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Billet de blog 30 mai 2013

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Quand la conseillère du commerce extérieur de la France prédit elle-même le désastre à venir du Pacte Transatlantique...

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il faut le lire pour le croire ! Et le lire en entier....Claude Revel, Conseillère du commerce extérieur de la France, a remis en Janvier 2013 un rapport   à notre ministre du Commerce extérieur Nicole Bricq: "Développer une influence normative internationale stratégique pour la France"pour proposer un positionnement de la France dans la négociation du traité de libre-échange UE/UE- http://proxy-pubminefi.diffusion.finances.gouv.fr/pub/doc...

Une partie est consacrée au pacte transatlantique: page 72 et sequenda (Extrait rapport Claude Level-Pacte transatlantique.odt ou Extrait rapport Claude Level-Pacte transatlantique.pdf)

Quelques élements ci-dessous pour se mettre en appétit : tout est déjà dit ! Risques majeurs pour l'automobile française, élevage sacrifié....Impréparation des européens, si on lit le texte en entier ( ah, cet appel à envoyer des anglophones à Bruxelles, à assurer une présence plus active des français....un grand moment !), visée hégémonique des normes made in USA pour l'ensemble du monde. On ne pourra pas dire que l'on n'était pas prévenus! Il suffit de lire!

Les Parlementaires européens seuls à même de faire barrage à ce projet l'ont-ils lu avant de donner leur accord pour un mandat de négociation ? Il faut croire que non !

[...]

Un rapport de forces favorable aux États-Unis

Les avantages sont indéniables pour beaucoup d’entreprises et les avantages commerciaux de cet accord devront être saisis. Il appartient  cependant à l’État français et à l’UE de bien regarder l’ensemble. Comme avec le Canada, il faudra être très vigilant sur les biais possibles, entre autres dus au système fédéral, aux aides des États-Unis à leurs PME (Small Business Act and Small Business Administration), au fait que leurs administrations du commerce extérieur et leurs entreprises sont beaucoup plus proches les unes des autres que chez nous (en France en tout cas), que donc la norme privée peut aussi représenter les intérêts nationaux, que par rapport à une ouverture à 90 % des marchés publics de l'UE dans le cadre de l’accord plurilatéral sur les marchés publics seulement 32 % le sont aux États-Unis, qu’au total 17 % des marchés publics européens ont été ouverts à la concurrence contre 3 % aux États-Unis et qu’aucun État américain n’applique complètement l’accord marchés publics (13 pas du tout et 37 avec des restrictions)… et surtout, il faudra être conscient que la grande cible sera le secteur agricole et peut-être aussi agroalimentaire. D’autant que pour l’UE, le secteur agricole risque de devenir la variable d’ajustement au compromis.

Les États-Unis ont préparé cet ALE depuis plusieurs années. L’accord fait partie de stratégies économiques et géoéconomiques visant entre autres à préparer le face à face avec la Chine dans les meilleures conditions. C’est ainsi qu’il est complété par le Transpacific Partnership (PPP) qui n’est pas aussi approfondi mais lie tout de même de très nombreux pays de l’Asie Pacifique. Les États-Unis arrivent avec un degré de préparation et d’avance incontestable sur les Européens. De sources multiples et concordantes, la stratégie d’investissement par les États-Unis des organisations multilatérales normatives depuis des années est liée à une minutieuse préparation de l’accord UE-US de libre-échange. Ils gagnent peu à peu du terrain sur les principes normatifs pour être en position de force, pouvoir négocier plus facilement et en demander plus.

 Cela est particulièrement impressionnant en matière agricole. Ils ont préparé l’accord en faisant peu à peu lever toutes les barrières : embargo sur leurs bovins, ractopamine, décontamination de viande. Il y a un agenda américain en matière agricole et il est mondial. Il a été annoncé par la Banque mondiale à l’issue du G20 agricole de juin 2011(voir ci-dessus, n° 37). L’UE est par ailleurs en opposition à eux sur les principes : notre système est préventif, le leur est curatif, ils ne reconnaissant pas les préférences collectives mais seulement la preuve scientifique, etc. Le risque agricole est réel puisque les États-Unis n’ont plus rien à céder alors que l’Union arrive avec beaucoup de plans à préserver et donc des compromis à faire. Différence aussi dans les négociations de services où nous voyons le système de la liste négative de services dans l’ALENA contre celui d’une liste positive au GATS (n’est ouvert que ce qui a été listé).

On sait enfin que la préparation américaine des accords de commerce international est méthodique et professionnelle. Les Américains à juste titre mettent un poids étonnant de conviction et font depuis plusieurs années un lobbying d’idées à Bruxelles qui s’est renforcé récemment. La vérité est qu’ils gagnent peu à peu d'autres Européens à leurs thèses et que nous, Français, courons de grands risques d’isolement. 

La hâte à conclure des Américains est partagée par les entreprises européennes, dont les françaises, qui font pression sur les gouvernements en ce sens, et par la Commission européenne. Or la situation UE est très asymétrique, c’est celle du faible au fort. Face à cette préparation en ordre de bataille, la Commission apparaît singulièrement fragile, partagée entre États membres défendant le libre-échange comme principe et comme méthode dits « like minded » (Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède, Finlande, Danemark, Irlande Allemagne sans doute) et ceux cherchant à préserver (et promouvoir) un modèle plus équilibré, dits « open minded » (Italie, Espagne, Hongrie, Pologne, Portugal, Slovénie et France). Au niveau agricole, la DG agricole est peu armée face à la force de frappe américaine.

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