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Billet de blog 26 mai 2024

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Réponse à Sarah Benichou et Tal Madesta, suite à la rencontre du 23 mai

Sarah Benichou et Tal Madesta dont j'aime le travail journaliste et/ou militant, ont tenté d'éclairer la rencontre du 23 mai à la Bourse du travail, organisée par le RAAR, JJR et Golem. Ayant assisté à cet événement, je reviens sur les nombreuses erreurs de l'article, dont je ne sais pas si elles sont conscientes.

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La rencontre avait pour thème "Pour une gauche réellement antiraciste", et la captation de la rencontre est désormais en ligne. Voici d'ailleurs un compte-rendu fidèle de cette soirée.

Tal Madesta, Sarah Benichou, voici donc une réponse en plusieurs points à votre article "Depuis le 7 octobre, des voix juives de gauche en ébullition"

- D'abord, l'intervenante israélienne dont vous parlez au début n'a pas été interrompue parce qu'elle dénonçait Meyer Habib (un fasciste que tout le monde a dénoncé ce soir-là) : il lui a été demandé d'écourter son intervention trop longue parce que le temps de chacun était compté (2 ou 3 minutes par personne, pour pouvoir rendre la salle). Elle s'exprime ici, à 1h 20'. J'ai personnellement pu continuer avec elle, après la rencontre, la discussion passionnante qu'elle avait initiée.

- Martine Leibovici n'a jamais dénoncé les mobilisations pour un cessez-le-feu, d'autant que son asso (le Raar) s'exprime clairement "pour Gaza et un cessez-le-feu immédiat et permanent" ! Quant à la formule « Pour la vie, la justice et l’égalité de la mer au Jourdain », elle n'a pas été "condamnée" mais expliquée et replacée dans son histoire. [m.à.j. du 27 mai : Il semble que vous avez légèrement corrigé ce point. Mais pour le reste, vous nourrissez les mensonges et le confusionnisme. Pourquoi ?]

Pour donner l'idée, voici le reste de l'intervention de Martine Leibovici « Nous condamnons le massacre des Palestiniens et des Palestiniennes de Gaza, ordonné par le gouvernement de Netanyahou et ses allés fascistes. Nous condamnons les destructions massives des habitations et des infrastructures mais aussi celles des lieux de culte et des cimetières ravagés par les chars d’assaut. Nous condamnons les déplacements massifs de population ainsi que la situation sanitaire catastrophique et le risque de famine à Gaza »

- Affirmer que "les 3 collectifs se tiennent à distance des mobilisations pour un cessez-le-feu à Gaza" est FAUX. Suivez un peu. Lisez les communiqués du RAAR, réécoutez les interventions de Golem en tribune (à 51'), pour un cessez-le-feu, contre les massacres menés par l'extrême-droite israélienne, contre la colonisation et pour les droits des Palestinien.ne.s. Jusque là ce sont d'ailleurs les mêmes revendications que Tsedek. J'ajoute que, comme de nombreux.ses militant.e.s, j'ai participé spontanément aux rassemblements en soutien à Gaza et aux palestinien.ne.s. Pourtant je suis au Raar, allez comprendre.

- Je vais tenter un truc : le principal clivage entre Tsedek / UJFP d'une part, et JJR / RAAR d'autre part, c'est l'affirmation, ou le déni, du fait que l'antisémitisme n'est pas présent qu'à droite et à l'extrême-droite, mais qu'il a aussi infusé dans une partie de la gauche. C'est l'affirmation que, comme le racisme ou le sexisme, les préjugés antisémites sont fréquents dans nos rangs. Alors que Tsedek nie l'antisémitisme à gauche en ne désignant que l'arc politique du PS à l'ExD, le Raar dénonce l'antisémitisme partout - une position délicate qui tient sur une ligne de crête. Non je ne suis pas neutre, je prends clairement parti pour le RAAR.

- Oui, des cadres de LFI ont été mis en cause pour nier l'antisémitisme, en effet... mais aussi pour leur déni du racisme, du sexisme et de la LGBTQIphobie. Ça été dit ce soir-là. Il faut le dire.

- Contrairement à ce que l'article laisse penser, PERSONNE, lors de la rencontre du 23 mai, ne s'est revendiqué du sionisme. Et même si la rencontre n'avait pas pour objectif d'analyser l'idéologie sioniste, beaucoup ont dénoncé le projet sioniste colonial qui sert d'arme pour écraser les palestininen.ne.s.

- Votre article ne fait pas mention des militants de Golem, invités le 21 mai à s'exprimer à l'univ de Lille sur le thème Israël-Palestine. Il ont pourtant été empêchés de s'exprimer par un petit groupe hostile, hués, insultés et évacués sans avoir pu parler. C'est pourtant assez grave pour éclairer les enjeux actuels, donc voici leur communiqué. Vous ne mentionnez pas non plus la présence des collègues de la bibliothèque anarchiste des Fleurs arctiques. Ils sont pourtant venus témoigner suite aux dégradations de leur local la nuit du 18 au 19 mai, probablement le fait d'individus fascistes. Voici le communiqué qu'ils ont publié.

- Vous ne mentionnez pas la présence bienvenue de nombreuxses militant.e.s de syndicats comme la CGT (c'est la CGT Paris qui a mis cette salle à disposition),  Sud et la FSU au moins, de partis comme LFI (dont la présence a été appréciée malgré l'invective de qq gars mal embouchés), de la Nupes, du PS, d'assos antiracistes, queer et/ou féministes.

- Au fait, un détail, le RAAR n'est pas une "voix juive" puisque ce n'est pas une organisation juive.

Bref. Les formulations de Sarah Benichou et Tal Madesta qui font passer les organisateurices pour des soutiens au gouvernement israélien sont trompeuses, et très surprenantes de leur part. Pourquoi avoir écrit ça ? Contre qui ? Au profit de qui ?

Comme Yaël, Sarah, Elia ou Noah cité.e.s dans l'article, il est impossible pour moi - et pour toutes celles et ceux qui assument une identité juive en ce moment - de tenir une position consensuelle. Comme les musulman.e.s dont on exige de condamner les attentats commis au nom d'Allah, les juifves font face aux injonctions de s'exprimer, en tant que juifves, sur les crimes perpétrés au nom des juifves. C'est aussi le cas à gauche, et depuis des décennies, j'en ai largement fait les frais. Ben non mon gars, ça marche pas comme ça ! Je ne suis pas davantage que toi tenu de condamner ceci ou cela du fait de ma naissance. Ma position, donc, est difficile. Je développe. Je fais face à l'islamophobie d'une partie des juifves, y compris dans ma propre famille, dont certains pensent que le RN est un "moindre mal face aux soutiens du Hamas" (sic), et c'est pénible de les entendre m'accuser d'islamogauchisme. Je fais face à l'antisémitisme structurel, que l'extrême-droite porte dans son ADN et qui infuse dans toutes les composantes politiques... jusqu'à une gauche anticoloniale dans laquelle je me reconnais. Mais je fais face aussi au déni de l'antisémitisme qui règne à gauche - même dans un syndicat, dans une asso antiraciste, et dans les manifs. Oui, je fais face à des militant.e.s qui me répondent tranquilou que dénoncer l'antisémitisme à gauche n'est qu'un prétexte pour défendre le fascisme sioniste génocidaire. Non. Celles et ceux qui vivent les discriminations et les préjugés - personnes racisées, victimes des violences patriarcales ou de handiphobie, etc, ont une expertise pour parler de ces préjugés. Pour les personnes juives ou considérées comme telles, c'est pareil. Que chacun.e aie un peu d'humilité face à une personne qui témoigne de ce qu'elle vit.

Juifves ou pas, nous assistons médusé.e.s à la haine, aux massacres, aux totalitarismes et aux politiques coloniales au Proche-Orient. Face à cela, les positions constructives sont rares et précieuses. Elles exigent la patience, la curiosité, l'humilité, l'acceptation de nos faiblesses, l'affirmation de notre courage politique. Continuons à nous confronter, en nous rappelant toujours ce qui nous rassemble.

Paco

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