
François Hollande, à peine intronisé président de la République, trempé comme une souche : belle image inaugurale d'une normalité stoïque. Image à double lecture : d'un côté, la pompe de la fonction soutenue sans faillir malgré le déluge. De l'autre, un corps vivant (la preuve : la buée sur les lunettes), un corps aveuglé et transi visiblement en proie à ce qui l'affecte. Un corps qui s'indique au-delà de la fonction et de l'image, qui les déborde, un corps auquel on s'identifie de l'intérieur à partir d'émotions communes : le froid de la pluie contre la peau, l'embarras des vêtements collés qui gênent le mouvement, les lunettes sans essuie-glace.
Image oxymorique? Seulement pour ceux qui croient à la clairvoyance extralucide du corps sacré royal. Pour le Démocrate, éloquente et riche image de la fonction remise à sa place, bousculée par le réel, sans être supprimée. La fonction d'un Président démocrate : être perméable aux évènements, à tout ce qui est l'autre (environnement humain et matériel), les supporter sans les nier.
Et, espère-t-on, les penser, dans le dialogue avec les intellectuels certes (cf. http://blogs.mediapart.fr/blog/geoffroy-de-lagasnerie/130512/sur-les-intellectuels-la-politique-et-les-conditions-dun-gou) mais aussi les citoyens ordinaires. (La liberté du citoyen ordinaire est pensée, conscience réflexive, ou elle n'est pas, et on a déjà vu des intellectuels poser leurs yeux sur des tas de livres tout en se comportant en valets du pouvoir : c'est-à-dire en pires ennemis de la liberté et de la démocratie - de la pensée).