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Billet de blog 27 juin 2016

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Le Brexit, une chance pour l’UE ?

Le 23 juin 2016, le Royaume-Uni s'est prononcé en faveur d'une sortie de l'Union européenne. Si le "Brexit" (British exit) est un séisme dans l'Histoire de la construction européenne, ses conséquences seront principalement néfastes pour le Royaume-Uni.

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Le vote des Britanniques en faveur du Brexit a frappé de stupeur les dirigeants européens et britanniques. Jusqu’ici, la Communauté économique européenne (CEE), puis l’Union européenne (UE), s’étaient régulièrement élargies, passant de 6 à 28. Mais c’est la première fois qu’un pays quitte l’Union. Les réactions des 27 autres pays membres de l’UE au référendum sur le Brexit montrent que les dirigeants politiques préfèrent une situation inconfortable mais connue, à une situation inconnue. Les réticences du Royaume-Uni vis-à-vis de l’UE existent de longue date, et celui-ci n’a d’ailleurs jamais joué de rôle moteur dans la construction européenne. Bien au contraire.

Le résultat du référendum constitue certainement un choc, mais ce n’est pas pour autant une catastrophe pour l’UE. Le Brexit va au contraire permettre de clarifier la situation. Le Royaume-Uni qui était jusqu’alors un partenaire important, mais surtout réticente au projet de construction européenne, ne pourra plus jouer le rôle de frein intérieur. L’Europe et les dirigeants européens pourraient saisir cette opportunité pour engager l’UE sur une nouvelle voie. En effet, jusqu’à présent, les dirigeants européens se sont montrés insensibles, voire dédaigneux, face aux récriminations populaires. Il y a pourtant une réelle fatigue des Européens vis-à-vis des politiques d’austérité et un sentiment de n’être pas suffisamment écoutés dont il faut tenir compte. Le Brexit est un avertissement pour les instances européennes, bien que nous n’ayons pas à craindre un « effet domino ».

Les regrets exprimés par des partisans du vote « Leave » quelques heures après la victoire du Brexit, ainsi que les immenses difficultés économiques qui s’annoncent pour le Royaume-Uni, montrent bien que le référendum britannique, loin de déclencher un effet d’entrainement qui amènerait les pays européens à s’engager à leur tour vers une sortie de l’UE, va finalement servir d’arme de dissuasion. La sortie du Royaume-Uni va permettre de mettre en lumière par l’absurde, les avantages de l’appartenance à l’UE. Même si les hommes politiques britanniques tentent de jouer la montre, ils vont faire les frais de cette décision et, paradoxalement, prouver l’utilité de l’UE pour ses pays membres. Si les dirigeants européens prennent les bonnes décisions, l’UE pourrait finalement sortir renforcée du Brexit.

Le Royaume-Uni en sera lui fortement affaibli. Le Brexit est une très mauvaise nouvelle pour le Royaume-Uni. Au-delà du coût économique intrinsèque à la sortie de l’UE, c’est aussi la crédibilité du pays qui est en jeu. Il est tout à fait possible que l’Écosse souhaite se séparer du Royaume-Uni pour pouvoir préserver sa place dans l’UE. Si sécession il devait y avoir, ce serait une perte extrêmement importante pour la considération, le statut et le prestige du Royaume-Uni.  Ce dernier va entrer dans une phase de déclin stratégique.

Par ailleurs, les Britanniques vont affaiblir leurs liens transatlantiques et perdre de la pertinence à l’égard des États-Unis. En effet, le Royaume-Uni est un partenaire stratégique pour les États-Unis à condition d’être influent et de relayer les volontés américaines en Europe. En s’engageant sur la voie de la sortie de l’UE, le Royaume-Uni abandonne de facto ce rôle et sera considéré comme moins utile. Les Américains vont estimer que le Royaume-Uni n’est plus apte à servir leurs intérêts au sein d’un continent moins stratégique qu’auparavant à leurs yeux. Finalement, le Brexit va alimenter un éloignement entre Londres et Washington.

Nous sommes entrés dans une nouvelle ère européenne puisque c’est la première fois qu’un pays décide de quitter l’UE. On voit d’ailleurs les immenses inconvénients qu’il y a à confondre politique internationale et mesures intérieures : David Cameron l’a appris à ses dépens, en se permettant de jouer avec le feu dans son propre pays. Le Premier ministre britannique ne s’est pas montré digne de ses responsabilités en ne voulant pas tirer personnellement les conséquences politiques de son initiative référendaire et en laissant à son successeur le soin de couper les ponts avec l’UE. Il laissera ainsi une image peu glorieuse dans l’Histoire de son pays, qu’il aura largement contribué à affaiblir.

Désormais, il est nécessaire que l’UE montre qu’elle est capable d’apporter des réponses aux problématiques du continent, sans toutefois engager un nouvel approfondissement qui serait rejeté par les populations européennes. Le départ du Royaume-Uni va renforcer l’axe Paris-Rome qui, avec l’aide des sociaux-démocrates allemands, pourraient faire pression sur Angela Merkel afin qu’elle réajuste son soutien aux politiques d’austérité et qu’elle se montre plus ouverte aux négociations.

Il faut également être très ferme avec Londres lors des arrangements juridiques accompagnant le Brexit afin de montrer qu’il y a un coût à payer à sortir de l’UE.

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