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Billet de blog 25 juin 2015

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les commissions qui agréent les produits...

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il est interessant de comprendre comment fonctionnent les institutions officielles (ministère, agences, OMS, Commission Européenne, etc.) dans lesquelles des experts relisent les publications élémentaires et en tirent la substantifique moelle  pour édicter règlements et législations. J’aimerai vous narrer l’expérience de mon vieux maitre. En 1981, en tant que professeur de thérapeutique et responsable d’un service de toxicologie, il a été nommé pour représenter le ministère de la Santé dans la commission ad’hoc de l’Agriculture. Il s’agissait d’autoriser les traitements sur les fruits et légumes.

Cela se passait ainsi : un rapporteur présentait des études de toxicité diverses, et faisait une synthèse finale sur ce modèle : dans les conditions d’emploi décrites, pour atteindre une toxicité significative, il faudrait  pendant 50 ans manger chaque jour 15 kg de pommes traitées.

D’évidence, personne ne va manger 15kg de pommes tous les jours pendant 50 ans, le produit était considéré comme utilisable, et le mode d’emploi était officiellement validé.

Et dans la matinée, on passait quelques dizaines de produits à la moulinette, sur les pommes, le raisin, la salade, etc. Rebelote tous les mois.

Au bout de quelques séances, il a posé de vraies questions de toxicologue

:

  1. a-t-on les moyens de controler que les modes d’emploi sont respectés (en particulier le délai entre le traitement et la cueillette…). Réponse : non.
  2. est-il possible de cumuler plusieurs traitements sur un même produit ? Réponse : oui.
  3. quand il y a plusieurs traitements, a-t-on étudié les interactions entre les produits, sachant qu’en toxicologie, on peut observer certains cas où l’effet cumulé est multiplicatif, et pas seulement additif. Réponse : non.

Il a alors procédé à un rapide calcul devant la commission :

  • on mange tous les jours pendant 80 ans, l’exposition à considérer est donc sur la vie entière.
  • il y a potentiellement des toxiques sur tous les produits consommés, donc la quantité de base à prendre en compte est bien de 2 kg par jour.
  • il y a généralement plusieurs produits par aliment, donc l’équivalent en quantité de base d’aliments doit être multiplié par le nombre moyen de produits utilisés ; raisonnablement, on arrive à 10 équivalents kilo par jour pendant 80 ans comme dose habituelle à prendre en compte.

Sa conclusion : dans ces conditions, la plupart des produits décrits dans les séances de travail approchent ou dépassent la dose toxique.

Il lui a été répondu que son analyse non conventionnelle ne respectait pas les critères officiels, et que s’il n’était pas satisfait du fonctionnement de la commission, il pouvait démissionner. Ce qu’il a immédiatement fait, et il a été remplacé par un expert plus compliant.

Tout ça pour expliquer que :

  • les experts qui occupent les commissions sont sélectionnés sur leur capacité à avaler des couleuvres (il n’est même pas certain qu’ils soient achetés, enfin, pas tous).
  • les critères utilisés pour valider les études sont délibérément bidonnés, et pseudo scientifique.
  • cela est fait en toute connaissance de cause.

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