Communiqué de presse de l’Association pour la Liberté Académique (ALIA)
Le 9 octobre 2025
Nouvelle procédure bâillon contre un enseignant-chercheur : ALIA s’engage pour une réforme de la loi
L’universitaire Mathias Rollot, docteur et maître de conférences HDR en architecture, fait l’objet d’une plainte en diffamation de l’agence Chartier Dalix, au sujet d’un article les concernant. Cet article, qui s'inscrit dans son domaine d’expertise, est paru dans la revue en ligne Lundi matin. Le chercheur y exprime des positions critiques quant à « l’écoblanchiment » en architecture – à savoir les allégations environnementales infondées ou exagérées à des fins de communications trompeuses. L’Association pour la Liberté Académique (ALIA) apporte son plein soutien à Mathias Rollot et propose des évolutions de la loi permettant de protéger universitaires et chercheurs des procédures « bâillon ».
L’Université est l’institution chargée de la production, du transfert, de la conservation et de la critique des savoirs. Si la production scientifique proprement dite passe par une littérature spécialisée, soumise à la critique par les pairs, la mission des universitaires et des chercheurs est aussi d’éclairer le débat public par des travaux de vulgarisation, de critique et par des interventions dans la presse et les médias. Ainsi, l’analyse publique et l’usage de la controverse dans leur domaine d’expertise fait-elle pleinement partie des fonctions des universitaires. Cette liberté d’expression, composante essentielle de la liberté académique, ne constitue pas un droit à dire n’importe quoi, car elle est bordée par l’éthique scientifique et le droit commun. Mais elle ne saurait être limitée par des intérêts extérieurs au débat d’idées. L’Association pour la Liberté Académique (ALIA) apporte son plein soutien à Mathias Rollot, qui a prolongé et partagé son travail de recherche en produisant une critique des pratiques architecturales fondée sur ses travaux savants, dans une revue non spécialisée.
Les tentatives de judiciarisation du débat public, de la critique comme du débat scientifique sont inacceptables. ALIA tient à rappeler que le droit et la jurisprudence garantissent à ce jour une conception étendue de la liberté d’expression dans le cadre académique. Les procédures bâillon visent à intimider et à faire taire. Même en l’absence de condamnation, elles font perdre du temps et de l’argent à leurs victimes. La plainte pour diffamation en est l’une des modalités les plus courantes, d’autant que la mise en examen automatique en matière de diffamation publique est souvent utilisée abusivement comme autojustification par les plaignants dans leur communication. Il arrive le plus souvent que les plaintes portent délibérément sur des propos secondaires, dans les médias ou sur les réseaux sociaux, incitant au refus de la protection fonctionnelle normalement due au mis en cause par son administration. Or la protection fonctionnelle, pourtant trop peu souvent accordée par les institutions universitaires dans ce type d’affaires, est un droit dès lors que les faits avérés « n’ont pas le caractère d’une faute détachable de l’exercice de ses fonctions » (1).
L’association ALIA défend l’idée que lorsque les propos supposés porter atteinte à l’honneur ou à la considération du plaignant sont couverts par la liberté académique, un non-lieu doit être prononcé sans mise en examen. Elle appelle donc à faire évoluer la loi, conformément à la directive européenne 2024/1069 (2), pour protéger universitaires et chercheurs des procédures bâillons, en mettant fin à l’automaticité de la mise en examen lors de plaintes pour diffamation les concernant. Le droit des chercheurs et universitaires serait ainsi aligné sur le droit de la presse. ALIA demande également que cette protection soit étendue à tous les universitaires et chercheurs précaires, de plus en plus nombreux à faire fonctionner les universités et les laboratoires de recherche. Enfin, ALIA soutient les propositions du rapport sur les procédures bâillon (3) remis le 20 avril 2017 à M. Thierry Mandon, secrétaire d’Etat chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
1. Selon l’article L134-4 du code général de la fonction publique : « Lorsque l'agent public fait l'objet de poursuites pénales à raison de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions, la collectivité publique doit lui accorder sa protection. »
2. https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=OJ:L_202401069
3. https://www.vie-publique.fr/files/rapport/pdf/174000354.pdf
Communiqué à retrouver ici : https://liberte-academique.fr/nouvelle-procedure-baillon-contre-un-enseignant-chercheur-alia-sengage-pour-une-reforme-de-la-loi/