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Billet de blog 6 août 2016

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Les premiers JO

Les premiers JO ne comportaient qu'une seule épreuve. Mais la gloire et la fortune étaient déjà au rendez vous

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« Les Géants D'Olympie  » – 3 questions à Alain Cadu

Alain Cadu, ancien professeur d'anglais, dresse avec son dernier ouvrage un tour d’horizon ludique et décalé sur les « géants d'Olympie », de 776 av. J.-C. à 2012. L'ouvrage est publié aux éditions Écrituriales.

Pouvez-vous dresser brièvement l’évolution des Jeux olympiques (JO), qui ne comportaient au départ qu’une épreuve ?

Une épreuve, oui. Mais quelle épreuve : le stadion ! Il s’agit d’une course de 192,27 mètres correspondant à 600 fois le pied d’Héraclès. Et elle restera à jamais pour la postérité puisque le temps sera longtemps mesuré en Olympiade avec le nom du vainqueur accolé. C’est l’historien Timée de Sicile qui a repris, au IIIe siècle avant Jésus-Christ, les tables olympiques[1] depuis le premier vainqueur Coroïbos pour mesurer le temps. Pas étonnant que l’histoire ait retenu plus de 200 vainqueurs pour servir de chrono-maîtres. A l’aune des Jeux antiques, nous serions aujourd’hui dans la quatrième année de l’Olympiade Usain Bolt. Quel sera le nom de la prochaine? Le 100 mètres de Rio nous l’indiquera.

Le stadion restera la seule épreuve jusqu’en - 724, année où le diaulos, ou « double stade », sera introduit. Puis viendront le dolichos ou course longue (24 allers-retours sur le stade soit à peu-près un 5.000 mètres d’aujourd’hui). L’an – 708 verra l’apparition du pentathlon et de la lutte avant l’introduction du pugilat et du pancrace ainsi que les premières courses de char.

Il faudra attendra -520 pour voir la course en armes conclure le programme. Tout un symbole pour mettre fin à la trêve olympique ! Le nombre des épreuves (courses-combats-pentathlon et courses de chevaux) se stabilisera à une quinzaine jusqu’à la disparition de ces Jeux « païens » en 393, sur ordre de l’empereur chrétien Théodose après 293 éditions non-stop en 1168 ans.

A la reprise des Jeux modernes en 1896, Coubertin proposera 43 épreuves à 245 athlètes venus de 14 nations. Et à partir du 5 août à Rio s’affronteront sur 306 épreuves quelque 10.500 athlètes venus de 205 nations.

Vous dressez les portraits des vainqueurs des Jeux antiques. Parmi eux, un mort.

« Les Géants d’Olympie », que ce soit le site ou le livre, permet de découvrir les portraits de 86 vainqueurs ou acteurs majeurs des Jeux et même, parmi eux, le portrait d’un pancratiaste déclaré vainqueur en -564 alors qu’il venait de mourir au combat en finale.

A l’époque des Jeux antiques, personne n’aurait compris la devise faussement attribuée à Pierre de Coubertin : « L’important n’est pas de gagner, mais de participer ». Il fallait gagner ! La devise était même « La victoire ou la mort ». Et le  pancraciaste Arrachion de Phigalie a eu la victoire Et la mort en étant le premier athlète connu à recevoir une couronne mortuaire à Olympie.

On le sait grâce à l’historien Pausanias. Lors de son tour de la Grèce dans les années 160, il écrira en voyant la statue d’Arrachion à Olympie : « Les Eléens coiffèrent de la couronne le cadavre d’Arrachion et le déclarèrent vainqueur ».Victime d’une prise à la gorge par son adversaire, il utilise ses dernières forces pour casser l’orteil de son adversaire. Sous la douleur, celui-ci lève le doigt en signe d’abandon alors qu’Arrachion meurt étranglé. Déclaré vainqueur par les juges puisque son adversaire avait crié grâce, Arrachion le casse-pied reçut la couronne à titre posthume.

La mort était donc aussi le prix à payer pour entrer dans la postérité après laquelle ils couraient tous.

Et les 86 portraits sont un véritable inventaire à la Prévert : Hipposthène de Sparte ou Milon de Crotone, vainqueurs en lutte sur six éditions successives, comme Léonidas de Rhodes douze fois couronné en course courte en quatre éditions, l’ancien vainqueur au pugilat Diagoras de Rhodes mort d’émotion sur la scène d’Olympie après le victoire de ses fils, Néron n’hésitant pas à faire avancer les Jeux de deux ans pour gagner six couronnes en subornant les juges, mais aussi des tricheurs comme Eupolis ou Sarapion, des athlètes transférés comme Astylos de Crotone…et même un Straton laveur en -68 !

Sans oublier deux femmes propriétaires de chars….

L’interdiction faite aux femmes, non seulement de participer mais d’assister aux JO, était sévère mais a développé la pratique de la nudité à Athènes.

Attention, on parle de nudité à Olympie, pas à Athènes. Elle remonte, selon Pausanias, à la 15e Olympiade quand le vainqueur Orsippos a tombé le pagne et a gagné à être cul-nu. Dès lors, le short en était jeté pour les coureurs, lutteurs et pantathlètes et même plus tard, en -404 pour les entraineurs quand une sœur et mère de champion, Callipateira, fut démasquée. Sous sa tenue d’entraineur, les juges découvrir une entraineuse passant du rêve olympique au songe d’une nudité.

Et pas seulement pour une question de comparaison peu flatteuse entre les athlètes beaux comme des Dieux et leurs maris au physique moins avantageux. Les femmes n’avaient rien à faire à Olympie sauf comme péripatéticienne à l’extérieur du stade. Pour participer, il fallait être Hellène. Pas Hélène !

Pour revenir à la question, ce n’est pas l’interdiction aux femmes qui a provoqué la nudité mais la nudité qui a entrainé l’interdiction aux femmes.

Cependant deux femmes ont été couronnées à Olympie : Cynisca de Sparte en -396 et Bellistiche en -268. C’était sur l’hippodrome où on ne couronnait pas l’aurige mais le ou la propriétaire du char.

Olympie était un univers exclusivement masculin pouvant accueillir jusqu’à 50.000 spectateurs. Tous les quatre ans, c’était comme disent les anglais « the place to be ». Il fallait y être pour voir et être vu. Alcibiade ou Hérodote l’ont bien compris.

Et Olympie fera école avec la création de Jeux à Delphes, à Némée et à Corinthe. Les quatre Jeux sacrés formeront le « Grand chelem » de l’époque avant que d’autres jeux se développent un peu partout en Grèce avec espèces sonnantes et trébuchantes pour les champions. C’étaient un peu les meetings d’aujourd’hui.

Mais, comme aujourd’hui, une victoire à Olympie figurait toujours en tête du palmarès…

Les Géants d’Olympie 334 pages, 20 euros, paypal, frais de port offerts à www.ecrituriales.com ou auprès de l’auteur alain.cadu@neuf.fr


[1] Voir la liste sur www.lesgeantsdolympie.com.

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