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Billet de blog 21 avril 2015

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Au nom de la mixité sociale, la stigmatisation renforcée des plus exclus

La coordination Pas sans nous a analysé les soixante mesures prises par le comité interministériel pour l’égalité et la citoyenneté qui s’est tenu le 6 mars 2015, suite aux attentats de janvier. Voici le deuxième volet. de cette analyse.

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La coordination Pas sans nous a analysé les soixante mesures prises par le comité interministériel pour l’égalité et la citoyenneté qui s’est tenu le 6 mars 2015, suite aux attentats de janvier. Voici le deuxième volet. de cette analyse.

Volet 2[1]la stigmatisation renforcée des plus exclus au nom de la mixité sociale

Le comité interministériel déploie un ensemble de mesures touchant à l’habitat social qui constituent une véritable atteinte au droit au logement. Ces mesures prises au nom de la mixité sociale, conduiront à restreindre l’accès au logement social des plus démunis dans les quartiers de la politique de la ville. Si la lutte contre la ségrégation spatiale représente un vrai enjeu, elle ne peut se faire contre les plus précaires mais à leur profit, c’est-à-dire en multipliant l’offre de logements et de quartiers accessibles, en leur donnant accès à un choix résidentiel. Or les mesures proposées ne contribuent qu’à le réduire.

« Mettre les attributions au service de la mixité : Ainsi les personnes dont les ressources se situent au-dessous du seuil de bas revenus, notamment celles dont le logement relève des préfectures au titre du DALO (droit au logement opposable), ne devront plus être logées dans les 1 500 quartiers prioritaires de la politique de la Ville. Des solutions alternatives de logement devront être prioritairement trouvées hors de ces quartiers. »

Au regard de l’offre de logements à bas loyers disponibles, cette mesure revient, de fait, à mettre fin au droit au logement opposable et elle revient à « faire payer » par les plus pauvres notre incapacité à faire société. Le plan précise où on ne doit plus attribuer de DALO mais ne dit pas où et comment on les impose ailleurs. Les conséquences sur le mal-logement apparaissent très préoccupantes (cf. http://www.fondation-abbe-pierre.fr/nos-actions/comprendre-et-interpeller/lettre-ouverte-monsieur-le-premier-ministre). L’objectif de mixité sociale, dont les vertus sont pourtant loin d’être avérées, semble donc désormais primer sur un droit fondamental, le droit au logement. L’histoire se souviendra que ce droit fondamental a été institué par un gouvernement de droite et que c’est un gouvernement de gauche qui y a renoncé (en dépit des alertes préventives du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées : http://www.hclpd.gouv.fr/concilier-mixite-sociale-et-droit-au-logement-l-a130.html). 

Il y a par ailleurs un vrai risque de réduction du parc social.« Limiter la construction de logements sociaux dans les 1 500 quartiers prioritaires de la politique de la ville dès lors que le taux de logement social y dépassera 50 % » risque de ralentir de manière très forte la production sans que cela soit compensé à même hauteur ailleurs. Pour mémoire, 70 % des français rentrent dans les plafonds de ressources permettant d’accéder à un logement social. Ce n’est donc pas le logement social en lui-même qui fait ghetto. On peut à l’inverse douter de la capacité de l'État à imposer aux communes réticentes de construire du logement social.

L’ensemble des mesures qui accompagne la rhétorique de la mixité sociale reste particulièrement flou dans la méthode comme dans les moyens. On ne peut qu’être d’accord sur le principe de « mieux répartir le parc social sur le territoire ».Maisavec quels moyens ? Cela impliquerait un engagement financier de la puissance publique pour résoudre la question d’un prix de foncier élevé. Et dans quelles conditions ? Les expériences parisiennes d’implantation de logements sociaux dans des quartiers bourgeois ont montré les difficultés rencontrées par les ménages relogés. Enfin, où seront implantés ces logements et quelles conditions de vie seront offertes aux habitants : proximité des services et adaptation aux besoins, transports, coût des services publics et offre de services (cantines, centres de loisirs, garde d’enfant…)…

De même, dans les opérations de rénovation urbaine,  reconstruire hors des quartiers reste un vœu pieux. Où reconstruire et dans quelles conditions au regard des transports, de l’emploi, des services publics ? Et pour qui reconstruire ? Ces opérations de reconstitution de l’offre ne sont pas toujours – voire souvent pas – destinées aux ménages à reloger. Elles reconstituent mathématiquement le parc démoli (et encore pas toujours) mais pas nécessairement pour ceux qui l’habitent. Parmi les soixante propositions, aucune ne concerne les souhaits des ménages et leur prise en compte…

« Revoir la politique des loyers dans le parc social pour diversifier l’occupation des immeubles »pourrait sembler, dans son principe, positif, mais il faudrait savoir comment sera encadrée et contrôlée la contrepartie, de manière à éviter que cela ne contribue à la création de poches de pauvreté. La modulation des loyers devrait s’accompagner de l’obligation, dans toute opération, d’un minima d’attribution DALO (avec loyer minoré évidemment).

Enfin, « moderniser et piloter à la bonne échelle la politique d’attribution », qui pourrait s’opposer à ce principe tellement général ? Mais il semble indispensable que des représentants des habitants et des salariés au titre du 1% patronal (qui a la main sur de plus en plus de bailleurs sociaux) soient systématiquement associés à ces instances qui travailleront sur les politiques d’attribution.

On peut donc s’interroger sur l’effet de ces mesures sur l’intégration républicaine qui procède d’abord par exclusion.

D’autres mesures peuvent paraître totalement hors sujet ; elles n’en sont pas moins problématiques. Il en est ainsi de la volonté d’ « accélérer le remembrement des organismes HLM ». Au nom de la simplification, de l’efficacité économique, les politiques publiques poussent reconstituer des mastodontes qui agissent en fonction de leur propre stratégie et s’éloignent de plus en plus des enjeux locaux, des besoins de proximité, et sont incompatibles avec une gestion de proximité. Ce mouvement est déjà amorcé. On voit notamment, au nom de ces regroupements, des gros bailleurs sociaux sortir de leur territoire historique, pour aller acheter et développer du patrimoine à l’autre bout de la France, dans de pures logiques de placements (on se positionne là où une rente foncière se profile) voire de guerre économique. Par exemple des bailleurs marseillais viennent à la conquête de la métropole lyonnaise, des Lyonnais s’implantent en région parisienne et des parisiens à Lyon  ; tout cela à coup de surenchères sur le foncier. Dans le cadre de cette rationalisation, la SNI (méga structure État/Caisse des Dépôts) va par exemple racheter ADOMA (ex SONACOTRA), vendre le patrimoine d’ADOMA situé dans des petites unités réparties en centre ancien, pour faire de l’argent, et ensuite aller réinvestir une partie de cet argent dans des résidences sociales de grande taille en périphérie du centre ville. Cette logique de concentration et de mise en concurrence marchande qui est mise en œuvre au nom de la rationalité économique se fait une fois encore au détriment des ménages les plus précaires et constitue de fait un démantèlement du patrimoine social !

Au total, on ne peut être que très inquiet des évolutions des politiques du logement qu’accélèrent les mesures du comité interministériel, remettant en cause de droit au logement et s’enfonçant encore plus dans une logique néolibérale et antisociale.

A suivre...

[1] Nous remercions les différents contributeurs à ces notes

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