Gauche sociale et écologiste par Pascale Fautrier, auteure des Rouges (1). Ce papier est paru jeudi 7 mai dans la page Débats de L'Humanité.
Dans le journal des rouges, fondé par Jean Jaurès, osons le dire : la survie d’une gauche de changement passe par son rassemblement dans un nouveau parti : la Gauche Sociale et Ecologiste.
Quelle est la situation ? L’actuel premier secrétaire du Parti socialiste entonne la rengaine de l’« unité », ultime perversion du mitterrandisme : cette entourloupe politique visant à accréditer la politique de droite de M. Valls accélère la perte d’influence de nos idées. Nous ne souhaitons pas la mort du PS : mais cette stratégie d’englobement n’est même pas dans l’intérêt de ce parti, et elle élimine la gauche au second tour. La « belle alliance » de la carpe libérale et du lapin de gauche, divisant l’opposition de gauche, ne convaincra pas les abstentionnistes de revenir. Et pour cause ! Comment supporter que la gauche se perde dans d’inacceptables compromis, qui ont pour seuls résultats l’exponentielle explosion des inégalités sociales et le gaspillage irresponsable des ressources naturelles. Est-ce « éco-socialiste » de favoriser les sociétés privées qui gèrent les autoroutes ? Il n’y aura de vraies raisons de voter et de s’engager à gauche que si une autre gauche émerge visiblement dans le paysage politique. L’émergence d’un pôle uni de la gauche sociale et écologiste est nécessaire à la vie d’une démocratie digne de ce nom. Oui, c’est parce que le Parti communiste a été un outil d’organisation de masse des salariés les plus défavorisés que la démocratie a pu avoir un sens dans ce pays. Il faut que François Hollande ait perdu sa boussole démocratique pour comparer le PCF aux ennemis de l’égalité que sont les militants du FN. Qui ne sait que l’eurocommunisme des années 1970 a été une franche rupture avec le stalinisme ? Oui, Jean-Luc Mélenchon a raison de souhaiter le passage à une autre République et de faire avancer avec le M6R l’idée de la convocation d’une Constituante : réjouissons-nous de sa popularité (évidente dans la manifestation du 9 avril). Oui, Clémentine Autain a raison de vouloir accueillir dans nos rangs davantage de femmes et de personnes issues des minorités ethniques, et d’inventer de nouvelles manières de faire de la politique dans les Chantiers d’espoir. Oui, Cécile Duflot a fait preuve de courage en rompant avec le gouvernement Valls : encourageons-la à nous rejoindre. La mobilisation populaire ne naît pas d’un coup de baguette magique dans un pays gangrené par la fascisation des esprits. Je fais un rêve : que nos dirigeants relèvent le défi historique de nous rassembler. Il y va de leur légitimité politique. Qu’ils nous fassent confiance ensuite, en acceptant des règles de direction collégiale et participative. Additionnons nos qualités plutôt que de les soustraire : continuons « notre histoire », l’histoire des rouges, en acceptant la discussion constructive entre nos traditions, socialistes, communistes, écologistes, féministes, anarchistes, trotskistes, antiracistes. Nos idées n’ont pas cessé d’être neuves : le terrible et beau combat du gouvernement grec en est la preuve vivante. La dure générosité du rassemblement fraternel ne dissout pas nos identités. Elle est une chance de renaître plus forts. Notre seule chance
(1) Reparution le 22 mai en poche, Points-Seuil.