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Billet de blog 26 avril 2012

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La responsabilité historique de Nicolas Sarkozy

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Voilà un homme qui pour conserver le pouvoir n’hésite pas à favoriser  cette pathologie politique qu’est le repli nationaliste xénophobe.

Stigmatiser plus faible et plus démuni que soi, l’immigré dernier arrivé (nous sommes tous de plus ou moins loin des immigrés de la grande mutation anthropologique industrielle et postindustrielle qui a transformé dans ce pays et ailleurs la grande masse des paysans en urbains salariés), c’est éviter par paresse et lâcheté, par conformisme social (la vénération pour les puissants) de s’attaquer aux vrais responsables de la désespérance sociale : ces ultra-riches, ces banquiers, ces actionnaires et autres spéculateurs boursiers qui attaquent les états pour préserver ou augmenter leurs profits et sont les vrais responsables de la soi-disant crise – qui n’est pas une crise pour tout le monde.

Si cet état d’esprit de respect de l’ordre dominant, si injuste fût-il, n’avait pas toujours été majoritaire dans les classes populaires, bien d’autres révolutions auraient eu lieu. Ceux qui font mine de le découvrir sont des imbéciles.

L’essence même de l’esprit démocratique, né en 1789, consiste à attribuer une légitimité politique à la revendication sociale et à la remise en cause de l’ordre social dominant. Cet esprit démocratique d’égalité et de liberté est un combat, pas un état de fait.

La démocratie n’a que deux voies possibles : ou bien elle engage courageusement le combat politique  contre les oligarchies financières et les contraint à accepter la loi de l’intérêt général qui est le partage des richesses, ou bien elle se saborde dans des discours de haine, faux-nez et paravent de son absence de volonté véritable de s’attaquer à  ceux qui n’ont, Eva Joly le disait fort justement AUCUNE LIMITE pour défendre leurs privilèges. Il n’y aura pas de voie moyenne, ni de compromis possible.

Nul ne peut l’ignorer, on le sait depuis 1870, depuis 1914, depuis les années 20 du XXème siècle : spéculateurs français, allemands ou d’autres nationalités, ils préfèrent le cataclysme de la guerre totale, ils préfèrent le fascisme au partage de leurs profits. Le dernier acte politique de Louis Napoléon Bonaparte avait été de déclencher artificiellement la guerre avec la Prusse en 1870 pour sauvegarder son pouvoir. Comme l’écrit Edwy Plenel : « Exception française, le bonapartisme césariste qui inspire notre présidentialisme est d’une dangerosité foncière que la gauche oublie trop souvent à force de s’être résignée à le subir dans l’espoir d’en être parfois bénéficiaire » (cf. l’article d’Edwy Plenel : http://www.mediapart.fr/journal/france/240412/alarme-citoyens, et mon dernier billet : http://blogs.mediapart.fr/blog/pascale-fautrier/110412/nicolas-sarkozy-dernier-nain-du-bonapartisme-la-dette-ou-la-democr).

François Hollande devrait davantage s’en souvenir, et à ceux qui ont adopté depuis le soir du Premier Tour un ton de haine et de guerre, il doit d’urgence opposer plus nettement l’autre guerre, la guerre vitale, la guerre politique et sociale, la seule qui puisse sauvegarder le nom, l’esprit, la vérité de la démocratie : la dénonciation sans relâche de l’égoïsme des privilégiés prêts à tous les mensonges éhontés (le soi-disant appel de Ramadan à voter Hollande) à toutes les compromissions et autres collaborations avec les populismes xénophobes. Leur opposer bien plus fermement, bien plus offensivement la défense radicale de la démocratie comme expression libre et confrontation ouverte des antagonismes sociaux.

Contre ceux qui, chacun le voit dans chaque débat télévisé ou meeting, ont cessé d’avoir aucune limite pour conserver leur pouvoir, le discours raisonnable de la gestion technique est inaudible.

Comment François Hollande peut-il s’enfermer dans un discours qui paraît technocratique à défaut de s’adresser à ceux qui gagnent moins de 1500 euros par mois, c’est-à-dire la moitié de la population ? Comment François Hollande ne peut-il pas  voir par exemple que la hausse qu’il propose des prélèvements sociaux à 0,1% pour financer les retraites doit être traduite en euros à hauteur de ce que cela signifie pour un smicard ?  Le discours  compassionnel pour la misère sociale ne suffit pas  : c’est le discours traditionnel de la droite.

Pourquoi hésiter à dire que oui, faire du Premier Mai une journée du « vrai » travail est un geste d’inspiration directement pétainiste : le maréchal Pétain en 1941, date de triste mémoire, a transformé en « fête du travail et de la concorde sociale» ce qui était une journée internationale de lutte pour les droits sociaux des salariés et de  commémoration des morts de Chicago et de Fourmies (cf. l’article de Laurent Mauduit : http://www.mediapart.fr/journal/france/240412/sur-le-1er-mai-lombre-de-petain) : à Chicago et à Fourmies (France, Nord), en 1886 et 1891 l’armée avait tiré sur des ouvriers et les avait assassinés pour la seule raison qu’ils manifestaient pour la journée de huit heures. Ce fut ensuite une date, particulièrement pendant la Résistance, où des actions de lutte étaient organisées : lutte pour la justice sociale et lutte pour la démocratie, un seul et même combat.

Ce n’est pas du bout des lèvres qu’il faut dénoncer l’opération politique bonapartiste autoritaire de Nicolas Sarkozy : les Français ne veulent pas de gens campés sur une attitude seulement défensive et qui se contentent sur les plateaux de télévision et autres médias d’encaisser les coups des Copé et Kosciusko-Morizet ou autres chiens de garde particulièrement agressifs du système maffieux Bettencourt-Maistre-Woerth-Sarkozy-Takieddine (on peut continuer la liste). On appréciera la grossièreté inconcevable de ces responsables politiques de droite qui traitent l’une des leurs de conne  (comme par hasard, c’est une femme que l’on insulte ainsi) parce qu’elle a proposé de faire barrage à l’extrême-droite. Un propos odieux entraînant l’autre dans une ignoble surenchère : c’est à présent l’innommable insulte à Valérie Trierweiler. Ces gens sont-ils des républicains ?

Il ne suffit pas de dénoncer la montée des populismes : le seul remède à la pathologie politique xénophobe que les privilégiés, écran de fumée de leur guerre de classe, encouragent par la voix de leur valet Sarkozy pour camoufler leur égoïsme meurtrier (meurtrier de la planète, meurtrier de la démocratie), est la lutte ouverte pour la justice sociale et le partage des richesses – la nationalisation des banques pour interdire aux marchés financiers de prêter de l’argent aux états à des prix prohibitifs comme on le voit ces jours-ci, alors même que nous avons renfloué leurs établissements bancaires avec nos impôts. Comme De Gaulle l’a fait en 45.

C’est la seule voie de sauvegarde des libertés démocratiques, il n’y en a pas d’autres, il n’y en a jamais eu d’autre. Lorsque le combat politique pour la justice sociale n’est pas mené, c’est la démocratie qui succombe. Même le président des Etats-Unis, Barack Obama, avec l’amendement Buffett, semble l’avoir compris.

Le 6 mai, voter contre Nicolas Sarkozy (et sa clique UMP qui n’a plus rien de gaulliste), c’est davantage que choisir un Président, c’est éviter une catastrophe politique : la porte ouverte à la fascisation de la société entamée depuis cinq ans au seul bénéfice des détenteurs de capitaux. C’est sauver la démocratie – une démocratie forcément sociale, celle du droit naturel à la liberté et à l’égalité.

Ceux qui s’imaginent que la victoire de François Hollande est d’ores et déjà assurée manifestent un aveuglement inquiétant et irresponsable. Le signe, un de plus, qu’ils sont incapables de mesurer les rapports de force idéologiques à l’intérieur de la société. Lorsque l’extrême-droite est à 18%, le rapport de forces n’est pas en faveur de la démocratie sociale. C’est se voiler la face que de s’imaginer que cette frange populaire victime de la crise qui a voté Le Pen le 22 avril est récupérable telle quelle par la gauche. Ce n’est pas vrai. Il eût fallu que le courage que Jean-Luc Mélenchon a montré dans sa campagne à cet égard soit relayé et décliné de toutes les façons possibles par l’ensemble des responsables de gauche. Le moins qu’on puisse dire est que cette pédagogie politique courageuse et nécessairement de longue haleine – parce qu’elle contrevient aux habitudes de compromis langue de bois de ceux qui veulent le pouvoir et rien que ça – n’a pas été suffisamment présente.

J’espère qu’il n’est pas trop tard pour remonter le courant. Il faudrait la victoire de Hollande, mais il faudra aussi une autre République, une vraie politique démocratique et sociale, une révolution citoyenne.

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