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Billet de blog 13 mai 2015

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La citoyenneté sans le pouvoir d’agir, sans la démocratie

La coordination Pas sans nous a analysé les soixante mesures prises par le comité interministériel pour l’égalité et la citoyenneté qui s’est tenu le 6 mars 2015, suite aux attentats de janvier. Troisième et dernier volet de cette analyse. 

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La coordination Pas sans nous a analysé les soixante mesures prises par le comité interministériel pour l’égalité et la citoyenneté qui s’est tenu le 6 mars 2015, suite aux attentats de janvier. Troisième et dernier volet de cette analyse. 

Volet 3[1]

Soixante mesures du comité interministériel

L'abandon du projet de territoire réaffirmé dans la loi Lamy

La citoyenneté sans le pouvoir d’agir, sans la démocratie

Le patchwork de mesures élaboré par le comité interministériel ignore superbement la loi pour la Ville et la Cohésion urbaine qui réaffirmait le primat du projet de territoire et l’articulation entre les dimensions sociale, urbaine et économique du contrat de ville. Pire, les mesures entrent en contradiction avec cette loi. Les contrats de ville sont évoqués ici ou là au détour d’une mesure, mais tout se passe comme si l’État considérait que les « vrais » sujets se traitent en dehors de cette procédure. Nous applaudirions des deux mains si le droit commun était réellement mobilisé pour garantir l’égalité effective des droits pour tous…

Une fois encore, le projecteur principal est mis sur la rénovation urbaine, sans poser une seule fois la place des habitants dans ces projets. Accélérer les démolitions-reconstructions s’impose à nouveau comme la seule voie praticable pour rénover un quartier, tout comme la volonté de reconstituer l’offre démolie en dehors des quartiers prioritaires sachant que cette offre n’est presque jamais accessible, en pratique, aux ménages relogés (voir plus haut).

Les mesures proposées en termes de développement économique, à part la création d’une agence dont on ne sait pas comment elle sera financée, n’apportent aucun contenu supplémentaire aux dispositions actuelles. Les clauses d’insertion, qui existent déjà, peuvent être une mesure positive, mais il faudrait en connaître le bilan, en distinguant en particulier en sortie du dispositif, les bénéficiaires qui ont eu accès à un emploi de ceux qui ont (seulement) eu une formation. Surtout, il reste un gros travail  à faire sur les questions de formation professionnelle et d’éducation qui ne se réduisent pas, dans les quartiers populaires comme ailleurs, à la formation à la citoyenneté !

Le volet « vivre en sécurité dans l’espace public », conséquent en lui-même, est particulièrement indigent en ce qui concerne les relations police/population. La prévention du profilage ethnique par les « caméras piétons » ressemble à un expédient visant à faire oublier la promesse non tenue par le gouvernement actuel sur les contrôles au faciès. On peut souligner aussi l’absence de toute référence à la prévention, ce qui situe le plan dans la continuité de la politique sécuritaire de Nicolas Sarkozy ; fait exception le dispositif « Pack 2e chance », mais aucun financement n’est annoncé et ce dispositif se limite aux seules zones de sécurité prioritaire (soit une infime minorité des 1 500 quartiers prioritaires). De même, aucun moyen n’est prévu pour « développer la mise en œuvre des mesures de travaux d’intérêt général et de réparation pénale », un objectif mis en avant depuis le rapport Bonnemaison de 1982…

La réforme Lamy entendait aussi innover en matière de participation citoyenne. L’absence de toute mention des conseils citoyens apparaît à ce titre très éloquente. Ce dispositif était certes très critiquable, mais l’alternative proposée est pour le moins imprécise : « Transformer les lieux accueillants du public (centres sociaux, MJC, maison de quartiers…) en “fabriques” d’initiatives citoyennes impliquant les habitants (mutualisation, mise en réseau, échanges de pratiques) et développant l’engagement bénévole ». Plus intéressante est la proposition de « soutenir la structuration des associations de proximité, la mise en relation avec des outils d’accompagnement et la mutualisation de leurs moyens d’action au niveau local ». Mais on peut redouter la volonté de « formatage » des initiatives habitantes et de réduction des subventions derrière l’idée de « mutualisation ».

Le principe d’augmenter le financement des associations : « Mobiliser 100 millions d’euros supplémentaires pour conforter les associations de proximité, de l'éducation populaire et du sport (crédits supprimés entre 2008-2012) » peut aussi constituer une avancée mais comment seront distribués ces financements ? Par qui et sur quels critères ? Les propositions du rapport Bacqué-Mechmache ne semblent pas avoir été entendues. Quelles seront les modalités de gestion ? Quelles priorités ? Comment les associations qui travaillent vraiment dans les quartiers populaires seront-elles soutenues face aux grandes fédérations d’éducation populaire ?

Au bout du compte, c’est une conception « descendante » de la citoyenneté qui voit les associations enrôlées, au même titre que le service civique et la réserve citoyenne, pour faciliter la transmission des valeurs républicaines qui est sous-jacente à ce plan. On en revient à l’idée d’une citoyenneté abstraite, non revendicative et pour tout dire non participative, que le plan définit dans ces termes : « La citoyenneté, c’est l’appartenance à une communauté de destin, et l’adhésion à des valeurs partagées ». Ou plus loin : « Ce qui fonde la citoyenneté : la langue, la culture, le sport, la laïcité ». Le plan gouvernemental ignore ainsi les principes du développement social urbain pour se focaliser sur la seule intégration « républicaine » de populations suspectes de rester étrangères à leur propre nation. La notion de pouvoir d’agir lui semble complètement étrangère.

On ne peut donc que douter que ce discours, comme ce patchwork de mesures annoncées, parvienne à revivifier une démocratie moribonde, en particulier quand il est caractérisé par l’absence de référence aux initiatives citoyennes, notamment celles issues des quartiers populaires.

[1] Nous remercions les différents contributeurs à ces notes

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