L’été est une période critique pour les centaines d’étudiants étrangers qui ne bénéficient pas de titre de séjour, malgré une inscription régulière dans un établissement d’enseignement supérieur : les expulsions se multiplient. Aïcha pourrait être reconduite au Maroc dans les semaines qui viennent. Elle mérite notre soutien. Comme tant d’autres qui vivent avec l’angoisse quotienne de l’arrestation. Une pétition est en ligne.
La mobilisation a commencé à porter ses fruits : suite aux actions de la Cellule de veille et d’alerte de l’Université de Strasbourg, et grâce aussi au soutien de la présidence de l’université, le préfet de la région Alsace a enfin décidé d'accorder à Rajeb une carte de séjour pour études (voir le point 3 de mon précédent billet). Après 16 mois de combat... Cet étudiant de nationalité tunisienne, qui a une santé fragile et qui vit seul en Alsace avec son papa, lui même malade, pourra donc faire son master de littérature française. C’est une bonne nouvelle !
Mais la situation d'Aïcha (le prénom a été modifié) demeure critique : nous ne comprenons pas pour quelle raison la préfecture n’accepte pas de régulariser cette étudiante marocaine qui souhaite achever son Bachelor « Jeune entrepreneur » à l’Ecole de Management de Strasbourg. Nous devons aujourd’hui amplifier notre soutien à Aïcha. C'est pourquoi nous vous demandons de signer et de faire signer largement par vos contacts et vos amis la pétition suivante, que nous ne modifions pas et qui gardera son actualité aussi longtemps que les titres de séjour ne seront pas effectivement délivrés :
http://www.petitionpublique.fr/?pi=P2015N48048
Merci de diffuser le lien de cette pétition sur les réseaux sociaux. Nous visons 2000 signatures en une semaine. La liste des signataires sera envoyée au préfet de la région Alsace et au ministère de l'Intérieur.
Depuis qu’elle a reçu son OQTF (Obligation de quitter le territoire français) en avril dernier, Aïcha souffre de crises d’angoisse, elle a perdu le sommeil, elle est suivie par un psychiatre et prend des anxiolytiques. Elle survit terrée dans un petit studio, ne sortant qu’une fois ou deux par semaine pour faire quelques courses. On n’imagine pas la peur dans laquelle vivent les étudiants sans titre de séjour.
Depuis plusieurs années j’ai eu l’occasion de soutenir et d’accompagner plusieurs d’entre eux, avec des collègues et des étudiants de la Cellule de veille et d’alerte. Même si chaque situation est particulière, on observe des effets dévastateurs très semblables : sacrifices personnels et familiaux réduits à néant, intériorisation forte de la situation irrégulière et dévoilement très tardif de celle-ci, affaiblissement psychologique, perte des moyens pour les études, solitude et dépression. Sans parler de l’obligation de changer souvent de logement et de subvenir à ses besoins tout en vivant avec la peur de l’arrestation. Il faut bien mesurer l'aggravation supplémentaire que constituerait l'adoption de l'article 25 du projet de loi relatif au droit des étrangers en France qui passe à partir de demain à l'Assemblée Nationale en dernière lecture (voir le point 4 de mon précédent billet et l'action proposée).
Alors que de jeunes gens ont construit un projet professionnel, nourrissent légitimement le rêve d’une formation plus solide que dans leur pays d’origine, ont mis pour cela tous leurs espoirs dans l’accès à une université française, notre Etat les accueille en leur disant : “Non! Retournez dans votre pays!”. Pire, il interrompt des études en cours! Et cela, même si, comme Aïcha, vous avez payé 1650 euros pour la première année d’un Bachelor très sélectif, et si vous vous apprêtez à payer 5000 euros de plus pour achever une formation en 3 ans. Aïcha souhaite rentrer dans son pays avec son diplôme en poche. Pourquoi lui refuser cette possibilité?
Encore un effort, Monsieur le Préfet! Et tout simplement un peu plus d’humanité et de bon sens. Les étudiants étrangers font la richesse de l'université française. Nous leur devons beaucoup.
Pascal Maillard
Non à l'expulsion des étudiants étrangers
de l’Université de Strasbourg!
« Nous mettons Aïcha* et Rajeb sous notre protection »
Communiqué des syndicats et associations de l'Université de Strasbourg
(Le 17 juillet 2015)
Le jeudi 16 juillet, suite à un rassemblement de soutien à deux étudiants étrangers menacés d’expulsion et que nous défendons depuis de longs mois, la Préfecture a enfin accepté de recevoir nos associations et organisations syndicales. Cependant, les conditions de cette entrevue témoignent du peu de considération que la Préfecture du Bas-Rhin manifeste à l’endroit de l’Université et d’étudiants étrangers qu’elle met en situation de danger. En premier lieu, la préfecture ne nous a accordé qu'un entretien purement administratif, avec le seul directeur du service de l'immigration, au lieu de l'entretien politique avec le préfet ou le secrétaire général que nous avions demandé. En second lieu, la composition de la délégation a dû faire l'objet d'âpres négociations : alors que nous demandions que 10 responsables d'associations et d'organisations syndicales soient reçus, la préfecture a limité le nombre à 5, avant de concéder 7 personnes.
Ces pratiques sont inacceptables et nous formulons à Monsieur le Préfet une demande d’audience en urgence. Plus que jamais nous faisons valoir une application humaine des textes règlementaires et nous demandons à Monsieur le Préfet d’exercer son pouvoir discrétionnaire en délivrant rapidement deux titres de séjour : d'un an pour Aïcha afin de lui permettre d'achever son Bachelor "Jeune entrepreneur" à l'Ecole de Management, de deux ans pour Rajeb afin qu'il puisse conduire son master de Littérature à son terme. Nous mettons en avant la qualité des dossiers pédagogiques de ces deux étudiants, leur capacité et leur détermination à réussir leur parcours académique, ainsi que le soutien des enseignants, du président de l'université et d'élus locaux et nationaux. Nous soulignons enfin l'urgence à agir en raison de la fragilité de la santé de Rajeb et Aïcha, fragilité aggravée par l'angoisse permanente de l'arrestation et de l'expulsion.
A compter de ce jour nous mettons Aïcha et Rajeb sous notre protection et nous userons de tous les moyens légaux à notre diposition pour empêcher leur expulsion. Le texte de ce communiqué est mis à la pétition. Signature par le lien suivant : http://www.petitionpublique.fr/?pi=P2015N48048
UDEES (Union des Étudiants Étrangers de Strasbourg), UNEF, AFGES, Sud Éducation Alsace, SES-CGT, SNTRS-CGT, SNESUP-FSU, SNCS-FSU, SNASUB-FSU, SNPREES-FO 67, Sgen-CFDT
* Aïcha est un pseudonyme destiné à préserver l’identité de cette étudiante.
Rappel des principes que nous défendons :
- Tout étudiant étranger régulièrement inscrit à l'université doit bénéficier d'un titre de séjour devant lui permettre d'aller au terme de son diplôme.
- Les étudiants étrangers doivent bénéficier des mêmes droits que les étudiants français, en particulier le droit aux redoublements et à la réorientation.
- La préfecture ne saurait être juge du parcours universitaire des étudiants étrangers ; seules les équipes pédagogiques sont habilitées à évaluer la qualité des résultats et des parcours universitaires de ceux-ci.
- La durée des cartes de séjour pour études doit être identique à la durée du diplôme.
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Mise à jour du mercredi 22 juillet :
Le 21 juillet le secrétaire général de la préfecture m'appelle pour m'annoncer la délivrance d'une carte pour Rajeb (ce que nous savions déjà). Mais la raison de son coup de fil était de faire passer le message suivant : il n'y aura pas de seconde carte de séjour. J'ai renouvelé notre demande d'audience en urgence au préfet : refus. Demande d'audience au SG : refus. On s'est quitté dans une conversation tendue. Je lui ai dit qu'on ne céderait pas et que la mobilisation continuerait aussi longtemps que nécessaire. Depuis cette semaine des collègues et des étudiants se relaient pour apporter soutien et réconfort à Aïcha. Ci-dessous article de presse des Dernières nouvelles d'Alsace. La pétition approche des 1000 signatures. Nous l'enverrons à la préfecture et au ministère vendredi 24.
DNA du 21 juillet :
Université de Strasbourg
Un titre de séjour pour l’étudiant menacé d’expulsion
Rajeb Hamed, l’un des deux étudiants de l’Université de Strasbourg menacés d’expulsion –leur situation a provoqué un mouvement de solidarité (DNA de vendredi)– a obtenu un titre de séjour étudiant. « Le préfet a envoyé un courrier au président de l’université, explique-t-il. Il a accepté ma demande. Je dois me présenter le 29 juillet à la préfecture pour obtenir le récépissé. »
Le jeune homme de 31 ans va pouvoir poursuivre à Strasbourg son master en littérature moderne et comparée. Il était entré en France illégalement en 2012 pour rejoindre son père.
Un autre cas en suspens
Faisant part de son « grand soulagement », Rajeb Hamed tient à adresser ses « remerciements à tous les syndicats et organisations » qui l’ont soutenu dans ses démarches « depuis un an et demi », mais aussi au « président de l’université », à son professeur « Pascal Maillard », et au « député Philippe Bies ». « Je suis très reconnaissant, dit-il. Je n’oublierai jamais. »
Il appelle à poursuivre la mobilisation pour la seconde étudiante, une Marocaine inscrite à l’EM Strasbourg, qui reste sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français.