Dans mon métier, il m'arrive de faire des analyses de risque.
Il existe plusieurs méthodes complémentaires, mais la première certitude, c'est que quand il arrive un accident grave, on a toujours affaire à une multiplicité de causes. C'est le fameux "alignement des trous dans le gruyère".
Une des méthodes les plus utilisées est le diagramme des causes. Il consiste à repérer plusieurs axes fondamentaux, et à affecter les causes élémentaires à ces axes, pour en faciliter le traitement.
Si on applique cette méthode à la survenue d'un attentat, on peut organiser les causes de cette façon.
Les causes individuelles
Les motivations individuelles des terroristes, sociales, culturelles, familiales, psychologiques. Les motivations politiques n'en font pas partie, elles se retrouvent dans le contexte.
Les causes circonstancielles
Pourquoi cette cible, ce moment.
Les causes matérielles
Comment les modalités techniques ont-elles été possibles, mise à disposition de matériaux, armements, accès à la cible, etc.
Les modalités organisationnelles
Constitution et organisation des acteurs, financement, communications, idéologies.
Le contexte politique
Positionnement de l'événement dans des mouvements et rapports de forces nationaux et internationaux.
Il y a peut-être d'autres axes ou causes, qui ne me viennent pas immédiatement à l'esprit.
Conséquences
Il est donc évident qu'une "guerre contre le terrorisme" qui ne traiterait pas l'ensemble de ces axes serait inopérante, les 20 dernières années sont là pour nous le rappeler. Elle est encore plus inefficace quand elle contribue à renforcer d'autres axes !
Cependant, cette analyse doit nous permettre d'éclairer la participation à la manif des Charlies de certains représentants politiques.
Les USA, voulant venger le désastre vietnamien, ont équipé et financé (avec l'aide logistique de Kouchner…) les moudjahidines afghans. Ils n'ont pas fini de s'en mordre les doigts, mais le complexe militaro-industriel en reste le grand gagnant.
Quand à Israël, il est établi que, pour affaiblir l'OLP d'Arafat, Tel-Aviv a apporté son soutien au Bloc islamique du cheikh Ahmed Yassine, qui donnera plus tard naissance au Hamas. La politique d'Israël peut à bon droit être qualifiée de terroriste (dont la définition souvent retenue est de se livrer à des exactions sur une population civile pour influencer la politique d'un État). La motivation de bon nombre de terroristes peut facilement être reliée à la colonisation de la Palestine par Israël. En revanche, si on s'attache au référentiel religieux, on ne trouvera aucune racine musulmane à l'antisémitisme. Dans les sociétés musulmanes, avant l'agression israélienne, les communautés juives étaient très généralement respectées.
dans la manif
Dès lors, comment réagir face à la provocation que constitue la participation des dirigeants américains et israéliens à la manif républicaine ?
La première réaction est le rejet : les pyromanes n'ont pas leur place dans une manifestation de soutien aux victimes. C'est la plus logique au premier abord, mais elle ne correspond pas à l'esprit de la manif, qui est une communion nationale autour de la gravité de la situation.
La réaction la plus intelligente me semble donc d'en profiter pour les prendre à témoin : et bien voilà, voyez avec nous comment tous réagissent au résultat de votre politique, peut-être est-il temps de réajuster cette politique.
Le pire serait que le gouvernement français en profite pour s'aligner ou exprimer sa solidarité avec les gouvernements israéliens et américains, pour s'associer à la "guerre au terrorisme" et au Patriot Act. C'est clairement la tentation de certains, et elle doit être dénoncée. Pas plus que CRIF, Netanyahou ne doit être considéré comme le représentant des victimes d'un antisémitisme dont il est le principal déclencheur. Il doit plutôt être mis face à la conséquence de ses actions.