Le gouvernement français a récemment pris des décisions alarmantes qui menacent gravement la cohésion sociale dans les quartiers prioritaires de la ville (QPV). Sans consultation préalable, la Circulaire du 07 Novembre 2024 relative au pilotage des contrats « quartiers 2030 » pour la fin de I ‘année 2024 et I ‘année (non publiée au journal official) 2025 ainsi que les décrets 2024-1136 et 2024-1137 promulguées le 15 novembre annoncent la fin des emplois aidés dans ces zones sensibles. Cette tribune vise à alerter sur les conséquences désastreuses de ces mesures sur les populations les plus fragiles et à appeler à une mobilisation urgente pour préserver le tissu social de nos quartiers.
Cette décision prise sans discussion avec les parlementaires, les collectivités locales partenaires de l'État, ni le monde associatif directement concerné aura comme conséquences immédiates et concrètes, le non-renouvellement des emplois d'adultes-relais, et la fin des dotations pour les bataillons de la prévention, marquant ainsi la fin des emplois aidés dans les quartiers prioritaires
Une décision brutale et non concertée
Cette décision brutale et unilatérale du gouvernement soulève de graves questions quant à la méthode employée. En effet, la suppression des emplois aidés dans les quartiers prioritaires de la ville est une décision lourde de conséquences qui aurait mérité un débat approfondi et une concertation avec l'ensemble des acteurs concernés. L'absence de dialogue préalable avec les élus locaux, les associations et les habitants eux-mêmes témoigne d'un mépris inquiétant pour la démocratie participative et la co-construction des politiques publiques.
Cette façon de procéder risque non seulement de fragiliser davantage des populations déjà vulnérables, mais aussi de saper la confiance entre l'État et les acteurs de terrain qui oeuvrent quotidiennement pour maintenir le lien social dans ces quartiers. Il est urgent de remettre en question cette approche descendante et de renouer le dialogue avec l'ensemble des parties prenantes pour trouver des solutions durables et adaptées aux réalités du terrain.
Les conséquences désastreuses sur la cohésion sociale. Perte de médiateurs sociaux
La disparition des postes essentiels pour le dialogue et la résolution des conflits dans les quartiers :
− Diminution des animateurs
Baisse significative des activités socio-éducatives et culturelles pour les habitants des quartiers en politique de la ville.
− Manque d'éducateurs
Réduction drastique du nombre de professionnels pour l'accompagnement des jeunes en difficulté.
− Fragilisation des équipements de proximité
Risque de fermeture ou de réduction des services dans les centres sociaux et autres structures locales
− Disparition des associations de grande proximité
Les associations des premiers concernés, c’est-à-dire des habitantes et des habitants de ces quartiers engagé·es fortement pour l’amélioration des conditions de vie et la cohésion sociale des territoires sont les premières à être menacées.
La suppression des emplois aidés dans les quartiers prioritaires de la ville aura des répercussions catastrophiques sur la cohésion sociale. Ces postes, loin d'être superflus, sont devenus indispensables pour lutter contre la ghettoïsation, le repli communautaire et le développement de l'économie souterraine. Les adultes relais, médiateurs sociaux, les éducateurs, les animateurs et le personnel des équipements de proximité jouent un rôle crucial dans le maintien du lien social et la prévention des tensions.
Cette décision intervient dans un contexte d'aggravation de la crise sociale, économique et sécuritaire qui touche particulièrement les QPV. Les personnes les plus fragilisées seront les premières victimes de ces coupes budgétaires. Sans ces emplois de proximité, on risque d'assister à une détérioration rapide du climat social dans ces quartiers, avec une
augmentation des incivilités, de la délinquance et un sentiment d'abandon accru chez les habitants.
De plus, cette mesure remet en cause tout le travail patient et de longue haleine mené par les acteurs publics et privés, associatifs ou du secteur de l'entreprise. Les associations de grande proximité, les centres sociaux, les structures d'insertion sociale et d'éducation populaire se retrouvent amputés des moyens nécessaires pour mener à bien leurs missions essentielles. C'est toute l'architecture de la politique de la ville qui s'en trouve fragilisée, au moment même où elle est plus que jamais nécessaire.
Appel à la mobilisation et à la révision des décisions
Face à cette situation alarmante, il est impératif que tous les acteurs concernés se mobilisent pour exiger une révision immédiate de ces décisions préjudiciables. Nous appelons :
− Les élus locaux et nationaux à faire entendre leur voix et à exiger un moratoire sur l'application de ces circulaires.
− Les associations et les acteurs de terrain à se fédérer pour démontrer l'impact concret de ces emplois sur la cohésion sociale.
− Les habitants des quartiers prioritaires à se mobiliser pour défendre leurs droits et leur cadre de vie
− Le gouvernement à revenir à la table des négociations et à engager un véritable dialogue avec l'ensemble des parties prenantes.
Il est crucial de rappeler que la cohésion sociale n'est pas un luxe, mais une nécessité absolue pour notre République. Les économies à court terme réalisées par la suppression de ces emplois risquent de se transformer en un coût social et sécuritaire bien plus élevé à long terme. Nous demandons donc solennellement au gouvernement de reconsidérer sa position et de maintenir, voire de renforcer, les dispositifs d'emplois aidés dans les quartiers prioritaires. L'heure est grave et l'urgence réelle.
Ne laissons pas s'effondrer des années d'efforts pour construire une société plus juste et solidaire. La cohésion sociale dans nos quartiers est l'affaire de tous, et c'est ensemble que nous devons agir pour préserver ce bien commun essentiel à notre vivre-ensemble.
Cette lettre ouverte a été rédigée par des membres de la commission Participation citoyenne dans les quartiers populaires, présidée par Mohamed Mechmache. Commission installée par le ministre de la Ville, Olivier Klein, le 6 mars 2023 et dont les travaux ont abouti à la remise d’un rapport à Madame Agresti-Roubache, secrétaire d’État à la Politique de la Ville.
Cette lettre, inscrite dans la continuité des réflexions de la commission, est soutenue par de nombreux habitants, associations de terrain, centres de ressources, chercheurs et personnalités qualifiées et politiques.
Les rédacteurs et rédactrices, membres de l’ex-commission « Participation citoyenne dans les quartiers populaires » :
Salah Amokrane, Marwan Baraka, Fathi Bouaroua, Anne-Claire Boux, Tarek Daher, Ilham Grefi, Dawari Horsfall, Bénédicte Madelin, Mohamed Mechmache, Bouchra Rafik, Lilia Santana, Julien Talpin
Signer la pétition :
https://www.change.org/p/les-coupes-drastiques-sur-les-quartiers-prioritaires-c-est-la-coh%C3%A9sion-sociale-en-danger