Les violences policières ne sont pas seulement la conséquence d’une doctrine de maintien de l’ordre qui serait à revoir intégralement, de fautes professionnelles ou encore de carences majeures dans la formation des policiers. Si ces faits sont bien avérés, les violences policières relèvent aussi et avant tout d’ordres qui sont donnés, de choix délibérés et d’une stratégie politique assumée. Le décideur est le Ministre de l’Intérieur, avec l’aval et même l'appui d’Elisabeth Borne et de Macron. Les exécutants de la décision politique sont les préfets et les préfètes. Ainsi que l'analyse très justement le collectif Rogue ESR dans son dernier billet "désormais, la fuite en avant est complète : l’exécutif a lié son sort à celui des secteurs factieux de la police, et sa figure dominante est un ministre de l’intérieur dont l’ancrage à l’extrême-droite est aujourd’hui reconnu par la presse internationale".
À Strasbourg comme ailleurs les relations se dégradent considérablement entre les forces de police et les manifestant·es. On se souvient de la nasse scandaleuse de la « Petite rue des dentelles », dans la soirée du 20 mars dernier, qui a mis en danger de nombreuses personnes. Voir ici l'enquête très précise de Rue89. Un palier a été franchi lors de la manifestation du 6 avril avec une charge délibérée contre des membres du service d’ordre intersyndical de la manifestation. Des coups de matraques ont conduit à une ITT de deux jours pour un responsable du SO. Je publie ci-dessous la vidéo de la charge contre le SO, le témoignage de trois camarades de la FSU, membres du service d’ordre, ainsi que le communiqué de presse de l’intersyndicale. On peut aussi voir le témoignage du responsable du SO dans le reportage de France 3 Alsace.
Les député·es NUPES Sandra Regol (EELV) et Emmanuel Fernandes (LFI) ont adressé un courrier à la Préfète demandant de faire la lumière sur les événements du 6 avril. La Préfète a répondu par une série de mensonges, immédiatement dénoncés dans une lettre ouverte par l’intersyndicale. La stratégie de la Préfète, Josiane Chevalier, dans l’extrême-droite ligne de Darmanin, est celle de l’avivement des tensions, de la diversion et de l’intimidation. Elle veut faire peur, non seulement par un emploi déraisonné de la force publique, mais aussi par la violence de ses attaques politiques. Au lieu de répondre à la question d’un emploi erratique, disproportionné et dangereux de la force par les policiers qui agissent sous son autorité, elle fait le choix de l’attaque en signalant auprès de la procureure un collaborateur parlementaire de La France Insoumise, lequel a fait un travail de rassemblement des témoignages des personnes victimes de la nasse et des violences policières du 20 mars. Pour plus de détails voir ici l’article de Rue89 Strasbourg. Entre le 20 mars et le 6 avril, la boucle est bouclée : attaque des élu·es de la République et des syndicalistes. Le fascisme n’est pas loin !
A la veille d’une nouvelle journée de grève et de manifestations nationales, nous n’avons plus le choix. Il nous revient de mettre la police sous surveillance rapprochée. La police nous surveille. Surveillons-la ! Ne nous laissons pas faire. L’heure est à la riposte.
Siamo tutti antifascisti !
Pascal Maillard
Mise à jour du 14 avril : L'intersyndicale a été convoquée par la Préfète le 12 avril. Lire ici le communiqué. Par ailleurs voir le reportage de Rue 89 Strasbourg sur la manifestation du 13 avril.
Témoignage N°1 :
J'étais physiquement présent, et en charge de la coordination du SO FSU 67 au sein du SO intersyndical.
Premier élément de réponse sur la situation constatée : le fil chronologique doit être rappelé.
1.Le SO intersyndical a été mobilisé pour faire avancer le cortège, pour gérer la corde et la banderole de tête, et pour sécuriser les abords grâce au SO mobile.
2. Le cortège est arrivé à la hauteur du croisement entre le quai des pêcheurs et le boulevard de la victoire. Jusque-là, le SO mobile avait dû intervenir à au moins 3 points de tension. A ce moment, un bloc de 300 personnes s'est dirigé vers le boulevard de la Victoire. Le SO mobile a suivi de loin le groupe qui s'est détaché. Lorsque le groupe est sorti de périmètre de la manif, le SO mobile est revenu sur le cortège pour éviter les effets de reflux. Le cortège étant arrêté, le SO mobile s'est chargé de faire repartir les manifestants vers l'avenue de la Liberté (point de dispersion).
3. Une fois le cortège de nouveau en mouvement, le SO mobile est retourné vers un point de tension à l'église Saint-Guillaume. A ce moment, un important dispositif policier s'est déployé pour aller vers le quai de bateliers. Celui-ci s'est permis de couper le cortège en deux !
4. A l'arrivée sur le point de tension, le SO mobile s'est mis en cordon pour protéger les manifestant·es des incursions de la police. Les voitures de la BAC ont passé le cordon après avoir ouvert celui-ci, mais en pointant une "gazeuse sur les membres du SO mobile.
5. Trois autres voitures de police ont tenté encore une fois de forcer le passage. Le responsable du SO intersyndical et moi sommes allés voir le responsable de la police pour comprendre le passage en force et le fait de couper la manifestation en deux.
6. Il a été négocié de laisser passer les trois dernières voitures de police. Au moment où le cordon a été ouvert, la charge est arrivée avec gaz (grenades lacrymogènes et gazeuse à main) et matraque. Une charge totalement gratuite.
Simon
Témoignage N°2 :
Je tiens à préciser que ce 6 avril, le SO a été clairement ciblé.
J'en faisais partie, j'ai évité les coups, pas les gaz. J'ai mis en sécurité dans une ruelle adjacente une militante d'une soixantaine d'années, puis en revenant sur le lieu de l'attaque de la police, j'ai été poursuivi par deux policiers de la bac alors que j'étais clairement identifié par un brassard et une chasuble comme faisant partie de l'organisation et du service d'ordre. Il ne m'ont pas rattrapé, mais ils n'avaient pas à violenter et faire fuir les personnes responsables du bon déroulement de la manifestation déclarée.
Eric
Témoignage N°3 :
J’ai fait partie du service d’ordre (SO) lors des huit dernières manifestations. Le 6 avril, j’ai pu éviter de justesse les coups de matraque, et j’ai été profondément choqué par la charge de la police.
De nombreux témoignages du comportement des forces de l’ordre (qui ne malheureusement ne sont plus des gardiens de la paix!) dans d’autres régions et particulièrement à Paris témoignent de violences gratuites. Jusqu’à ce jour cela n’était à ma connaissance pas le cas à Strasbourg. Je peux témoigner que jusqu’à hier, nous n’avons pas eu de heurts avec les forces de l’ordre (hormis des jets de gaz lacrimogène dans notre direction, mais avec une distance de plusieurs dizaines de mètres entre la police et nous, et sans qu’il soit établi que l’intention était de gazer le service d’ordre). Il me semblait, au regard de la réalité de nos actions et de celles de la police qu’entre nous la violence ne pouvait être envisagée.
Ce 6 avril nous avons installé un cordon de sécurité entre la police et les manifestants. Le responsable du service d’ordre a fait son travail, comme d’habitude. Il est immédiatement allé discuter avec la police. Il a immédiatement donné son accord pour ouvrir le cordon du SO pour laisser passer les camionnettes. Ses consignes de calme et de retenue du SO étaient claires. Cela ne semble pas avoir été le cas du côté des policiers. Nous avons été gazés, puis chargés et frappés sans aucune sommation.
Frédéric
Communiqué de l'intersyndicale
Strasbourg : Le service d'ordre de l'intersyndicale agressé violemment
Le 6 avril, alerté que le cortège syndical subissait les gaz lacrymogènes, le service d'ordre intersyndical a descendu la manifestation et s'est déployé sur le parcours de la manifestation pour sécuriser le cortège syndical à l'intersection du quai des Bateliers et de la rue de Zurich.
Des véhicules de police ont traversé à contresens le cortège syndical sur le tracé déclaré, et sont arrivés derrière le service d'ordre.
Alors que celui-ci avait commencé à laisser passer ces véhicules de police, les forces de l'ordre ont reçu l'ordre d'intervenir avec force en usant de matraques, de boucliers, et de gaz lacrymogène contre le service d'ordre ainsi déployé sans AUCUNE sommation.
Contrairement à ce qu'affirme certain.e.s, il n'y a eu ni entrave ni sommation d'aucune sorte et les images en attestent . Lorsque certain.e.s parlent d'un « pseudo » service d'ordre dans un communiqué ; nous tenons à leur rappeler que c’est bien la préfecture et la police qui demandent la mise en place d'un service d'ordre lors de la déclaration de la manifestation.
Contre la colère légitime d'une large majorité, contre ceux et celles qui défendent la justice sociale, ce gouvernement et ses représentants en préfecture n'ont à opposer que des contre-vérités facilement contredites par les images pour justifier la violence gratuite à l'égard de notre service d'ordre.
S'agit-il là d’une stratégie délibérée pour dissuader les citoyen.ne.s de venir en manifestation ? Notamment les jeunes qui ont été particulièrement ciblé.e.s ? S'agit-il de montrer que même le service d'ordre chargé de protéger la manifestation n'est pas à l’abri d'une charge ?
L'intersyndicale dénonce avec force cet usage de la violence et réitère son soutien plein et entier au service d'ordre agissant sur son mandat. Elle exprime toute sa solidarité à l'égard des camarades malmené.e.s et blessé.e.s lors de cette charge.
Cette stratégie de la tension et de la terreur ne nous détournera pas de notre objectif : le retrait sans condition de la réforme des retraites.
La retraite à 64 ans, c'est toujours non !
Strasbourg le 10/4/2023
Alternative Etudiante Strasbourg, UD CGT 67, FO 67, FSU Alsace, Solidaires Alsace, CFTC du Bas-Rhin, Fédération Autonome du Bas-Rhin