Le risque d’attentats rattrape la campagne électorale à cinq jours du premier tour de l’élection présidentielle. Le ministre de l’intérieur vient de communiquer officiellement sur deux arrestations à Marseille, sur les menaces qui pèsent sur les réunions publiques et sur les dispositifs de sécurité mis en place par l’Etat. Le sujet fait la « une » de tous les JT et les analystes politiques ne manquent pas de s’interroger sur les effets de cette annonce sur le vote de dimanche prochain. Plusieurs soulignent que l’événement pourrait mettre en difficulté Mélenchon qui n’aurait rien d’autre à proposer que quelques réflexions internationalistes et une position anti-OTAN.
L’ironie d’une telle propagande est double.
D’une part l’équipe des Insoumis travaille avec sérieux sur la question depuis un an : le programme L’Avenir en commun comporte un livret intitulé « Sécurité : retour à la raison », dont les trois dernières pages présentent des analyses et 15 propositions essentielles sur l’antiterrorisme. Je les copie ci-dessous en mettant en gras ce qui me semble important. On peut aussi se référer à la toute première présentation du programme de La France insoumise qui portait justement "Sur le terrorisme et la sécurité". C'était le 10 novembre 2016, trois jours avant la date anniversaire des attentats de 2015. La vidéo qu'on peut voir ICI dure 2h50. Mélenchon intervient à 1h 58 mn et son propos est centré sur le terrorisme. Je reproduis dans ce billet la dernière partie de cette vidéo dont je recommande la lecture en intégralité.
D’autre part, et c’est le plus important, les propositions de L’Avenir en commun sur le terrorisme constituent certainement la meilleure prise critique qui soit sur la communication gouvernementale de ce jour, sur les inconséquences et les dangers de la politique conduite par Hollande et aussi, en creux, sur les faiblesses des propositions des autre candidats. A ce sujet, l’article de Mathieu Suc sur Mediapart, même s’il ne rend pas vraiment compte du travail des Insoumis, a l’intérêt de mettre en évidence l'inefficacité, les limites ou les dangers des propositions de Le Pen, Fillon et Macron.
Une raison de plus pour lire attentivement les propositions élaborées par les Insoumis. Elles ont la vertu d'une grande cohérence et d'une maturité politique qui me laissent à penser que les candidats les plus efficaces en matière d'antiterrorisme ne seront pas ceux dont on nous vante et dont on nous vend aujourd'hui, ou bien la radicalité, ou bien une modération qui masque mal un déficit de la pensée. Il se pourrait que la raison soit du côté de Mélenchon.
EXTRAIT DU LIVRET "SECURITE : RETOUR A LA RAISON"
Une politique antiterroriste rationnelle
La maîtrise retrouvée de la parole publique vise à créer un cercle vertueux entre médias, services et population pour combattre les terroristes. Le ministère de l’Intérieur doit cesser d’être le ministère de la peur irrationnelle et devenir celui de la paix civile.
La première tâche est d’arrêter la guerre pour tarir le vivier et le terrain d’entraînement de l’ennemi par :
- Le refus de la logique du choc des civilisations et de la « guerre intérieure » et la sortie des guerres déstabilisatrices et des alliances hypocrites avec les pétro-monarchies du Golfe ;
- La mise en œuvre d’une stratégie globale de lutte contre Daesh « hors limites » et la création d’une coalition universelle sous l’égide de l’ONU ciblant les composantes économiques (blanchiment d’argent, ressources pétrolières, approvisionnement internet) ;
- La sortie de l’Otan pour instaurer l’indépendance de la France dans le monde et refuser d’être à la remorque des folies impériales des États-Unis d’Amérique.
La deuxième étape consiste en l’amélioration de la prévention et la lutte raisonnée contre l’embrigadement par :
- La prévention en assumant le rôle central de l’Éducation, de la Sécurité sociale, des services publics de proximité et des mécanismes socio-économiques et psychiques. La réponse aux racines des violences aveugles n’est pas policière mais multifactorielle. Elle nécessite de revenir sur l’autonomisation de l’enjeu sécuritaire dans le débat politique. Il y a un réel besoin d’un travail interministériel de fond sur les actions face aux publics pouvant basculer dans les actes meurtriers. Nous engagerons une stratégie politique globale pour renforcer les anticorps républicains et supprimer le terreau des communautarismes par plus de République, de laïcité, d’éducation, de justice sociale et d’implication citoyenne. En parallèle, le soutien aux démarches de signalement par les proches permettra l’intégration des personnes suspectées dans des programmes de prise en charge contre l’embrigadement.
- Le développement de peines de substitution à la prison pour les courtes peines. La prison est actuellement un lieu d’embrigadement et de constitution de réseaux. Les peines de Travaux d’intérêt général (TIG) sont aujourd’hui trop peu prononcées faute d’engagement des institutions, collectivités et associations.
- La réflexion sur le rôle de la presse dans la propagation de la terreur et des messages des criminels par leur course à l’audience et au voyeurisme. La liberté d’informer ne doit pas exonérer les médias et journalistes de leur responsabilité dans le jeu médiatique des réseaux terroristes.
Le troisième aspect essentiel repose sur des services de renseignement efficaces par :
- Le renforcement du renseignement territorial et humain. Nous reviendrons sur la fusion de la DST et des RG. Cette respécialisation du renseignement permettra de privilégier l’infiltration, le travail de terrain et le redéploiement intelligent. A rebours de l'illusion du tout technologique, cela permettra de renforcer les moyens d’analyses des renseignements collectés. La diversification du renseignement permettra ainsi d’assurer des approches complémentaires des informations et de garantir des contre-pouvoirs en recrutant des analystes et des traducteurs en nombre suffisant ;
- La remise en question des pratiques et dispositifs de surveillance de masse sur l’Internet et les réseaux téléphoniques, inefficaces et liberticides ;
- La focalisation du renseignement sur les menaces sécuritaires et économiques hexagonales, et non sur la surveillance des mouvements sociaux ;
- La restauration de l’indépendance nationale en matière de renseignement, via la fin de la tutelle de fait exercée par les agences anglo-saxonnes, et la défense de l’échange d’information dans les discussions pour constituer une coalition universelle contre Daesh.
Pour être efficace dans la durée, une politique antiterroriste rationnelle devra enfin tourner le dos aux logiques d'exception par :
- La sortie de l’état d’urgence à l’initiative du Parlement et le refus de l’État d’urgence permanent par l’abrogation des dispositions de la loi Urvoas du 3 juin 2016.
- L’arrêt progressif des opérations « Sentinelle » (type Vigipirate) et le passage à une surveillance ciblée des lieux publics par les effectifs renforcés de la police, la gendarmerie, la garde nationale et non l’armée.
- La judiciarisation de la lutte antiterroriste. Cela passe par moins de mesures administratives sans suites judiciaires, l’accélération des procédures, la suppression de toute juridiction spécialisée et l’augmentation des moyens de la justice anti-terroriste afin de garantir une lutte efficace, durable et respectueuse des droits et libertés fondamentaux.
- La création d’un établissement public universitaire pour faire le lien entre la recherche indépendante interdisciplinaire et les services dont la mission principale sera l’évaluation de la menace. Cela passera par la suppression du Conseil supérieur à la formation et à la recherche stratégique.
- Le renforcement des prérogatives du Parlement en matière de sécurité avec la création d’une commission permanente devant laquelle les services rendent compte, en augmentant les pouvoirs d’injonction et du droit de citation de la « délégation parlementaire au renseignement ».