Lundi matin.
Valréas.
Lundi matin;
Valréas.
Depuis, hier les rumeurs de confinement imminent circulent. Dans la soirée, notre fille Manon nous appelle, exaspérée : maman, y a de la famille a Cléo qui connaît des gens au gouvernement et il parait que mercredi on va être confinés ! Elle vit dans un appartement minuscule à Marseille, et son copain est un géant.
Oui, pour nous ses parents , qui vivons dans une ville où l'opération ville morte dure depuis des années, nous qui avons un jardin, c'est différent. Tous ceux qui habitent ces villes qui se sont éteintes peu à peu connaissent les rues vides, les commerces fermés, la sensation de vacance. Nous sommes prêts pour le désert.
Que faire entre quatre murs ?
Remettre les pendules à l'heure par exemple. parler entre nous, créer des forums, s'interroger ensemble sur ce qui se passe; essayer de le consigner pour ne pas oublier car nous vivons une époque où tout s'efface très vite; mais que noter ? qu'est-ce qui nous sera utile plus tard, lorsque la crise sanitaire sera terminée et qu'il faudra affronter le versant politique et économique et pour cela analyser ce que nous avons vécu ?
Nous revenons du supermarché; les caissières ont des gants mais pas de masque. Hier, la boulangée avait un masque. Qui tenait plus de celui destiné au bricolage que du modèle sanitaire estampillé. Tout le monde n'a pas un caddy débordant, même si certains atteignent des hauteurs inédites et pourraient bien ensevelir ceux qui les poussent. Les rayons de pâtes sont effectivement vides et ceux de papier toilette également, ce qui laisse songeur. Quelle rationalité pousse les gens sur les pattes et leur fait délaisser les lentilles ou le boulgour? Pourquoi la préoccupation pour les torche-cul devient elle si cruciale? S'agit il simplement d'un phénomène d'imitation? Tout le monde se rue sur le papier toilette,et si je ne le fais pas moi aussi, ce n'est pas raisonnable. Une perversion du système démocratique : si la majorité fait cela, c'est qu' elle a de bonnes raisons. ou au delà de cela, la prégnance de la norme, si la majorité fait cela, je dois suivre. les gens qui s’achètent le pq en masse sont sans doute ceux qui croient les fake news. Peut-être aussi la peur de quelque chose de plus profond : et si je ne pouvais plus me débarrasser de ma merde ? Si nous étions tous menacés d'y disparaître ?