Le bilan de Geneviève Fioraso au Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche est à l'image des résultats du PS à Grenoble : calamiteux. Des voix s’élèvent contre sa reconduction programmée, y compris au sein du PS. Je relaye une pétition d'universitaires (6000 signataires en trois jours). Et je propose 5 premières raisons de ne pas reconduire le contrat d’une ministre qui a trahi les promesses de Hollande en prolongeant et en aggravant la politique de Pécresse/Sarkozy. Aux lecteurs de Mediapart de trouver d’autres bonnes raisons. Elles ne manquent pas !
Seule la communication définit aujourd’hui l’horizon d’attente du politique. Elle tient lieu d’un changement qui n’existe que dans la comédie du paraître. Au pays des renoncements l’affichage devient l’essence de la politique et les ministres sont interchangeables : l’aile gauche du PS s’est dissoute dans le néo-libéralisme. Henri Emmanuelli annonce avec justesse que « Le PS n’existe plus ». Mais il faut aller plus loin. La dissolution idéologique a pris la forme d’un putsch politique : le pacte que Montebourg et Hamon viennent de sceller avec le nouveau premier ministre signe la mort clinique du socialisme, après une longue agonie. Et l’annonce de la reconduction de Geneviève Fioraso en pilote de l’Enseignement supérieur et le Recherche signerait aussi la mort de l’université.
Avec l’espoir ténu de réveiller chez Benoît Hamon un reste de bon sens et de conscience politique, je propose un jeu participatif. Je l'ai nommé le FIOREX : faire de Fioraso une vraie EX-ministre. Le jeu consiste en ceci : exposer 20 raisons de ne pas reconduire Fioraso. J’en ai trouvé cinq et j’invite les lectrices et lecteurs de ce billet à en formuler d’autres, dans leurs commentaires. Je remonterai dans le billet les meilleurs arguments avec les noms des lauréats. Pour parodier un jury des concours d’excellence (IDEX, LABEX, etc), je suis seul juge et il n’y pas de rattrapage possible. Je peux même continuer à participer à la rédaction des arguments, ainsi que le ministère sait si bien le faire en intervenant directement dans la rédaction des projets d’excellence, des conventions et même des nouveaux statuts des universités.
Qu’y a-t-il à gagner ? Rien, sinon le plaisir de réfléchir et de participer. Et peut-être une autre Secrétaire d'Etat (il paraît qu'Isabelle This Saint-Jean aurait ses chances...). Sans illusion sur un vrai changement, mais en espérant tout simplement un peu plus de compétence et moins de mépris pour les universitaires. Au passage, si vous êtes un personnel de l'Enseignement supérieur et de la recherche, n'oubliez pas de signer et de relayer largement la pétition.
Pascal Maillard
Actualisation du lundi 7 avril à 06h :
La pétition atteint 4000 signatures en 48h. Elle sera publiée ce jour dans l'édition numérique de Libération, puis mardi dans l'édition papier. Le Monde en a refusé la publication : refus de contredire l'éloge de la politique "consensuelle" de Fioraso vantée par l'une de ses journalistes? Certainement. Le groupe Jean-Pierre Vernant, dans un message diffusé sur plusieurs listes de mobilisation, informe avoir envoyé une lettre à Benoît Hamon dès vendredi. Le message se termine ainsi (la note est importante) :
"Contrairement aux rumeurs répandues dans la presse par le cabinet de Mme Fioraso [1], le secrétariat d'Etat n'a pas encore été arbitré. Il nous reste moins d'une journée pour attester du bilan négatif du cabinet Fioraso et, autour de lui, du think thank Marc Bloch, et exiger un renouveau de la politique pour l'ESR.
[1] Le cabinet Fioraso a en particulier répandu l'annonce que l'UNEF soutenait sa reconduction, ce que le président du célèbre syndicat étudiant a dû démentir dans un communiqué. Les membres du groupe Marc Bloch ont distillé l'annonce, infondée, de la reconduction de Mme Fioraso et de son cabinet, dès la passation de pouvoir rue Descartes."
Si Fioraso devait être reconduite, ce serait par la volonté du Prince, c'est-à-dire grâce à un appui fort de l'Elysée.
Actualisation du lundi 7 avril à 23h :
La pétition a dépassé ce soir les 6000 signataires. Elle est en ligne sur le site de Libération et un article des Echos rend compte de la fronde contre la reconduction de Fioraso. Hollande continuerait de soutenir sa ministre. Selon plusieurs sources convergentes, il semblerait que Salzmann (président de la CPU), Vincent Berger (Conseiller ESR de Hollande), quelques hauts administrateurs, et semble-t-il Bernard Carrière (ex-président Strasbourg et conseiller spécial du DGESIP), seraient montés au créneau pour pourrir la candidature d'Isabelle This Saint-Jean. Le groupe Marc Bloch est à la manoeuvre et tient à sa ministre. Il faut dire qu'il a bien noyauté les cabinets et les conseillers. Toute la question est la suivante : quel intérêt le groupe Marc Bloch a-t-il à conserver Fioraso au MESR? Celui qui saura répondre à cette question aura percé les arcanes des liens entre la recherche, les puissances financières et les milieux politiques.
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PROCLAMATION DES LAUREATS :
1er Prix : Nomination à la présidence d'une SATT (Société d'accélération du Tripatouillage technologique), 12 000 euros net par mois, deux voitures de fonction et 12 smartphones Numericable.
Les SATT s’étant multipliées sous le règne de Fioraso 1ère, le jury a été généreux. Les 3 lauréats arrivés ex æquo, tous primés pour leur audace de n’avoir pas respecté les règles du concours et pour avoir rappelé l’exigence de suppression de la loi LRU, sont les suivants : 2PLACESASSISES, JMELOY et EMMANUELLE BENOIT
2ème Prix : Intégration d'un Comité d'orientation stratégique (COS) qui permet d'avoir l'oreille du président sans devoir siéger à quelque réunion que ce soit.
Un COS ne coûtant rien, le jury a été magnanime. Les lauréats - qui ont leurs entrées dans le jury du concours, qui n’en peuvent plus des réunions et qui méritent d’être entendus par leur président – sont bien sûr Jacques HAIECH, MICHAEL GUTNIC et MICHEL KOEBEL.
3ème Prix : Visite guidée d'un Pôle d'excellence dans le petit train électrique du Campus vert en compagnie de Pluto, Simone Bonnafous, Mickey Mouse et Vincent Berger.
Le jury souhaitait attribuer ce prix à tous les autres participants. Mais en raison des restrictions budgétaires et d’un mystérieux détournement des fonds du Plan Campus, le petit train a perdu la moitié de ses wagons et ne comporte plus que 8 places assises. Les quatre lauréats sont les suivants : Claude Weisz, FRIVIERE, I. L'Ettard-Mépatrotard et LAURENTGOLON
Le Prix de l'Humour revient à BENHAMOUMARC et son "excellence" ironique "au service du génie français".
Le Prix spécial du jury est attribué à l’unanimité au blogueur Pierre Dubois dont les centaines de chroniques constituent le plus grand plaidoyer qui soit en faveur d’une autre politique de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Pierre Dubois reçoit un prix qui n’a pas de prix : la reconnaissance et l’amitié du jury.
Merci à tous les participants, en particulier à POJ pour ses rappels de la « succes story » de Fioraso à Grenoble, et à DELPHINE18 qui nous rappelle justement que « la vision libérale » détruit aussi l’enseignement primaire et secondaire. Nous le savons désormais : il y a au moins 50 très bonnes raisons de ne pas reconduire Fioraso. Et bientôt 5000 personnels des universités et des organismes de recherche qui le disent dans une pétition qui sera transmise à qui de droit. Fioraso ne doit pas passer, Fioraso ne passera pas !
Certes le FIOREX est terminé, mais je continuerai à remonter les arguments et témoignages qui seront postés ou que je recevrai par messagerie.
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- Deux ans de ministère Fioraso, c’est des dizaines d’universités en déficit, des milliers de postes gelés, des formations et des diplômes en moins et l’assurance d’une augmentation massive des frais d’inscription, lesquels ont déjà augmenté dans les faits, par la multiplication des diplômes d’université (DU) et des masters payants.
- Deux ans de ministère Fioraso, c’est l’université et la recherche au seul service des entreprises et de la rentabilité économique, au détriment du savoir pour tous et d’une société de la connaissance, c'est l'externalisation des tâches et le développement des conflits d'intérêts.
- Deux ans de ministère Fioraso, c'est l'autoritarisme et la force de la bureaucratie au pouvoir, la concertation de façade et le mépris des organisations syndicales et des associations représentatives. C'est la multiplication des effets d'annonce, et un cabinet qui tient la plume des établissements pour écrire leur avenir.
- Deux ans de ministère Fioraso, c’est le développement exponentiel de la précarité dans la recherche, la mutualisation forcée des services, les règles de management importées du privé, la multiplication des cas de souffrance au travail et de harcèlement, le fin programmée des valeurs du Service public.
- Deux ans de ministère Fioraso, c’est la régionalisation et le regroupement forcé des établissements, des Communautés d’universités dirigées par des instances non démocratiques et la liberté des enseignants-chercheurs bafouée.
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Contribution de HAIECH :
- Deux ans de ministère Fioraso, c’est transformer les universités en centres de coûts et de profits qui doivent vendre les diplômes. C'est de ce fait considérer que les biens éducatifs sont équivalents à des biens économiques (ce que l'on essaie d'intégrer dans le traité de libre-échange transatlantique en cours de négociation; voir : http://www.mediapart.fr/journal/economie/dossier/libre-echange-laccord-transatlantique-en-chantier).
- Deux ans de ministère Fioraso, c’est la négation d'une recherche fondamentale qui ne peut être programmable et c'est favoriser une recherche sur contrat sans innovation car soumise au consensus et qui nécessairement reproduit les idées dominantes.
- Deux ans de ministère Fioraso, c’est démotiver les jeunes générations de se diriger vers une carrière dans la recherche ou dans l'enseignement supérieur. C'est tuer l'esprit de recherche en le ringardisant et en valorisant la réussite financière. C'est saper un des piliers d'une société démocratique.
- Deux ans de ministère Fioraso, c’est faire croire que l'on augmente l'effort budgétaire en recherche en injectant encore plus d'argent public dans le Crédit Impôt Recherche, un outil d'optimisation fiscale qui ne favorise en rien le développement de la recherche privée ou publique.
- Deux ans de ministère Fioraso, c’est multiplier le millefeuille institutionnel avec pour conséquence l'accaparation du temps des enseignants-chercheurs par des taches administratives au détriment des missions fondamentales du Service public de l'enseignement supérieur et de la recherche : l'enseignement, la recherche et le lien entre ces deux missions.
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Contribution de RED2 :
- Deux ans de ministère Fioraso, c'est l'application bête et méchante de la loi Sauvadet dans les laboratoires sans aucun recul ni aucune prise en compte de l’intérêt de la recherche ou de l’humain : après 3 ans tu dégages ! Et comme 2 ans de Fioraso n'ont pas changé les politiques de financement de la recherche sur projets et son corolaire de recrutement à outrance de CDD, les recrutements de CDI continuent à diminuer (notamment ingénieurs, techniciens…).
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Contribution de Claude Weisz :
- Deux ans de ministère Fioraso, c'est l'abandon du français comme langue universitaire.
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Contributions de Pierre Dubois sur son blog et envoyées aussi dans un message personnel :
- "Une sixième raison : concernant les opérations immobilières du Plan campus, la Ministre n’a pas hésité à mentir (78 chroniques du blog sur le Plan Campus)."
- "Depuis juin 2012, je ne crois pas avoir pu publier une seule chronique qui ait trouvé positifs une action, une décision, un communiqué, une citation d’une donnée statistique… Et pourtant, j’ai parlé de la Ministre dans 187 chroniques. La loi ESR du 22 juillet 2013 est "une mauvaise petite loi" (155 chroniques sur cette loi). C’est le moment de demander haut et fort le départ de la députée de Grenoble."
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Argumentaire de FRIVIERE :
Pour faire simple et revenir à l'essentiel, le candidat Hollande avait promis une remise en cause de la loi LRU (Liberté et responsabilité des universités) ou "Loi Pécresse". Mais les promesses n'engagent que ceux qui les croient. Ainsi la loi Fioraso votée en juillet dernier -au coeur de l'été donc sans risque de fronde étudiante- n'a nullement remis en cause le texte précédent, mais en a prolongé et aggravé les effets.
Car la réalité derrière les "grands" mots écrans d'affichage ( liberté et responsabilité ) et l'idée de "libérer" les universités de la tutelle étatique, c'est que les universités ont récupéré la gestion du salaire des fonctionnaires (soit environ 80% du budget des universités). Mais cette masse a été "gelée" l'année du passage à l'autonomie (RCE). Depuis, si la masse des salaires augmente -ce qui est le cas automatiquement dans beaucoup d'universités-, l'Etat ne revoit pas sa dotation. Et les universités doivent supprimer des emplois pour que ceux-ci correspondent à leur dotation d'Etat. Ou sinon elles se retrouvent en déficit -ce qui est le cas de beaucoup-. Ou encore elles renoncent à d'autres choses : le chauffage, l'entretien des bâtiments, les déplacements pour visiter les étudiants en stage...
C'est ainsi que depuis 4 ans, les universités ont massivement supprimé des postes -en parlant pudiquement de "gels" de postes-. Mais c'est là le fait de la décision des universités et de leurs conseils élus. On laisse les universités libres et autonomes faire le sale boulot à la place de l'Etat. Elles sont responsables de leurs coupes claires et tancées de trouver des mécènes (entreprises, collectivités territoriales...) pour se financer. Car contrairement aux collectivités territoriales auxquelles on veut les assimiler, elles ne peuvent augmenter leurs ressources en augmentant leurs impôts.
Pour elles, l'équivalent de l'impôt, ce sont les droits d'inscription payés par les étudiants. Et tout commence à nous pousser vers cette unique solution : augmenter massivement les frais d'inscriptions, officiellement encadrés par la loi à des niveaux très bas. Déjà plusieurs instituts universitaires, voire universités, ont obtenu la permission de "libérer" ces frais d'inscription. Et ailleurs, les inscriptions flambent pour les étudiants étrangers ou la formation continue.
Les universités étranglées par le sous-financement vont à leur tour étrangler les familles ayant des enfants étudiants en les faisant payer plus et/ou limiter leur capacité d'accueil en refusant ces enfants.
Geneviève Fioraso est passée en force avec des débats bâclés en amont (simulacre d'assises de l'université). Elle a refusé d'entendre même les présidents d'université qui réclamaient une reprise par l'Etat des salaires des fonctionnaires. Elle a fait entrer massivement dans les conseils d'administration des extérieurs qui éliront les présidents. Elle a forcé les universités à se regrouper sans demander leur avis aux personnels concernés. Elle a osé revenir sur un amendement écologiste (sur l'élection au suffrage direct dans les communautés universitaires) en introduisant un cavalier dans une loi agricole traitant d'un tout autre sujet.
Son mépris de la communauté universitaire est à la mesure de sa méconnaissance de cette communauté et de ses traditions démocratiques. Son approche technocratique distillée par ses inspecteurs IGAENR a été d'une violence inouïe.
CHANGEZ-LA !!
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Contribution de MICHAEL GUTNIC :
- Deux ans de ministère Fioraso, c'est "Pécresse en avait rêvé, Fioraso l'a fait" : le vote des personnalités extérieures pour élire le président alors que celles-ci ne sont elles-mêmes pas élues.
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Contribution de I. L'Ettard-Mépatrotard :
- Deux ans de ministère Fioraso, c’est reprendre d’une main ce qui a été
accordé de l’autre : annoncer au Sénat, lors du vote relatif à la loi sur
l’Enseignement supérieur et la Recherche du 22 juillet 2013, que les
universités et établissements auront le choix de la forme de leur
regroupement, puis subitement laisser la communication ministérielle
affirmer qu’il n’y aurait que des « Communautés d’universités et
d’établissements » en Ile de France, ou que l’ « association » ne
conviendrait qu’à de petits établissements. Ou bien encore, c’est prendre
en compte les amendements de la représentation nationale, annoncer ainsi
que « l’égalité est rétablie entre les établissements dans le cas des
regroupements par association » et finalement recourir quelques mois plus
tard à la notion de « chef de file » des regroupements, qui n’est pas
contenue dans la loi.
Il est tard, mais encore temps pour un changement.
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Contribution de LAURENTGOLON :
- Deux ans de ministère Fioraso, c'est la suite de 15 ans de politique socialiste concernant les universités et la recherche (1998 : colloque de la Sorbonne organisé par Claude Allègre, qui prépare la conférence interministérielle de Bologne en 1999, d'où est sorti le "processus" du même nom qui amorce toute la politique que nous subissons actuellement) – on ne peut pas dire qu'on ne savait pas (S. Royal à propos de la loi "Pécresse" : "j'aurais fait la même chose").
- Deux ans de ministère Fioraso, c'est la confirmation d'un alignement strict et stérile sur les axes réducteurs et idéologiques des programmes de recherche européens, déclinés comme axes prioritaires de la recherche nationale et régionale (parmi les "défis sociétaux", on notera par exemple "Sociétés sûres, protection de la liberté et de la sécurité de l'Europe et de ses citoyens" : Mesdames et Messieurs les Chercheurs, contribuez donc un peu à "l'orwellisation" de nos sociétés).
- Deux ans de ministère Fioraso, c'est l'hypocrisie de la transformation de l'Agence d'évaluation (AERES), dont la communauté universitaire demandait la suppression, en Haut Comité (HCERES) : tout un symbole pour son art de la "concertation" ! C'est aussi la poursuite du dénigrement systématique du CNU, seule instance nationale majoritairement élue.
- Deux ans de ministère Fioraso, c'est le déni et l'aggravation de la situation de plus en plus catastrophique des étudiants (augmentation des coûts du CROUS, par exemple… à compléter).
- Deux ans de ministère Fioraso, c'est le rejet du cadrage national des formations par l'Etat au profit d'un "cadre" (dixit Jean-Michel Jolion), mesuré par le passage de l'habilitation à "l'accréditation" des formations.
- Deux ans de ministère Fioraso, c'est l'application d'une logique de normes à l'enseignement supérieur ("démarche qualité", etc.).
- Deux ans de ministère Fioraso, c'est la transformation d'une relation originale et critique entre sciences humaines et sociales et sciences du vivant, de la matière, des technologies, en une instrumentalisation des SHS sur le site grenoblois.
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Contribution de MICHEL KOEBEL :
- Deux ans de ministère Fioraso, c’est, à Strasbourg, une baisse drastique du budget venant de l'Etat par rapport aux prévisions, et, du coup, un "petit" MOINS 20%dans le budget de toutes les composantes et de tous les laboratoires de l'Université de Strasbourg. C'est donc des coupes claires dans ce qui coûte le plus cher dans une composante : les travaux dirigés, surtout dans les premières années d'étude (là où les groupes de TD sont les plus nombreux). Traduction : moins d'encadrement rapproché des étudiants, c'est à dire abandon pur et simple des étudiants de classes populaires et de ceux en provenance de bacs pros et techniques, ceux qui ont le plus de mal à s'adapter à la jungle des premières années.
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- Témoignage sur le site de SLR :
- Deux ans de ministère FIORASO, c’est deux ans de pluie qui tombe dans nos locaux, (c’est véridique !) pour recueillir l’eau, nous avons dû y mettre des seaux (c’est systématique !) Quand il pleut dehors, il pleut dedans les bureaux. (heureusement, l’été et la sécheresse arrivent) A quand une toiture étanche et des nouveaux tuyaux ?
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Pétition « Pour un réel changement à l’Université et dans la recherche »
Nous, membres de la communauté universitaire et scientifique, avons été étonné-e-s par la lecture de l’article paru sur le site du Monde ce 2 avril 2014 sur la politique “consensuelle” menée par Madame la ministre Geneviève Fioraso.
La situation est si grave que quelques exemples glanés ces derniers mois suffisent pour prendre la mesure du désastre de la poursuite de la LRU - loi relative aux libertés et responsabilités des universités - par le gouvernement Ayrault.
Le 25 octobre 2013, la Conférence des présidents d’universités (CPU) a tiré la sonnette d’alarme avec sa “Motion relative aux moyens des universités” : « Aujourd’hui, les solutions utilisées et les efforts consentis atteignent leurs limites (...) la situation à laquelle nous sommes confrontés sera bientôt intenable pour la majorité de nos établissements. A court terme, l’ensemble des universités françaises risque de ne plus pouvoir assurer les missions de service public que l’Etat leur a assignées ». Tout récemment, le mois dernier, le Conseil scientifique du CNRS et l’Académie des sciences ont fait de même.
Le monde universitaire bruisse de nouvelles atterrantes qui émaillent notre quotidien : chargés de TD congédiés la veille des cours, non-recrutement et précarisation de fait des non titulaires, mise sous tutelle de certaines universités par les rectorats (contrairement aux promesses de campagne), dégradation des lieux d’enseignement, chauffage coupé, etc. Thomas Piketty, directeur d’études à l’EHESS, dénonçait aussi la “faillite silencieuse à l’université” (Libération, 18 novembre 2013), principal échec de la présidence Hollande, alors même que le transfert financier à effectuer est minime pour résoudre la crise actuelle, l’enseignement supérieur et la recherche étant dotés d’un budget très restreint par rapport à d’autres pays d’importance comparable. Dans un texte remarqué, Alain Prochiantz, Professeur au Collège de France, reprenait les commentaires de la Cour des Comptes relatifs à l’inefficacité du très dispendieux Crédit Impôt Recherche (CIR), pour mieux souligner à l’inverse la sous-dotation de la recherche française fondamentale, à qui il manquerait selon lui 2 à 3 milliards d’euros (à comparer aux 6 à 7 milliards d’euros de la niche fiscale que constitue ledit CIR).
Hier impensable, l'idée d'une faillite financière des universités semble aujourd'hui une quasi fatalité. Elle est le résultat d’un effet mécanique de la LRU, comme le montre la situation dramatique de l’université qui avait été la (trop?) bonne élève de la mise en œuvre des réformes Pécresse : l’Université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines. Après avoir risqué la cessation de paiement, obtenu entre-temps de l’Etat deux avances remboursables, être passée sous tutelle rectorale, l’Université connaît enfin son budget pour 2014. Certes, le ministère a pointé la responsabilité de l’ancienne Présidente et l’a démise de ses fonctions de rectrice de l’ Académie de Dijon ; mais le système qui a rendu cette situation possible est en place dans toutes les universités.
L’Association des sociologues enseignants du supérieur (ASES) montre que d’autres universités avec des ressources et des statuts fort différents connaissent actuellement, du fait de l’autonomie imposée, les mêmes difficultés financières qui menacent leurs missions d’enseignement et de recherche à court et moyen termes. Dans l’incertitude, les universités bricolent : réduction des semaines de cours, diminution des heures de travaux dirigés (qui sont pourtant la meilleure chance de réussite des étudiant.e.s), suppression d’enseignements, tarification des heures de cours magistral au coût des heures de TD (ce qui revient à faire plus d’heures de cours, mais payées beaucoup moins). Contrairement à ce qui est affirmé aujourd’hui, on ne pourra certainement pas échapper à l’augmentation des droits d'inscription. Payer davantage pour un enseignement supérieur de moindre qualité et une recherche au rabais ? Comment croire que c’est ainsi que l’on veut rendre l’Université et la Recherche meilleures ?
Il est pour le moins paradoxal qu’un gouvernement dit “de gauche” poursuive la fragilisation, si ce n’est le démantèlement, des missions de service public en appelant notamment à reproduire le modèle - supposé plus efficace - de l’entreprise, loin de toute négociation ou même concertation.
Quels que soient leur discipline, leur institution, leur statut et même leur sensibilité, les témoignages des acteurs du monde de la recherche et de l’enseignement supérieur concordent. Tous s’alarment du peu d’intérêt porté à une véritable politique de la recherche dans un contexte d’austérité programmée, du peu de crédit accordé à la parole même des chercheurs et des enseignants, du peu de respect pour le travail des personnels administratifs noyés sous le flot incessant des réformes, des réorganisations et autres refontes de nomenclatures qui ne cessent de produire des situations inextricables et des injonctions contradictoires.Du côté des grands organismes, le manque de transparence des procédures choque de la part d’un gouvernement qui en avait fait son engagement. Que penser de la récente sélection des candidats pour le poste de Directeur général de l’Inserm, qui a conduit à recruter finalement... le conseiller de la ministre à la veille des élections municipales et du remaniement (Le futur DG pré-nommé ? Libération, 1er avril 2014)?
Dernier exemple, et non des moindres, la recomposition du paysage universitaire dans des communautés d’université et d’établissements (Comue). Il nous est demandé, sans explication, d'éviter les "doublons" en matière d’offre de formations, au risque de saper les innovations pédagogiques. Or, au même moment, les services du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ont imposé, contre l’avis d’une majorité d’universitaires et sans concertation avec les associations représentatives des disciplines concernées, une réduction drastique des intitulés de masters, rendant illisibles les spécificités qui font les formations attractives pour les étudiants et intéressantes pour les employeurs. C’est un peu comme si un ministre du Commerce imposait aux restaurateurs de supprimer leur carte et de servir un menu unique fixé par eux sans dialogue préalable.
Le monde de la recherche et de l'enseignement supérieur attendait beaucoup de ce remaniement : la prise en compte de l'immense déception suscitée par la politique menée depuis deux ans. Non, il n’y a donc pas apaisement, mais bien au contraire montée de la colère et du découragement. Sans aucune perspective d’amélioration.
Ne serait-il pas temps aujourd’hui d’insuffler enfin une nouvelle dynamique pour conduire la politique qui avait été promise et souhaitée : allègement de l'incroyable empilement bureaucratique et de l’inénarrable accumulation des évaluations qui paralysent plus qu’elles ne stimulent la recherche ; confiance envers les chercheur-e-s et les enseignants-chercheur-e-s ; soutien au développement d'un monde scientifique fondé sur la coopération et l'échange ; frein à l’absurde logique de compétition et de course à la prétendue excellence qui n'est le plus souvent que la preuve la plus éclatante de la capacité à se conformer aux attentes du politique? Bref, rendre encore possibles l'invention scientifique et l’innovation pédagogique.
Au moment où la “compétitivité” de la recherche française à l’international est évoquée comme le Saint Graal, pourquoi mettre en danger l’attractivité des universités et de la recherche ? Pourquoi poursuivre aveuglement des réformes qui accentuent les défauts qu’elles visent à réformer ? L’inquiétude sur la pérennité du modèle universitaire et scientifique français est-elle moins forte aujourd’hui ? Non. Elle n’a même certainement jamais été aussi grande.
Premiers signataires
Pascale Laborier, Professeure de science politique, Université Paris Ouest Nanterre
Marie-Laure Basilien-Gainche, Professeure de droit public, Université Jean Moulin Lyon 3
Liora Israël, Maîtresse de conférences en sociologie, École des Hautes Études en Sciences Sociales
Pierre-Yves Baudot, Maître de conférences en science politique, Université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines.
Antoine Ducros, Professeur de Mathématiques, Université Pierre et Marie Curie
Isabelle Huault, Professure de sciences de gestion, Université Paris Dauphine
Bruno Nassim Aboudrar, Professeur d’esthétique et d’histoire de l’art, Université Sorbonne Nouvelle Paris 3
Michaela Fontenay, Professeure d’hématologie, Université Paris Descartes
Delphine Espagno, Maître de conférences en droit public, Sciences Po Toulouse
Alain Trautmann, Directeur de recherche CNRS émérite, Immunologiste, Institut Cochin
Jacques Rochette, Professeur de génétique médicale, Université Picardie Jules Verne
Choukri Hmed, Maître de conférences en science politique, Université Paris Dauphine
Caroline Moine, Maître de conférences en histoire contemporaine, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines
Bastien François, Professeur de science politique, Université Paris I Panthéon Sorbonne
Diane Roman, Professeure de droit public, Université François-Rabelais, Tours
Olivier Giraud, Chargé de recherche CNRS, LISE-Cnam-Cnrs, Paris
Dominique Méda, Professeure de sociologie, Université Dauphine
Serge Slama, Maître de conférences en droit droit public, Université Evry-Val d'Essonne
Amaury Lambert, Professeur de mathématiques, Université Pierre et Marie Curie
Paul-Louis Roubert, Maître de conférences en histoire de l'art, Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis