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Billet de blog 4 août 2016

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Les enjeux géopolitiques des JO de Rio

Au-delà des enjeux sportifs les JO de Rio ont des enjeux géopolitiques notamment pour le Brésil et la Russie mais aussi pour la France.

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Les Jeux olympiques (JO) vont s'ouvrir le 5 août à Rio. Les enjeux géopolitiques sont nombreux.

Le premier est celui de la sécurité. La montée du terrorisme est la préoccupation première des organisateurs. C'était déjà le cas à Londres en 2012 et ce sera encore le cas à Tokyo en 2020. Depuis 2001, la sécurité est en effet le principal poste budgétaire de ces événements et les coûts augmentent régulièrement. Si la protection du village olympique rend improbable la répétition du scénario de Munich 1972, où la délégation israélienne avait été victime d'une attaque terroriste, il y a toujours la peur d'un attentat dans des lieux moins fermés. Certes, le Brésil n'est pas dans la même configuration géopolitique que les pays occidentaux ou du Proche-Orient. Le pays est, normalement, moins sous la menace d'un attentat que ces derniers. Mais dans la mesure où les organisations terroristes veulent frapper les esprits, les Jeux olympiques leur offrent une vitrine exceptionnelle. Tous les regards du monde y convergeront. C'est d'ailleurs pour cela que malgré ses réticences initiales, Dilma Rousseff, torturée par les militaires du temps de son implication dans la guérilla, a fait adopter une législation antiterroriste donnant plus de pouvoir aux autorités pour arrêter des gens suspectés de planifier des attentats, malgré la protestation de certains groupes de défense de droits de l'homme. Daesh a, en outre, diffusé des menaces en langue portugaise, et le Brésil a demandé l'assistance sécuritaire de nombreux pays, y compris les États-Unis, en dépit de la brouille à propos des écoutes de la National Security Agency (NSA) qui avait mis à mal la coopération entre les deux pays en la matière. Il ne peut donc plus y avoir désormais de compétitions sportives mondialisées sans la crainte d'un attentat. Mais ceux-ci ne sont pas inéluctables, comme le montrent l'Euro de football ou le Tour de France, qui se sont déroulés dans des bonnes conditions de sécurité

Le Brésil va être l'hôte du monde entier à un moment où il traverse une crise profonde. Lorsqu'il a été désigné pour accueillir les Jeux en septembre 2009, il était en pleine ascension économique et géopolitique. Le Comité international olympique (CIO) avait voulu reconnaître le phénomène de l'émergence d'un pays démocratique. Lula, qui s'était déplacé, l'avait emporté face à Barack Obama, pourtant au fait de sa popularité internationale, qui défendait le dossier de Chicago. Dans le choix des villes-hôtes, le CIO veut toujours accompagner ou se montrer en avance sur les évolutions géopolitiques. Hélas, la croissance brésilienne s'est depuis transformée en récession et la crise économique a débouché sur une crise sociale et politique. Mais si le Brésil ne pourra pas triompher autant il pouvait l'espérer en accueillant les JO, il voudra néanmoins offrir le meilleur visage et recevoir dans les meilleures conditions athlètes et visiteurs. Il faut se souvenir des grèves et manifestations ayant précédé la Coupe du monde 2014, qui avaient cessé pour l’ouverture de la compétition. Même si tout ne sera pas prêt à 100 %, on peut donc gager que ces Jeux seront une réussite pour Rio et le Brésil. Ils ont d’ores et déjà permis de rénover le tissu urbain de la ville.

Alors qu'un système de dopage organisé au niveau étatique y a été découvert, la Russie n'a pas été exclue des JO de Rio. Par le passé, seuls l’Afrique du Sud du temps de l’apartheid et l’Afghanistan dirigé par les Talibans – qui interdisaient aux femmes la pratique du sport – l’avaient été totalement. Il était donc problématique pour le CIO de faire un tel parallèle. L’organisation a laissé la décision de la participation des sportifs russes à chaque fédération internationale. Celle d'athlétisme a ainsi banni tous les athlètes russes. Mais il y aura bien une délégation russe qui défilera derrière le drapeau. On entendra toujours – moins souvent que précédemment – l’hymne  national russe en cas de médaille d'or. Thomas Bach, le président du CIO, est accusé d'être trop favorable à la Russie. On lui reproche d'être trop proche de Vladimir Poutine qui, selon certaines sources, l’aurait aidé lors de son élection à la présidence de l’organisation à la demande de Mme Merkel. En tant que sportif, T. Bach avait été affecté par le boycott des jeux de Moscou de 1980, que l'Allemagne avait alors suivi. Il dit ne pas vouloir établir de responsabilité collective des sportifs russes dans la mesure où le Comité national olympique n'est pas directement mis en cause. De son côté, V. Poutine crie au complot américain et occidental afin de priver la Russie d'une exposition médiatique positive. Cet argument peut passer auprès d'une grande partie de l'opinion russe, mais ne convaincra pas le reste du monde. Même si la Russie est présente, il s’agit néanmoins d’un revers pour V. Poutine. Ce dernier a beaucoup misé sur la diplomatie sportive pour le rayonnement de son pays – et aussi améliorer la santé publique, actuellement dans un piteux état – alors que la Russie doit organiser la Coupe du monde de football 2018 et que son équipe nationale a été sorti au premier tour lors de l'Euro 2016 : il y a, pour le pouvoir russe, un défi important à relever

Contrairement à ce que pensent certains, le dopage n'est pas en expansion. Il y a simplement plus de cas révélés. On peut désormais dépister des cas de dopage intervenus lors de précédentes Olympiades, notamment celles de Pékin 2008 et Londres 2012. Cela peut être un puissant instrument de dissuasion. L'impunité a énormément reculé pour les tricheurs.

François Hollande, pour sa part, se déplacera à Rio. Il va y plaider la cause de Paris recevoir les Jeux de 2024. D’aucuns mettent en avant le risque d'attentats pour disqualifier cette candidature. Mais cet argument peut se retourner pour deux raisons. Le premier est que l'on peut, au contraire, montrer une solidarité avec Paris en lui accordant les Jeux. Le second est qu’il est, par ailleurs, très difficile d'évaluer ce que pourra être la menace en 2024. Aucun pays – et le cas du Brésil le prouve – ne peut aujourd'hui dire qu'il est à l'abri de la menace terroriste. Et une fois encore, la bonne tenue de l'Euro 2016 et du Tour de France montrent la capacité de la France à organiser ce type d'événements en toute sécurité.

Les Français ont retenu les erreurs qui ont conduit à l'échec pour accueillir les Jeux en 2012. C'est en effet désormais le mouvement sportif qui est en avant, avec un projet piloté par Bernard Lapasset et Tony Estanguet, un dirigeant sportif influent et un triple médaillé d’or membre du CIO et soutenu par le monde politique. Au moment où la classe politique française se déchire dans la perspective d l’élection présidentielle, Anne Hidalgo, la maire de Paris, et Valérie Pécresse, la présidente de la région Île-de-France, bien qu’appartenant à des partis politiques opposés, jouent collectif pour faire aboutir cette candidature.

Pascal Boniface vient de publier JO politiques (Éditions Eyrolles).

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