Tout à la fin de sa conférence de presse de rentrée (à voir ICIà partir de 1h14), la ministre de l’Enseignement supérieur s’est exprimée hier sur l’avant-projet d’ordonnance Macron relative aux expérimentations de regroupements et fusions d’établissements, nouvelle machine à fabriquer des méga-structures et à laminer un peu plus la démocratie universitaire. Répondant à une question de journaliste, la ministre a valorisé le projet contre les structures et a témoigné de bien peu de considération pour la communauté d’enseignement et de recherche, ce dont le SNESUP-FSU s’est inquiété (lire ICI).
La rhétorique de Frédrique Vidal doit être prise au sérieux. Il me semble qu’on atteint ici le sommet de la culture du projet. La mystique du projet vise à faire passer la pilule de la structure. Elle contient une mystification qui consiste en ceci :
1. L’ordonnance Macron sera une boite à outils pour construire des projets, nous dit la ministre. Entendez : ce n’est pas dangereux du tout, il y a de la liberté. De plus, qui peut être contre les projets?
2. Les personnels sur le terrain ne s’intéressent pas aux structures mais seulement aux projets, nous dit encore la ministre.
3. Donc ma proposition est consensuelle.
Or, la vérité est peut-être plus proche de ceci :
1. L’ordonnance Macron est une boite à méga-structures, anti-démocratiques : fabrique de grands établissements, intégration des établissements privés dans les regroupements publics, réduction de la représentation des enseignants-chercheurs dans les conseils, etc.
2. Sur le terrain les chercheurs subissent l’empilement des structures et la technocratie et peinent à construire leurs projets tout comme il n’en peuvent plus de devoir répondre vainement à des appels à projet pour obtenir des financements (85% de refus).
3. Par conséquent la ministre surfe habilement sur la méfiance des universitaires pour les structures et les brosse dans le sens du poil.
Dans les faits, nous savons bien que les seuls projets qui se construiront - toujours par le haut, dans des groupes de pilotage occultes ou dans des instances où les enseignants-chercheurs sont minoritaires, et bien sûr sans aucune consultation des personnels – consisteront en de nouvelles structures. Le projet, c’est la structure. Et la structure est une machine à produire et faire produire des projets. L’expérimentation est l’alibi du néolibéralisme autoritaire.
Petite question incidente : la ministre mystifie-t-elle son auditoire intentionnellement ? Je ne le crois pas. Je suis convaincu qu’elle y croit vraiment. Tous les décideurs qu’elle consulte et les conseillers qui l’entourent baignent dans cette mystique néolibérale du projet. Une partie significative des enseignants-chercheurs aussi. Mais ils sont de plus en plus nombreux à se réveiller du monde enchanté des projets.
Pascal Maillard