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Billet de blog 28 octobre 2025

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Zones à régime restrictif : des risques d’atteintes graves à la liberté académique

L’Association pour la liberté académique (ALIA) lance une alerte sur les risques que fait peser sur la liberté académique et la production scientifique la multiplication des laboratoires soumis au statut de Zone à Régime Restrictif (ZRR).

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Zones à régime restrictif : une lettre ouverte d’ALIA alerte sur les risques d’atteintes graves à la liberté académique

Communiqué de presse de l’Association pour la Liberté Académique (ALIA)

Le 27 octobre 2025

L’Association pour la liberté académique (ALIA) lance une alerte sur les risques que fait peser sur la liberté académique et la production scientifique la multiplication des laboratoires soumis au statut de Zone à Régime Restrictif (ZRR). Elle prend la forme d’une lettre ouverte sur les ZRR que l’on peut lire ici : https://liberte-academique.fr/2025-10-23-lettre-ouverte-sur-les-zones-a- regime-restrictif/

Le régime dérogatoire des ZRR s’applique aux laboratoires relevant de secteurs scientifiques et techniques protégés - en particulier ceux qui concernent la Défense nationale -, dont les activités pourraient mettre en jeu la sécurité du pays ou qui sont d’intérêt économique majeur. Il s’inscrit dans le dispositif de Protection du Potentiel Scientifique et Technique de la nation (PPST).

Concrètement, ce régime implique un contrôle d’accès aux bâtiments et aux espaces numériques, une surveillance des personnels et de leurs visiteurs par les fonctionnaires sécurité défense (FSD), un contrôle des publications ainsi que des contacts avec les ressortissants étrangers, ou encore un contrôle des communications et des expressions publiques. L’accès à un laboratoire classé en ZRR, quel que soit le statut du demandeur, est soumis à une «autorisation du chef du service, d’établissement ou d'entreprise, après avis favorable du ministre qui a déterminé le besoin de protection ». Le Haut Fonctionnaire Défense Sécurité (HFDS) du ministère compétent délivre seul les autorisations ZRR. Les infractions commises à ce régime de contrôle quasi militaire sont régies par l’article 413-7 du Code pénal qui punit les contrevenants de six mois d’emprisonnement et de 7500€ d’amende.

La présente alerte d’ALIA est justifiée notamment par une tendance forte à la généralisation des ZRR, dont le nombre ne cesse de croître - en 2024, le nombre de laboratoires labellisés ZRR est passé de 800 à un millier -, y compris au sein des Sciences Humaines et Sociales. On observe de plus une volonté politique d’y faire entrer l’intégralité de champs disciplinaires spécifiques, comme les mathématiques (voir ici la position de la section 25 du Conseil National des Universités). Vu l’arbitraire et l’opacité des décisions prises par les Fonctionnaires Sécurité Défense des établissements et les Hauts Fonctionnaires Défense Sécurité des ministères, qui n’ont pas à justifier leurs décisions, il est à craindre que le statut de ZRR ne devienne un instrument de plus au service de la mise au pas du monde académique par les pouvoirs politiques et économiques. Un exemple récent illustre nos craintes : Ada, une post-doctorante, a perdu son emploi suite au refus du HFDS de lui délivrer une accréditation pour travailler en ZRR et y conduire une étude sociologique sur les calculs du coût environnemental de l’IA ne présentant aucun risque de sécurité. Aucune justification n’a été fournie devant le tribunal administratif auprès duquel le ministère a fait valoir le secret, laissant ainsi suspecter une décision politique, la chercheuse étant engagée dans la défense de l’environnement. Nous devons d’ailleurs constater que la pratique des enquêtes administratives, avec demande d’avis au FSD, s’étend de plus en plus souvent à des recrutements en dehors des ZRR, c’est-à-dire en-dehors de tout cadre légal.

Le statut ZRR est donc lourd de contraintes antinomiques avec la libre circulation des idées, nécessaire à la coopération scientifique, et présente des risques d’atteintes chroniques au fonctionnement collégial des laboratoires. Il remet en cause le principe de l’autonomie de l’Université en institutionnalisant la primauté d’objectifs extérieurs à l’enseignement et à la recherche. Si ce statut peut se justifier pour certains laboratoires ou sujets de recherche, à condition que le personnel concerné soit averti et associé à la décision, il doit être appliqué avec la plus grande parcimonie et rester une exception : la progression des connaissances suppose éthique et liberté de recherche.

ALIA tient à rappeler que les FSD n’ont pas à régir les recrutements des personnels de laboratoire. La science ne doit pas être traitée par le législateur et les ministères comme un secteur « sensible » dans son ensemble au nom de la notion mal définie de « sécurité de la Nation ». ALIA appelle donc la représentation nationale et la communauté d’enseignement et de recherche à se saisir de la question des ZRR, qui constitue un enjeu pour penser les rapports entre liberté académique, société et démocratie.

Association pour la Liberté Académique ALIA

contact@liberte-academique.fr

https://liberte-academique.fr

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