C'est à tout le moins une vraie erreur de tempo. Ce qui sera ressenti en tout cas par la communauté éducative comme un nouveau crachat lancé au visage de Samuel Paty - et à celui de tous les enseignants.
Trois jours après la commémoration de l'assassinat du professeur était lancée la première session de formation des « formateurs aux valeurs de la République » qui sillonneront les académies pour former tous les personnels de l'Education Nationale à ces valeurs. La décision en avait été prise en Juin dernier, trois mois après la remise du rapport Obin qui avait été missionné pour faire ce rapport le 1° Février 2021. S'il n'est pas question de remettre en cause les conclusions du rapport, on peut s'interroger sur cette phrase alors même que sur les 79 personnes auditionnées par celui-ci ne figurent que 3 directeurs d'école et 4 professeurs en poste devant élèves : "Nous avons interrogé les enseignants et les conseillers principaux d’éducation (CPE) rencontrés sur ce qu’ils attendaient de notre mission et au-delà de notre institution pour surmonter les difficultés actuelles de leur engagement professionnel. [...] un soutien didactique et pédagogique concret, disposer de supports d’enseignement adaptés pour mieux transmettre ces valeurs à leurs élèves ». C'est ce qui valide la proposition de faire une formation sur les valeurs de la République dont on ignore si elle faisait effectivement partie des demandes des 7 enseignants en poste auditionnés représentant les 850 000 enseignants de France. En revanche, on notera que la 3° demande entendue, celle d'une « solidarité effective, recevoir de leur hiérarchie un soutien net et clair pour les aider à affronter et à traiter les comportements les plus problématiques de certains élèves ou de leurs parents » n'a pas reçu de réponse manifeste...
Car encore une fois le Ministère se défausse du vrai problème que constitue la mise en cause de la laïcité par des adultes extérieurs aux établissements pouvant conduire jusqu'au meurtre d'un professeur en reportant la faute de façon apparente sur les enseignants. Ils peuvent être formés à la défense des valeurs de la République, pas aux valeurs de la République, à moins de supposer qu'ils les méconnaissent dans leur majorité. Et l'accusation subliminale portée hier par Jean-Michel Blanquer contre les enseignants quand il a dit : « Si vous devenez professeur, vous transmettez les valeurs de la République. Et si vous ne les transmettez pas et si même vous militez contre les valeurs de la République, éventuellement sortez de ce métier » ne peut être que vécu comme un affront collectif et ne peut que creuser le fossé toujours grandissant entre le Ministre et les agents de son Ministère.

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Samuel Paty, mieux formé, aurait-il pu échapper à son sort? Chronique d'un abandon.
Car quoi ? Samuel Paty n'est pas mort de la méconnaissance des valeurs de la République et du principe de laïcité.
En revanche, on peut s'interroger sur une hiérarchie de l'Education Nationale bien prompte:
- à accueillir l'accompagnant d'un parent sans même avoir d'abord vérifié les dires de l'incriminant (i-e le père de la menteuse qui n'a pas participé au cours), accompagnant qui se présente comme représentant des imams de France et qui aurait donc dû ipso facto être raccompagné à l'extérieur du collège de Samuel Paty, en vertu, précisément, du principe de laïcité.
- à demander à Samuel Paty de s'excuser, à organiser une réunion avec justement un référent laïcité chargé de lui rappeler les tenants et les aboutissants de ce concept tout en ne prenant aucune mesure de protection du professeur alors même que les informations remontaient sur le relais des vidéos sur les réseaux sociaux ( et ce sans qu'aucune intervention n'ait eu lieu pour contrecarre la viralité de la chose).
-d'avoir choisi de ménager les violents demandant la mise à pied de Samuel Paty, tablant sur un "pas de vagues" ou une vague finissant par mourir sur le sable des vacances.
Vendredi 16 Octobre 2020, 17H, c'était les vacances : le meurtrier était là après les 10 jours de calvaire de Samuel, un sabre à la main.
Tous les enseignants savent cela ou écouteront avec bénéfice David di Nota. Comme ils savent qu'il leur a été interdit de se rassembler en tant que communauté meurtrie le jour de la rentrée des vacances ( vacances qui furent plus que troublées pour beaucoup d'entre eux), pour parler entre eux et préparer collectivement leur intervention devant les enfants et les jeunes.
La laïcité, ils l'ont bue au petit lait de Voltaire pour ceux qui ont eu le bonheur d'une éducation qui ne bradait pas la culture. Elle est inscrite dans la longue tradition dont ils ont suivi le développement pendant leurs cours d'Histoire, de Littérature, de Philosophie au fil de leurs années-lycée. Cette formation sera donc un crachat supplémentaire de leur hiérarchie sur eux, professionnels. Samuel n'est pas mort de la méconnaissance de la laïcité. Il est mort du délaissement de leur institution - et de la faillite du politique qui se refuse à prendre la mesure de ce qu'est l'islamisme, de ses réseaux et de l'ébranlement de la société qu'il cherche.
Une formation à la laïcité n'est pas un hommage à Samuel Paty comme a pu s'en féliciter l'un des formateurs des futurs formateurs. C'est une mise en cause sous-jacente de ses choix pédagogiques, une façon de laisser entendre qu'il pourrait avoir quelque part à ce qui lui est arrivé.
Et les choeurs entendus sur toutes les antennes depuis quelques jours n'y changeront rien : cette formation révulse nombre d'enseignants. Ainsi, eux, étant formés, la menteuse, son père, sa mère, le prétendu imam fiché S, cette femme en lien avec le meurtrier et qui a échangé moult messages avec la famille d'un des membres des terroristes du Bataclan, tous ceux, tous ceux qui ont concouru à la mort de Samuel, bref tous ceux-là n'auraient pas participé à l'hallali qu'il y a eue contre le professeur? La jupe de la femme violée était trop courte, il faut lui expliquer les bonnes manières vestimentaires?.................
Les enseignants iront, contraints, à cette formation. Les dents serrées. En se récitant toute la longue liste des noms de ceux qui ont abandonné Samuel.
NOTA : Le document cadrant pour les membres de l'Education Nationale l'appel reçu une semaine avant à commémorer la mort de Samuel Paty stipulait, comme une demande à ne pas trop fouiller les circonstances de la mort du professeur et les manquements possibles de l'administration qui devait protection à son agent : "Ce moment est ouvert à l’ensemble des professeurs qui, selon leur discipline ou leur formation, le mèneront selon différentes modalités avec leurs élèves. L’heure n’a pas vocation à être un retour sur ce qui s’est passé il y a un an, ni une évocation de Samuel Paty ou de sa mémoire, mais doit porter sur les questions que pose cet assassinat sur le rôle et la place du professeur, ce qui donne du sens à ce moment et qui peut être abordé dans le temps court d’une heure".