la politique est l’art de jouer la comédie et de se moquer des citoyens. Henri Queille (plusieurs fois président du conseil sous la quatrième république) l’a énoncé ainsi : « La politique n'est pas l'art de résoudre les problèmes, mais de faire taire ceux qui les posent. » Il en a rajouté : « Les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent. » : repris, en 1988, par Charles Pasqua et Jacques Chirac, tous deux membres -à l’époque- du RPR -ancêtre de LR. C’est ce que font souvent les élus qui agitent leur programme pour mieux le laisser de côté dès qu’ils sont élus.

Autre technique : nombre de ces élus promettent tout et son contraire. Un exemple : Eric Woerth annonce qu’il est prévu dans le programme de son candidat la suppression progressive de 500 000 fonctionnaires. Dans la même intervention, il affirme que ce programme vise à réduire le chômage !

Il faut rajouter la « politique de l’oxymore » récemment caractérisée par le philosophe Bertrand Méheust. « Les oxymores font fusionner deux réalités contradictoires : « développement durable », « marché civilisationnel », « flexisécurité », « moralisation du capitalisme », etc. Ils favorisent la destruction des esprits, deviennent des facteurs de pathologie et des outils de mensonge. Plus l’on produit d’oxymores et plus les gens sont désorientés et inaptes à penser. Utilisés à doses massives, ils rendent fou. Plus la crise s’aggrave, plus le réchauffement climatique nous menace et plus nous assistons à la production et à l’usage cynique, sans précédent dans la démocratie française, d’oxymores à grande échelle. »

http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-La_politique_de_l_oxymore-9782707182050.html

Les élus et leurs partis

Les élus fonctionnent principalement en vase clos. Quel que soit le parti -toute tendance confondue-, ils forment un groupe à part des citoyens : un clan… qui ne pense qu’à lui, qui se protège avec son immunité parlementaire, qui ne pense qu’à se faire réélire.

En même temps, ils doivent donner l’impression d’être actifs sur tous les terrains, bien qu’ils ne soient pas souvent moteurs.

Quelques exemples.

Le TAFTA  va engager les relations entre les États-Unis et l’Union Européenne. Qui a pris conscience de l’ampleur des dégâts à venir (notamment dans les domaines économique, écologique, démocratique …) ? Des collectifs qui se sont constitués, malgré toutes les embûches pour obtenir des informations. Certains élus ont pris le train de la contestation en marche ; d’autres ont approuvé le projet sans états d’âme.

L’amiante fait partie des sujets qui arrivent peu à peu sur la place publique. C’est aussi dramatique que la silicose -maladie du mineur. Son exploitation a commencé au début du 20ème siècle et n’a été interdite qu’en 1997. Il reste encore 20 millions de tonnes d’amiante disséminées dans les bâtiments. Ce matériau sera certainement responsable de 100 000 morts d'ici à 2025. Des associations ont sonné le tocsin. Ce n’est que très lentement que des élus ont fait avancer sur le plan législatif. Il y a pire : certains élus ferment les yeux quand on démolit des bâtiments amiantés en dehors des normes légales de protection.

Dans l’Avesnois, deux gros problèmes : la dilapidation du patrimoine forestier dans la forêt de Mormal et le projet de construction d’une usine à pellets. On n’entend pas beaucoup les élus sur le premier sujet, alors que tout le monde sait que l’on est en train de saccager la forêt domaniale au profit de privés … chinois. Pour ce qui est du deuxième problème, il est question de fabriquer des pellets pour les envoyer principalement en Allemagne. Peu d’élus se sont impliqués, beaucoup y ont vu un intérêt économique sans se préoccuper de l’aspect écologique. Il a fallu la création d’une association de citoyens pour que ce projet d’usine soit mis à mal par la justice. Actuellement, Anor-Environnement a gagné une bataille mais on n’est pas encore à la fin de la guerre !

Gaz de schiste et de couche. Quand on a appris que certaines entreprises (TOTAL pour la France) s’intéressaient à l’exploitation du gaz de schiste, ce sont des citoyens du Sud de la France qui ont créé des collectifs et des associations pour refuser cette exploitation d’énergie fossile. Certains élus de la région – de gauche comme de droite- ont pris le train en marche pour venir soutenir cette mobilisation qui avait pris une grande ampleur. C’est contraint et forcé par ce travail de mobilisation et d’information des populations impactées par les projets de forage que le gouvernement de l’époque a dû légiférer et voter dans l’urgence la loi dite Jacob, en juillet 2011, interdisant la fracturation hydraulique. La détermination existe encore puisque le dernier grand rassemblement de 15 000 personnes a eu lieu en février 2016 à Barjac, dans le Gard.

A contrario, en Lorraine et dans le Nord/Pas-de-Calais, il n’y a pas encore beaucoup de mobilisation pour empêcher l’exploitation du gaz de couche. Pourtant les risques sont du même type que pour les gaz de schiste. Ce manque de combativité dans les deux principales régions concernées permet à de nombreux élus de se complaire dans une neutralité complice des gaziers. Pire encore, avec les élus PS dans l’hémicycle, c’est l’état d’urgence législatif et les tripatouillages grossiers sur le code minier. Dans une procédure accélérée, initiée début 2017, ils avaient comme idée de sortir les gaz de couche de la catégorie des hydrocarbures non-conventionnelset de permettre leur extraction, sous le prétexte fallacieux qu’il n’y a pas besoin de fracturer le charbon pour extraire le méthane – ce qui est contredit par les exploitations dans des pays comme les États-Unis, l’Australie et la Chine. Pour comprendre la procédure législative accélérée autour du code minier, il faut rappeler la situation d’état de siège pétrolier de la France avec 55 permis d'exploration en cours de validité et 132 demandes en attente, ce qui représente sur le terrain la menace de centaines de forages par permis.

Il est question de renforcer la ligne Très Haute Tension (THT) entre Gavrelle et Avelin dans le Nord/Pas-de-Calais. Le but est de permettre le transport d’électricité en direction de la Belgique, en remplaçant la production d’électricité des centrales nucléaires de Gravelines par celle -très hypothétique- de l’EPR de Flamanville. Des associations se sont créées pour empêcher ce nouveau projet inutile, nuisible et imposé. Ces associations comprenaient, à l’origine de leur création, peu d’élus. Quand elles ont commencé à avoir un certain impact, on a vu arriver quelques élus.

Il n’est pas inutile de rappeler ce que disait, en 1940, la philosophe Simone Weil à propos des partis -structure qui regroupe la presque totalité des élus :

« Un parti politique est une machine à fabriquer de la passion collective. Un parti politique est une organisation construite de manière à exercer une pression collective sur la pensée de chacun des êtres humains qui en sont membres. La première fin, et, en dernière analyse, l'unique fin de tout parti politique est sa propre croissance, et cela sans aucune limite. Par ce triple caractère, tout parti est totalitaire en germe et en aspiration. S'il ne l'est pas en fait, c'est seulement parce que ceux qui l'entourent ne le sont pas moins que lui. Il est douteux qu'on puisse remédier à cette lèpre, qui nous tue, sans commencer par la suppression des partis politiques. » Note sur la suppression générale des partis politiques.

Pour compléter cette analyse sur les partis politiques et leurs représentants à l’élection présidentielle -bien évidemment « anti-système »-, on peut lire les pages 3 à 5 du document intitulé « l’urgence démocratique » et écrit par P. Dardot et C. Laval ; https://www.mediapart.fr/journal/france/250317/l-urgence-democratique.

Les nouvelles pratiques visibles des pouvoirs économiques et financiers

Ceci met en évidence un type de rapport entre les élus et les pouvoirs économiques et financiers : les grosses entreprises font miroiter aux élus une subvention qui pourrait les aider à faire fonctionner leur structure.

RTE (Réseau de Transport d’Électricité) prévoit un financement pour les communes impactées par le passage de la ligne THT. Cela s’est concrétisé déjà dans le Cotentin. C’est acté dans le budget prévisionnel du projet de renforcement de ligne dans le Nord/Pas-de-Calais. C’est un bon moyen pour faire taire les communes récalcitrantes aux projets de RTE et pour mettre un département de son côté. Cette pratique est évidemment une des conséquences du choix de l’austérité pris par le gouvernement qui se traduit par des diminutions drastiques des dotations de l’État aux communes et aux départements.

Bien entendu, cette technique d’arrosage financier n’est pas l’apanage d’une seule entreprise. C’est la même méthode qui inspire l’État et des entreprises pour des implantations d’éoliennes ou de centrales nucléaires et EPR ; pour le projet d’aéroport à NDDL, de barrage à Sivens  et d’usine à pellets (Anor, dans le Nord) ; ou pour l’enfouissement des déchets nucléaires à Bure dans la Meuse ...

On voit bien comment des élus ne se gênent pas non plus pour déléguer la gestion de l’eau à des cadors comme Veolia, Noréade, Suez, Saur ... Ils prétendent que cette gestion dépasse les capacités communales. Que l’eau soit éventuellement non potable et que les tarifs soient élevés -parce qu’il faut nourrir les actionnaires … ou les élus- sont des corollaires dommageables pour les populations mais ne rentre pas en compte dans les prises de décisions.

Les grosses entreprises font miroiter aux élus une subvention qui pourrait les aider. Quand Emmanuel Macron propose d’exonérer les citoyens d’impôts locaux, cela aura comme conséquence directe de placer les élus locaux directement à la merci des grandes entreprises ! Ces entreprises font aussi du chantage à l’emploi (avec de fausses promesses), parlent souvent de retombées indirectes sans les définir. Leur intense lobbying (notamment à Bruxelles), leur tentatives de corruption (comme on le voit avec les amis de François Fillon) font partie de leurs techniques … avec espoir de retour d’ascenseur.

Il y a aussi une autre technique : le cadeau à tel ou tel élu. Il suffit de voir ce qui se passe dans la région lilloise à propos du fameux stade Pierre-Mauroy de Villeneuve-d’Ascq : c’est tellement naturel pour un élu d’avoir un cadeau personnel de la part d’une entreprise qui aura emporté un contrat !

Il n’est donc pas folklorique de penser que de nombreux élus ont envie de faire partie de l’élite et servent globalement de courroie de transmission pour les pouvoirs économiques et -surtout- financiers.

Pourquoi désobéir ? Pourquoi agir autrement ?

Pour montrer que les élections ne doivent pas être le principe de base d’une véritable politique non politicienne en France, il est utile de voir ce qui se passe sur le territoire ; tant dans les luttes de territoire (GP2I…) que dans les propositions alternatives.

« Agir contre » ne signifie pas qu’on agit négativement, mais que l’on s’oppose à des projets destructeurs. « Lutter contre » propose déjà un autre monde, dans lequel le financier n’est pas le cœur de tout.

Remettons donc les choses dans le bon ordre : ce sont ces porteurs de projets inutiles qui agissent négativement. Ils sont tellement obnubilés par le pouvoir de l’argent et/ou le pouvoir sur d’autres humains qu’ils détruisent sans complexe la biodiversité, les humains … Ce sont eux les casseurs.

Il est d’ailleurs remarquable de constater que les initiateurs de projets nuisibles n’hésitent pas à agir sans vergogne, assez souvent de façon illégale ou au mépris de règles démocratiques.

Désobéir est donc nécessaire pour revenir sur des bases plus saines, dans l’intérêt collectif.

Oui, mais désobéir pour quoi ?

S’il s’agit de proposer une économie plus saine, OK ; mais bien sûr, cela n’est pas suffisant !

Il faut créer un rapport de force ; et nous n’avons pas d’autre choix que de faire d’autres propositions, radicalement AUTRES !

Ce qui se passe à NDDL montre que l’on peut construire autre chose, tenter de sortir de l’ordre marchand et fonctionner en dehors de l’économie ; cela signifie remettre en question tout de ce que l’on produit et tout ce que l’on consomme ! c’est se situer autrement dans le monde, non comme producteur-consommateur, mais comme « vivant » ; c’est surtout être convaincu qu’un autre monde est possible et lui donner corps ! Cela se met en place progressivement, malgré un environnement quelquefois défavorable-par exemple, les forces de répression du pouvoir en place et leurs moyens de semer la pagaille sans aucun risque de sanctions.

À Bure, malgré les pressions -principalement financières- des services de l’État, malgré un dispositif policier conséquent -avec intervention aussi de milice privée-, un groupe important tient le cap pour dénoncer cette volonté d’enfouir les déchets nucléaires. Cela se fait globalement avec une organisation qui permet à tout un chacun de s’exprimer … sans attendre la voix éclairée d’un leader.

On retrouve le même genre d’actions et d’activités dans le Tarn pour protéger la zone humide du Testet à Sivens ; ceci malgré les méthodes violentes -encore- de la part des forces de police (un mort en 2014) et du Conseil Général du département qui a un intérêt dans le projet de barrage.

Résister est aussi le maître-mot de l’association NOVISSEN pour empêcher l’installation de la ferme des 1000 vaches à Drucat (Somme). Cette bataille est importante dans la région, elle est significative de la lutte contre l’agro-industrie menée globalement avec plus ou moins de succès par la Confédération Paysanne.

C’est aussi le sens des combats contre des projets de porcheries : à Heuringhem (Pas-de-Calais) avec l’association AIVES et à Raimbeaucourt (Nord) avec l’association ARPE.

D’autres exemples de résistance et de désobéissance : centrale biomasse à Gardanne ; Europacity dans le triangle de Gonesse-région parisienne ; ferme des bouillons à Rouen ; stade de foot à Grenoble ; LGV ou TGV sur la ligne Lyon-Turin et depuis Bordeaux ; méthaniers … Pour d’autres exemples, lire le livre « résister aux grands projets inutiles » ; notamment aux pages 38 et 39.

Pour connaître les projets alternatifs -notamment dans la perspective d’une société basée principalement sur l’humain-, le livre «  les néo-paysans », écrit par Gaspard d’Allens et Lucile Leclair, regorge d’exemples … essentiellement dans le domaine rural.

L’abstention au fil du temps

Il faut rappeler le texte d’Élisée Reclus, daté de 1885 etrésumé ainsi : « Voter, c'est abdiquer ; … voter, c'est être dupe ; … voter c'est évoquer la trahison. » https://opdlm.jimdo.com/opdlm-s%C3%A9cession/ ; ce site est une mine intéressante dans différents domaines.

Raoul Vaneigem -un citoyen belge, connu de certains- a publié un article en 2010 : « Pourquoi je ne vote pas » ; http://susauvieuxmonde.canalblog.com/archives/2010/03/24/17335153.html

Parmi les écrits récents, il faut se tourner vers Antoine Peillon qui vient de publier un livre dont le titre indique la même couleur qu’Élisée Reclus : « voter, c’est abdiquer ». Extraits :

« L’élu trahit toujours l’électeur ;

L’élection, d’origine aristocratique, est une pratique conservatrice, le vote instituant toujours la même classe dominante au pouvoir et maintenant le statu quo social ;

Les élections sont inefficaces à générer le changement ; boycotter le vote, c’est donc dénoncer une illusion ;

Elles sont au fond illégitimes car l’individu ne doit pas abdiquer sa souveraineté au profit de représentants qui agissent à leur guise durant toute la durée du mandat ;

Le changement social ne peut et ne doit advenir que par l’action directe des dominés ;

Participer aux élections c’est accepter de réduire la politique à des enjeux de pouvoir, cautionner la domination sociale et économique d’une élite sur tous, et donc légitimer le régime que l’on croit combattre ;

Le vote, qui suppose la soumission, la compromission et la corruption ne saurait être l’arme de ceux qui veulent la plénitude de leur autonomie, de leur désintéressement et de leur droiture. Il ne peut faire droit à la double revendication d’égalité et de liberté qui est au fondement du socialisme libertaire ».

Récemment, Philippe Drenntel a écrit sur son blog :

« Compte tenu du climat général, il serait d’ailleurs plus juste de parler de boycott que d’abstention. Puisqu’elle est alimentée tous les jours par les malversations et la corruption du régime représentatif et qu’elle est donc de fait plus un rejet lié au dégoût qu’un simple désintérêt du fait politique. 
L’abstention ne rejette pas les candidats (les effets induits). Elle rejette le système (le régime représentatif) qui produit pour son fonctionnement les effets induits.

Elle n’a donc aucune parenté et aucune proximité avec le vote blanc. Elle ne propose pas de changer de mal pour un moindre mal. Elle propose de mettre un terme à l’outil qui produit le mal.

Son diagnostic ne s’arrête pas aux effets, il remonte à la cause. L’abstentionniste ne cautionne pas le régime qui est la cause, là où le vote blanc le cautionne ».

Conclusion … provisoire

Il faut constater que les forces politiques ont tendance à monopoliser le débat et à laisser peu de place à l’expression syndicale, associative et culturelle... Elles n’imaginent pas changer leur fonctionnement pyramidal ; elles ne pensent que dans l’optique de la croissance (« la croissance n’est pas la solution, elle est le problème ») ; elles n’envisagent pas de changer de paradigme. C’est là le modus vivendide cette société capitaliste.

La sinistrose ambiante laisse pourtant entrevoir des lueurs d’espoir. Ce n’est pas encore significatif.

Cela risque d’aboutir un jour si on envisage une convergence des luttes et des pratiques alternatives ; si nous mettons en acte, d’autres façons de dessiner nos vies, d’autres solidarités, d’autres mutualisations …. pour sortir de l’économie et pour laisser un avenir possible.

La conclusion du texte (« alliance électoral ou changement de société ? ») écrit par Vincent Liegey avec Stéphane Madelaine, Christophe Ondet et Anisabel Veillot montre une orientation intéressante, appelant au débat :

« Alors, rencontrons-nous, dans le respect de la diversité de nos cultures politiques, de nos réseaux, de nos visions, de nos expériences et de nos compétences. Si cette diversité complique les coopérations dans le cadre d’une élection présidentielle, elle est pourtant fondamentale pour transformer parallèlement nos sociétés complexes et espérer éviter ou minimiser les barbaries en cours et à venir. Soyons aussi humbles que possible face à l’immensité de la tâche, et ne perdons pas de vue qu’avoir raison tout seul, c’est avoir tort ! »

La fin du texte de Pierre Dardot et Christian Laval (« l’urgence démocratique ») va dans ce sens ; extraits :

« Il faut agir vite pour que dès les législatives le sort de la gauche anti-néolibérale ne soit pas entièrement condamné. … »

« Compte tenu de la décomposition de la gauche actuelle, il importe de réfléchir à la constitution rapide d’un vaste bloc démocratique anti néolibéral, rassemblant de multiples composantes politiques, syndicales, associatives, d’accord pour faire front commun contre les deux ennemis aux destins inséparables que sont le néofascisme et le néolibéralisme. »

... « Soit le sectarisme d’appareil se prolonge, et ce sera la fin pour longtemps de la gauche critique et radicale, soit il peut être dépassé par la création d’une nouvelle formation à la fois unitaire et diverse, et le couple infernal de ses deux ennemis pourra alors être combattu et vaincu. »

« Si tous les appels à l’unité sont restés vains, si nous ne pouvons plus rien empêcher, en tout état de cause, après les élections, il restera l’« urgence démocratique » de faire face au néofascisme, fruit d’un désespoir doublement alimenté par le néolibéralisme et l’absence d’une vraie alternative politique. Car il ne faut pas s’y tromper : la menace du néofascisme est une menace de guerre civile. C’est donc dès maintenant, si l’on veut vraiment éviter que le pire n’advienne, qu’il faut penser et expérimenter les formes d’un front commun démocratique. »

En tout cas, dans l’atmosphère pestilentielle des pollutions des affaires masquées par le tapage médiatique de cette élection présidentielle, une chose apparaît clairement : la solution aux problèmes sociétaux et environnementaux ne passe pas par les urnes. 

Mais bien évidemment cela ne suffit pas !

Notre volonté de changement vers une autre façon de vivre, qui laisse une vraie place au citoyen et permet une réelle gestion des problèmes doit être déterminée et déterminante.

Il faut donc revoir le type de démocratie et les formes de délégation de pouvoir, réfléchir sur les modes de fabrication -dans le respect de l’écologie ; ce qui implique de mettre sur d’autres rails la société non anthropocentrée.

Il faudra que les structures politiques non politiciennes développent des pratiques alternatives permettant d’envisager un ciel plus serein…

Si d’autres pistes ne se tracent pas, les catastrophes -climatiques, sociales, démocratiques, culturelles… -vont s’accumuler et l’humanité disparaîtra !

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.