Y a-t-il encore de la démocratie possible, si l'expression politique, hors du vote, est réservée aux appareils partisans, et si les thèmes de la discussion publique sont découplés en autant de sujets de dissertation réservés aux spécialistes et aux experts?
Dans son grand livre, La haine de la démocratie, Jacques Rancière distingue l'élitisme républicain de l'effectivité démocratique, en ce que la République (et il faut remonter cela aux grecs) veut être le gouvernement des meilleurs (et partant des mieux dotés en capital culturel et autres, avec tous les risques afférents de reproduction sociale), alors que la Démocratie est le gouvernement de n'importe qui.
La démocratie est, à partir de l'idéal républicain, à la fois un travail et une promesse. Elle est à venir comme le disait Derrida - à condition que personne ne renonce à "se mêler de ce qui ne le regarde pas" (c'était la définition sartrienne de l'intellectuel, à laquelle je reste fidèle).
C'est dans avec cette éthique en tête et qui est aussi une sorte d'hygiène personnelle et publique (un "exerce spirituel" aurait dit le dernier Foucault), que j'entreprends ce blog. Comment exiger des autres ce que l'on n'exige pas de soi-même? Comment vouloir que de la politique démocratique existe encore, si on ne prend pas soi-même le risque de se confronter, dans les aléas de l'urgence quotidienne et du bruit médiatique, à ses propres réflexions? C'est donc résolument en non-spécialiste que je m'exprime ici, et à partir de l'aveu d'une difficulté à me reconnaître dans les institutions politiques existantes.
)