Grand malaise à l’Université Paris-Saclay, où le président Macron et la ministre Frédérique Vidal participent à une table ronde avec des étudiant.es, bien sûr un peu trié.es sur le volet. Pendant ce temps bâtiments universitaires et routes sont bouclés, les manifestants éloignés et encerclés. Voir ci-dessous le communiqué CGT, FSU, SUD éducation, SUD Recherche de l'Université Paris-Saclay et ICI une version plus détaillée avec quelques photos. Les libertés sont une fois de plus confisquées et dans le cas présent les otages d’une entreprise de com’ qui vire au fiasco, pour ne pas dire à la farce. Attention : vous allez rire et pleurer. Peut-être un rire nerveux et des pleurs de colère. La politique de Macron appartient à un très mauvais théâtre de l’absurde, qui vire à la tragédie. Ou une tragédie qui vire à l'absurde. Nous ne savons plus très bien, mais nous y sommes, et jusqu'au cou.
Il est 13h15. Je tente de déjeuner entre deux visioconférences et quelques coups de fil urgents au sujet de collègues universitaires qui ne vont pas bien. On m’alerte par sms : Macron et Vidal à la télé ! J’alume le téléviseur, l’ordinateur sur les genoux, le portable à la main. La condition ordinaire du citoyen télétravailleur. La ministre parle aux étudiant.es. On l’attendait à l’Université de Strasbourg ce matin avec son ami Blanquer, pour les Cordées de la réussite, mais le déplacement en province du ministre de l'Education nationale a été annulé. Une lettre ouverte sur la question a circulé. La ministre est donc à Saclay. Que dit-elle ? Je prends des notes entre deux fourchettes de carottes râpées :
« Le moment où le décret sort, il faut que ce soit au moins la veille du jour où les choses sont mises en place. » Là, je manque de m’étouffer, mais dans un réflexe salutaire je parviens à appuyer sur la touche « Enregistrement ». L’aveu est terrible, magnifique. Du Vidal dans le texte. Je pense à Jarry. Je pense à Ionesco. Je pense surtout aux dizaines de milliers de personnels des universités qui, à dix reprises depuis le début de cette gestion calamiteuse et criminelle de cette crise, se sont retrouvés vraiment dans cette situation : devoir appliquer du jour au lendemain le décret ou la circulaire de la ministre. Samedi et dimanche derniers, des centaines de collègues à l’université de Strasbourg et des milliers partout en France ont travaillé comme des brutes pour « préparer » la rentrée du 18. Le décret date du 15 et a été publié le 16 ! Des centaines de milliers d’étudiants paniquaient sans information. Criminel !
Mais la ministre continue :
« Tout le monde sera ravi d’accélérer l’étape d’après ». Nous aussi, mais on ne sait pas comment faire.
« Sur le calendrier, c’est difficile .. » Effectivement.
« Moi, j’ai des débuts d’année - des débuts de second semestre, pardon - qui s’échelonnent quelque part … ». Quelque part … La ministre fait-elle encore ses cours à l’Université de Nice ?
Là, Macron sent que ça dérape vraiment et coupe Frédérique Vidal. Il a raison. Tant qu’il y est, il ferait bien de lui demander sa démission. Il rendra service à l’université, à la recherche, à la jeunesse, au pays. Et il sauvera peut-être des vies. Après avoir accompli cette action salutaire, il nous rendra aussi service en tentant d’être président à plus de 20%. « 20% en présentiel, dit-il, mais jamais plus de 20%, l’équivalent d’un jour par semaine ». Le président est un peu déconnecté des réalités de la gestion d’une faculté au pays du distanciel, de l’Absurdistan et du démerdentiel que son gouvernement a créé.
Pour bien comprendre les choses en étant "pratico-pratique" comme dit Macron, voilà de quoi il retourne : les enseignants et les scolarités (personnels administratifs dévoués et épuisés qui n'en peuvent plus et qu'on prend pour des chèvres) doivent organiser et gérer les TD de 1ère année à la fois en présence et à distance pour un même groupe, les CM à distance, trouver des salles qui doivent être occupées à demi-jauge pour des groupes toujours trop grands et articuler le tout dans un emploi du temps hebdomadaire qui n'oblige pas les étudiants à entrer chez eux pour suivre un TD ou un CM à distance après avoir suivi un TP ou un TD en présence. Et désormais il faudra encore entrer dans la moulinette les 20% en présence pour tous les niveaux : L1, L2, L3, M1, M2. Une pure folie.
Mais pas de problème, Macron a la solution : « C’est à vos profs de gérer », dit-il aux étudiants. Le président en disant ceci pourrait bien devoir gérer quelques tentatives de suicide supplémentaires. Pour les étudiant.es cette folie se traduit par une résignation au "distanciel" et toutes ses conséquences pathologiques, ou bien un quotidien complètement ingérable dans l'éclatement entre la distance et l'absence.
Petite observation incidente : dites à un individu qu'il doit être présent dans la distance et distant dans la présence, faites-lui vivre cela pendant des mois, et vous êtes assuré qu'il deviendra fou. L'Etat fabrique non seulement de la souffrance individuelle et collective, mais aussi de la folie. Macron ne doit donc pas s'étonner qu'il y ait aujourd'hui dans la jeunesse quelques "millions de procureurs".
La suite de l'échange avec les étudiant.es confirmera que Macron et Vidal ont le même problème avec le temps, un gros problème avec le temps. L'avenir est au passé. Le président dira ceci : « Evidemment il y aura des protocoles sanitaires très stricts » pour le second semestre. Le second semestre a débuté dans la majorité des universités. Mais, pas de problème : « Evidemment ce que je dis, c’est pour dans 15 jours à trois semaines ». Les 20 % et tout le tralala. Dans 15 jours on recommence tout et on se met au travail tout de suite pour préparer la 11ème révolution vidalienne ? Le président n'a pas compris que Vidal a fait de l'Université une planète désorbitée ...
Nous sommes de plus en plus nombreux à penser et dire ceci : « Ils sont fous, on arrête tout, tout de suite ! On sauve des vies, on désobéit ! ». Dans certaines universités, il y des mots d'ordre ou des demandes de banalisation des cours pour la semaine prochaine. Lors de l'AG d'hier à l'Université de Strasbourg, étudiant.es et personnels ont voté cette demande. Il faut tout banaliser avant que l'insupportable ne devienne banal ! Il nous faut nous rapprocher, limiter le "distanciel". Il n'y a aucun ciel dans les capsules et les pixels. Nous avons besoin de présence et pour cela il faut des moyens pour améliorer la sécurité sanitaire des universités.
Pascal Maillard

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Communiqué CGT, FSU, SUD éducation, SUD Recherche de l'Université Paris-Saclay
Aujourd’hui, E. Macron et F. Vidal étaient à l’université pour l’inauguration du plan quantique Les quelques personnels et étudiant.e.s venu.e.s s’exprimer contre la LPR et la fermeture des universités ont été retenue.s sans motif à plusieurs centaines de mètres du rond-point de Bures pendant plus de 2h.
Aujourd’hui, le dialogue pour l’université c’est :
- Ne pas prévenir les personnels et les étudiant.e.s de cet évènement alors qu’il est publié sur tous les médias.
- Prendre prétexte de travaux pour justifier le bouclage des bâtiments d’enseignement et la fermeture des routes.
- Encercler et retenir dans un coin reculé au bord de l’Yvette avant même l’entrée du campus pendant plus de 2h les personnels et étudiant.e.s venu.e.s crier quelques vérités et afficher quelques banderoles.
La souffrance des étudiant.e.s est réelle et grandissante. Cacher son expression derrière des rangées de gendarmes mobiles ne va pas résoudre les problèmes de fond.
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Mise à jour du 22 janvier à 22h :
Après Macron et Vidal, ce sont Castex et Vidal qui dialoguent avec les étudiants demain samedi 23 à 14h à l'Université de Strasbourg
L’Université de Strasbourg sera un Saclay bis pour le gouvernement. Frédérique Vidal a enjambé le temps et a joué à saute-mouton avec nous. Elle n’était pas là le 21. Elle le sera le 23.
A lire ici :
Et là :
Quatre ministres, dont Vidal pour un dialogue avec des étudiants triés sur le volet à 14h ce samedi 23 janvier.
L’administrateur provisoire de l’Université de Strasbourg, Michel Deneken, a oublié d’informer les membres du conseil d’administration, les représentants des personnels et la communauté universitaire.