Grande est la continuité entre la répression sous l'autorité des Sarkozy, Hortefeux et Guéant et celle dirigée par Manuel Valls et François Hollande. Roms traqués, immigrés expulsés, enfants « pourchassés, violentés et humiliés » (1), expulsion de la militante politique basque Aurore Martin vers l'Espagne (2,3), déploiement faramineux de polices sur le site de Notre Dame des Landes (4) pour que le projet pharaonique d'Ayrault (sorte de Premier ministre et ancien maire de Nantes) se réalise. La continuité est telle que des policiers lanceurs d'alerte sous Sarkozy sont réprimés sous Hollande (5).
Difficile de s'en étonner. Puisque le vrai pouvoir est entre les mains des capitalistes qui dictent leurs conditions jusque par voie de presse, et qui font parler des dizaines de chroniqueurs sur le thème de la « compétitivité ». Payer toujours moins les salariés et les précariser continûment sont les exigences non négociables de ces possédants. Reste au pouvoir politique, qu'il soit néolibéral de droite ou néolibéral de centre-gauche (social-libéral), à obtempérer, sinon le sabotage de l'économie serait effectué en représailles automatiques ; ainsi fonctionnent les puissants ordinateurs qui expriment les volontés des « marchés » ; ainsi l'annoncent les thuriféraires du capitalisme. Ainsi parlent les capitalistes. Lesquels sont des gens détestables mais d'une grande franchise cynique.
Difficile de construire un consensus populaire enthousiaste sur le projet d'enrichir une petite minorité toujours plus en appauvrissant la majorité de la population. D'où la place grandissante de la répression dans les techniques de bonne gouvernance.
Dans ce contexte, il est étonnant de voir combien la Brigade anti-criminalité du nord de Marseille a été critiquée par les mêmes qui adorent le Veau d'or. Ces policiers avaient mis en place un système de vol et de racket. Ils avaient gagné ainsi, grâce à leur esprit d'initiative, des dizaines de milliers d'euros, récupéré de la drogue, fait des perquisitions illégales (6). Dans un univers où n'est présenté comme respectable que celui qui amasse de l'argent, ces fonctionnaires ont trouvé une façon privée de gagner plus sans importuner quiconque avec des revendications salariales. Ces policiers de la BAC, ce corps de police connu plus pour leur efficacité à contrôler plusieurs fois le même ado black dans la même journée que par le démantèlement de gangs internationaux, ont trouvé une occupation rentable complémentaire.
Citons un article de Mediapart de fin 2011(7) :
« Des brigades anti-criminalité (BAC) dont les insignes exhibent, au choix, les barres d’une cité prise dans la lunette de visée d’un fusil, des meutes de loup devant des tours d’habitation, une panthère déchirant de ses griffes un quartier plongé dans l’obscurité ou une araignée emprisonnant dans sa toile un ensemble d’immeubles.
Des policiers qui, sous la pression du chiffre, n’exercent pas le métier auquel ils aspiraient. Des hommes en uniforme qui, au lieu d’attraper les «voyous» et les «voleurs», multiplient les petites interpellations sur des «shiteux» et des sans-papiers. Des agents en civil qui s’ennuient et ennuient, voire harcèlent, les habitants des quartiers, surtout lorsqu’ils sont jeunes et issus de l’immigration.
Des unités souvent xénophobes, racistes et adeptes de pratiques discriminatoires. Des modes d’intervention, en patrouille motorisée, inefficaces, qui ne répondent ni aux attentes des habitants, ni à l’exigence de lutte contre la délinquance. »
« Des pratiques qui relèvent souvent d’une logique «postcoloniale» où la référence à la guerre d’Algérie est rarement loin. Des comportements policiers dont les déviances individuelles et institutionnelles échappent au contrôle démocratique. »
« Des forces de l’ordre qui constituent donc, dans les banlieues, un instrument du maintien de l’ordre social, plus que de l’ordre public. »
Il y a des démocrates pour demander la dissolution des BACs ; des personnes ne comprenant rien à la société telle qu'elle va selon Valls et Hortefeux.
Mais revenons à notre propos : ainsi un groupe de ces policiers, souvent inutiles quand ils ne sont pas nuisibles, ont mis en place une sorte de partenariat public-privé dans des secteurs à haute valeur ajoutée, ceux de la drogue et du racket. Et on les accable, alors que la corruption est totalement banalisée depuis au moins l'affaire Bettencourt.
Manuel Valls ne devrait-il pas plutôt les féliciter pour leur courage entrepreneurial ? La loi ne bride-t-elle pas indûment ces entrepreneurs d'avant-garde de même qu'elle gêne parfois la rapidité des licenciements effectués par les grands patrons aux fins de faire des profits plus énormes ?
Pire, n'est-ce pas un de ces fameux « retards français » que cette initiative privée vient souligner cruellement ? En effet, il est temps pour certains que les affaires de répression soient gérés par des entreprises privées. Créer des armées privées est voulu par des parlementaires, anticonformistes à leur façon (8). Pourquoi pas la police ?
Ainsi le "Guardian" nous informe (9) : « En mai, les autorités de police du West Midlands et du Surrey ont sollicité des compagnies privées pour prendre en charge toute une série d'activités, dans ce que le Guardian désigne comme le plus gros contrat de privatisation de la police à cette date. « Si cette proposition est menée à terme, la société qui remporte le marché pourra se voir donner des missions d'investigation criminelle, de médecine légale, de police scientifique, de transferts de détenus », écrit le quotidien. Dix autres services de police du Royaume-Uni envisagent également de recourir à ce type de contrats avec des sociétés privées afin de faire face aux réductions budgétaires gouvernementales. »
Manuel Valls qui n'a pas de tabou de gauche osera-t-il aller dans cette voie? Il serait aventureux d'affirmer que non tant ce gouvernement semble décidé à ne pas surprendre son opposition de gauche.
Notes:
1. « Des enfants pourchassés, violentés et humiliés par la police », philippe alain (blog Mediapart),06 octobre 2012.
2. « Manuel Valls ou le plaisir des chaussettes à clous », Michel Deléan (article de Mediapart), 02 novembre 2012.
3. « Valls dégage (ou le chemin de la paix) », Marie Cosnay (blog Mediapart),03 novembre 2012.
4. « Notre-Dame-des-Landes : L'opération César s'embourbe. », Bob92Zinn(blog Mediapart), 03 novembre 2012.
5. « Les policiers lanceurs d'alerte continuent d'être harcelés par leur ministère » Louis Fessard (article de Mediapart), 01 novembre 2012.
6. « BAC de Marseille : de l'argent et du haschisch saisis dans les casiers de la police », rédaction de Mediapart, 05 octobre 2012.
7. « Que fait (mal) la police dans les banlieues? » Joseph Confavreux, Louise Fessard (article de Mediapart), 26 octobre 2011.
8. « Profession, soldat privé », Édouard Sill (blog de Mediapart), 02 avril 2012 .
9. "Au Royaume-Uni, des secteurs clés de la sécurité transférés à une compagnie privée", The Guardian (cité par « la rédaction de Mediapart) , 21 juin 2012.