Mardi.
Valréas.
Manon est dans le train pour l'Ardéche. Elle devrait arriver avant midi dans le village ardéchois de sa copine. Il parait que des flots de Parisiens se déversent dans des lieux de villégiature comme l'île de Ré, ce qui n'est pas toujours du goût des habitants.
Hier, Macron a fait sa ballerine : un entrechat : il faut faire encore plus attention, un autre entrechat : on va plus limiter les allées venues, un autre entrechat : ça commence demain midi. Double pirouette : j'ai annoncé le confinement sans l'énoncer. Mais j'ai très clairement parlé de guerre.
et bien tiens, nous aussi, parlons-en.
Macron dit que nous sommes en guerre, comme Hollande ou Vals, il y a quelques années, parlait d'une guerre contre le terrorisme. Comme ces agences de crédits qui parlent d'un "pont de cash" pour affronter la situation économique Et ces médecins, qu'on entend aussi utiliser le terme. Des responsables d'entreprises évoquent le mode commando. Gouvernement, organismes financiers et corps médical communient dans un même registre.
Est-il indispensable de parler de "guerre" lorsqu'il s'agit de faire face à une situation d'urgence sanitaire? Quel bénéfice y a -t-il à transformer un virus en ennemi, des populations, en soldats, et un un gouvernement, en état major ? Quel intérêt les autorités ont-elles à le mettre en scène comme un conflit ?
Une situation sanitaire et une situation politique sont abordées avec le même langage C'est la rhétorique de l’état d'urgence. Oui, mais les autorités ne pourraient-elles se contenter de la gérer ? Depuis 2001, tous les pays dits démocratiques ont modifié leurs appareils législatifs et judiciaires, restreint les libertés au nom d'une logique d’état d'urgence. Et ils ont étendu à leurs citoyens les lois qui étaient sensées les protéger d'un ennemi menaçant. En France cela a donne par exemple la sud-américanisation des forces de police ; la police de la peur ( http://clap33.com/2020/03/video-sebastian-roche-le-modele-francais-c-est-la-police-qui-fait-peur.html ). Les mesures mises en place contre l'ennemi terroriste se sont retournées contre la population
Ma question : que se passera t-il à la fin de la pandémie, quand la population aura passé 15 jours (voir plus, certains parlent de quarante-cinq jours) confinée?
Hier, Castaner, celui qui a réprimé les gilets jaunes, a du prononcer quatre fois le mot de guerre et une bonne dizaine celui de sanctions. Ce peuple qu'il est question de protéger n' est pas menacé seulement par le virus. D'aucuns rétorqueront : oui, mais il y en a qui font n'importe quoi, qui ne prennent pas de précautions, qui mettent en danger les autres. Mais où s'enracine la logique qui veut que tout le monde prenne pour ceux qui commettent une erreur ? Pas dans la tradition démocratique en tout cas. Que veulent dire des phrases comme : "je ne veux plus voir des gens rassemblés" ? Ce que l'on voit est le reflet de ce qui a vraiment lieu ? La réalité d'une situation aussi complexe se transcrit immédiatement dans des faits observables à l’œil nu ?
Et ce sont là les gens auxquels nous devons faire confiance, obéir? Qui tirent des généralités à partir de l’immédiateté des faits?
Nous devons affronter deux menaces.
La première, c'est le virus. La deuxième, s'avère plus difficile à définir. Elle ne tient pas seulement à la façon de faire des gouvernements mais au consensus qui leur permet d'agir ainsi. A nous aussi, donc. A la langue dans laquelle nous sommes pris.es.