Voici ce que j'écrivais en août 2011 sur cette affaire, à la fin de mon article sur la Pastorale de Monzon, à laquelle François Hollande avait assisté.... (http://blogs.mediapart.fr/blog/pascale-fautrier/150811/la-pastorale-de-monzon-un-evenement-poetique-politique-et-populair)
"Revenue à ma voiture après les quatre heures de représentation et le repas organisé par l’iskatola d’Alos, j'ai trouvé un tract glissé sur mon pare-brise, annonçant la manifestation d’aujourd’hui (15 août) 17h contre le « mandat d’arrêt européen », pour la défense des droits civils et politiques, et pour refuser l’arrestation et l’extradition de la militante de Batasuna Aurore Martin vers l’Espagne. Je me suis renseignée : « La jeune femme de 32 ans est sous le coup d’un mandat d’arrêt européen pour avoir participé à des réunions publiques en Espagne au nom du parti indépendantiste Batasuna, interdit par Madrid et autorisé par la France. Des faits qualifiés en Espagne de «participation à une organisation terroriste», et pour lesquels elle risque douze ans de prison. «Ce qui lui est reproché relève du délit d’opinion. Un acte que nous commettons tous les jours dans notre activité militante», commente Alice Leiciagueçahar, conseillère régionale d’Europe Ecologie-les Verts, qui s’était déclarée prête à cacher Aurore Martin (Libération le 20 juin 2011). Voir ici même sur Mediapart les trois articles consacrés à cette militante qui a choisi de sortir de la clandestinité en France le 18 juin, et s’est présentée aux élections cantonales en mars 2011 à Tardets sous l’étiquette « Euskal Herria bai » (Pays Basque uni, oui) : «Militante basque, Aurore Martin choisit de sortir de la clandestinité» (3 juin 2011 : cet article contient une interview vidéo de Aurore Martin), «La police aux trousses d’Aurore Martin», 21 juin 2011, «Aurore Martin refait surface à Biarritz», 21 juin 2011.
Quels que soient les sentiments qu’inspirent la cause de l’indépendantisme basque (la réunion des sept provinces basques, trois françaises, quatre espagnoles sous une même entité politique) ou l'engagement d’extrême-gauche (écologiste et féministe) des militants de Batasuna, il est clair que l’extradition pour le seul délit d’opinion de cette militante vers l’Espagne où elle risque douze ans de prison, est, d’un point de vue purement démocratique et citoyen, parfaitement intolérable. Claude Guéant, intéressé comme les démocrates-chrétiens au pouvoir du côté du pays basque espagnol, à détourner l’attention de la population de la situation économique et politique due à la crise sans précédent que nous vivons, a pourtant réaffirmé que la France tiendrait ses engagements, et que Aurore Martin serait extradée. Qu’est-ce que ce Mandat d’Arrêt Européen qui permet d’extrader des individus pour délit d’opinion ? A quand l’extradition de Hongrois réfugiés en France parce qu’ils s’opposent à un régime qui glisse vers le populisme fasciste ? Après-demain (17 août), le tribunal de Cahors devra décider si un autre militant, ancien membre de l’ETA, interdit de séjour au Pays Basque depuis dix ans, tombe sous le coup du MAE. Son cas est différent : la police espagnole aurait retrouvé la trace de son pouce sur une lettre piégée. Mais l’enjeu est le même : choisit-on la politique de la pacification, permettant à d’anciens militants de tourner la page, à d’autres d’exprimer des opinions libres, ou relance-t-on indéfiniment, pour des motifs qui n’en doutons pas, sont politiques, le cycle infernal de la vengeance, de la haine et de la violence.
La Pastorala de Monzon trace une autre voie : celle de la poésie et du récit historique. Sa haute tenue littéraire et éthique est une leçon de maintien. L’histoire ne dit pas ce qu’en aura pensé François Hollande, emmené là le 7 août par le sénateur socialiste des Landes Jean-Louis Carrère parmi 4000 spectateurs enthousiastes. On est plus curieux encore de savoir ce que Martine Aubry, parente par sa mère de ce « petit peuple qui chante et qui danse auprès des Pyrénées » (Voltaire), pense de l’extradition d’Aurore Martin.