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Billet de blog 27 mai 2019

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Les élections européennes ont confirmé la redéfinition du paysage politique français amorcée par les élections présidentielles. Dans une situation d’urgence sociale et écologique, face aux impasses libérales, triomphantes par défaut, et aux fausses solutions de l’extrême droite, les échecs itératifs des formations politiques de gauche imposent l’invention d’un nouvel agenda politique.

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A décryptage

Face à la décrédibilisation de la droite classique et des sociolibéraux, le mouvement des marcheurs de Macron est bien arrimé à la droite de l’électorat, ayant récupéré l’essentiel des voix des anciens partis de droite. Ceux-ci, n’ayant comme option de survie que la surenchère idéologique avec l’extrême droite, se sont effondrés.

La dérive droitière de Macron réussit à décrocher une partie des électeurs PS de la présidentielle qui avaient gobé la fable « de droite Et de gauche ». C’est probablement ce qui ressuscite l'improbable alliance centre droit de la carpe sarkoziste Glucksmann avec le lapin « socialiste ». Les gains à droite ne compensant pas les pertes à gauche, Macron baisse, plombé par son autisme vis-à-vis de la demande sociale et son acharnement à défendre les riches

L’extrême droite, portée par un discours pseudo social facilité par les carences de la gauche, se présente comme le principal rempart contre l’oligarchie. Elle recueille cependant moins de députés que dans l’assemblée précédente, ce qui représenterait une défaite si elle n’avait pas réussi à battre le parti présidentiel.

EELV, dopé par les brillantes réussites de ses principaux représentants (Placé, Rugy, Cohn-Bendit, ) et les percées de ses collègues allemands alliés aux Chrétiens Démocrates, fait une remarquable progression.

La dispersion des voix de gauche sur divers groupuscules fait quasiment disparaître la gauche du Parlement Européen, à l’exception des Insoumis, qui conservent 6 élus, compensant les 4 attribués au Front de Gauche dans la mandature précédente.

On notera tout particulièrement que le PC, qui avait lors de son congrès choisi de faire cavalier seul, a perdu non seulement tous ses députés, mais n’a même pas obtenu le remboursement de ses frais de campagne, ne battant que de 0,3 % le parti animaliste.

On remarquera également qu’avec 6 %, les Insoumis, s’ils restent la principale formation de gauche et la seule représentée par des élus, ratent leur transformation en opposant majeur à la politique de l'oligarchie.

B Au total

Le bilan global n’est pas enthousiasmant: en pleine tourmente sociale et catastrophe climatique, la gauche gagne 2 élus, l’extrême droite en perd 1, les Verts progressent, mais surtout le château fort libéral inféodé aux lobbys industriels et financiers (PS + diverses droites et extrêmes droites) reste inébranlable.

C Analyse

Une analyse honnête ne se paye pas de mot. Bien sûr, la lutte idéologique a été sévère, les ego de dirigeants ont pesé sur les stratégies et le PC et Hamon ont inutilement dispersé l’électorat progressiste. Évidemment l’oligarchie a multiplié manipulations et coups de force médiatiques pour mobiliser le débat autour des attaques ad hominem plutôt que sur les projets, et même des outils comme Médiapart et Politis se sont laissé manipuler à plusieurs occasions.

Mais rien de tout cela n’est nouveau. Le problème est que c’est l’ensemble du logiciel politique français qui est rouillé.

La crise des Gilets Jaune l’a bien démontré : personne ne l’a vu venir, et elle n’a pas trouvé son issue dans les urnes. Il est d’ailleurs possible que les prochaines semaines soient critiques. Dans tous les cas, les organisations de gauche ont été très lentes à comprendre et reprendre les enjeux, les Insoumis ayant été indiscutablement les plus réactifs, mais sans en bénéficier sur le plan électoral, du fait de l'abstentionnisme massif de ce mouvement.

D Propositions

Sortir de l’impasse nécessite une refonte de la politique encore plus complète que ce qu’avait tenté la France Insoumise en 2017. Il s’agit de dépasser le fonctionnement en silo qui compartimente l’action de chacun d’entre nous.

Clairement, les anciens partis, englués dans leurs visions politiques du siècle dernier, n'ont plus leur place dans le dispositif. Malgré la valeur et la vaillance de leurs militants, malgré la justesse et la pertinence de nombre de leurs analyses, l'histoire de leurs échecs répétés démontre leur inutilité, voire leur capacité de nuisance. Pour la majorité des citoyens, leur présence dans un dispositif suscite des sentiments qui oscillent entre la méfiance, le dégout et l'hostilité. Force est donc, fut-ce à contre coeur, de s'en passer, ou du moins de ne pas les mettre en relief.

D.1 Sur le plan politique

Une fédération autour d’un minimum partagé, en acceptant que sur les points de frottement, la parole revienne au peuple plutôt qu’au programme. La façon de faire plutôt que le détail du plan.

Un certain nombre de préalables sont pourtant indispensables, et les grandes lignes du programme l’Avenir en Commun sont certainement les meilleures candidates. Je me contente de citer :

Une constituante pour une 6e République pour casser la personnalisation du pouvoir, introduire la règle verte et accessoirement se donner les moyens de reprendre l’initiative sur les traités européens

un réquilibrage social au profit des producteurs de richesses

une politique fiscale qui s'attaque à la rente et diminue la pression sur les plus faibles (particulièrement la TVA)

un repeuplement des services publics

une consolidation des biens communs

une politique européenne qui inclue la désobéissance massive aux traités et n’exclue pas la construction d’une Europe Ecologique et Sociale si impossibilité d’accord.

D.2 Sur le plan du travail

Malgré les attaques lourdes et répétées de la droite et des socialistes ces 10 dernières années, le mouvement syndical a accumulé défaite sur défaite. Il est confronté à une inacceptable fragmentation. La répartition de l’activité en multiples sous-traitants casse l’action. Les chômeurs, auto entrepreneurs et retraités sont exclus.

L’isolement des syndicats dans la société n’est plus de mise. Le mouvement politique doit nourrir et soutenir le mouvement syndical. Les syndicats progressistes doivent non pas rechercher l’unité d’action, mais fusionner le plus rapidement possible, et agir non plus sur des bases correspondant aux entités juridiques, mais locales et fonctionnelles.

D.3 Sur le plan associatif

La plupart d’entre nous participent à des associations Culture, sport, entraide, consommation, les thèmes sont innombrables.

Dans ce monde capitaliste avec une croissance de la consommation des ressources insoutenable, l’interrogation sur les modes de consommation devient vitale au sens propre du terme. L’organisation de liens associatifs entre citoyens producteurs-consommateurs peut devenir un pan de la réorganisation sociale.

L’intervention collective en matière de santé est également en enjeu novateur, et de nombreuses autres questions peuvent bénéficier de mise en commun à l’échelon local.

D.4 Sur le plan de la démocratie locale

Le maintien de frontières étanches en organisations politiques, syndicales et associatives n’a pas permis aux revendications sociales d’exprimer leur puissance. Le mouvement des Gilets Jaune ou les puissantes revendications sociales des dernières années en ont fait la preuve.

Inversement, les mouvements locaux comme ceux qui se sont exprimés lors des forums sociaux ou les Nuits Debout ont fini par péricliter en l’absence de relais politiques nationaux.

La France Insoumise réussira-t-elle à assembler les forces progressistes dans des structures locales faisant cohabiter syndicats de travailleurs (salariés, autoentrepreneurs, chômeurs), associations diverses (consommateurs, entraide, santé...) en faisant le lien avec des politiques nationales et européennes ?

C’est peut-être un des principaux enjeux actuels

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