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Physique théorique (matière condensée) de 1962 à 2009 (Directeur de recherche au CNRS); Mastère en philo des sciences

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Billet de blog 7 décembre 2018

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Sur les gilets jaunes: le 30/11 et le 7/12: un autre monde

Cet article, qui s'interroge sur la dynamique des gilets jaunes et sur la politique du pouvoir à la veille du 8 décembre, reproduit un document archéologique: un article sur les gilets jaunes écrit dans un passé lointain: le 30 novembre 2018...

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Une découverte archéologique !

Le texte reproduit en fin d'article a été envoyé vendredi dernier le 30/11 à l'Huma, il a maintenant l'air d'un vestige archéologique.

Le temps et les luttes sociales se sont accélérés. Il y a eu la journée du 1er décembre, avec ensuite, en boucle sur toutes les télés, les images de violences à Paris...et le soutien inchangé de l'opinion publique, à un haut niveau. Pour la première fois depuis Sarkozy, le pouvoir a dû reculer en annulant les hausses de taxes prévues du 1er janvier sur les carburants, les hausses de prix du gaz et de l'électricité. Trop peu, trop tard disent beaucoup...

Mais les images de violence continuent leur ronde à la télé et dans les consciences. Sur facebook, on lit des messages de gilets jaunes demandant la fin des violences, la lutte pacifique ; on en voit d'autres qui disent que « les manifestations pacifiques n'ont rien donné, la violence a payé ». Certains appellent à l'insurrection, d'autres appellent à ne pas tomber dans ce piège demandent qu'on en reste à ce qui fait la force des gilets jaunes : les revendications de hausse du SMIC de 200€, le rétablissement de l'ISF, les hausses de salaires et des pensions. L'appel à la violence divise, l'ancrage sur les revendications unit. On en voit même qui parlent des 40 milliards du CICE en 2019 donné aux entreprises sans contrepartie, on pourrait piocher dedans pour les augmentations de salaire. La lutte a fait mûrir les consciences, même si le mantra de l'apolitisme et de l'antisyndicalisme n'a pas encore sauté. La convergence des revendications sociales avec celles que soutiennent le PCF, la CGT, Sud et la FSU est pourtant éclatante. La droite et le RN demandent la fin des taxes et la baisse des impôts, surtout pas d'augmentation de salaires et pas de services publics... Les députés de LaREM perroquettent les éléments de langage...

Sur BFM, on exhibe un « gilet jaune » porte parole d'on ne sait qui; il exhorte à aller manifester à l'Elysée...Macron parle de défendre la République; le premier ministre assure que « les institutions de la République sont solides » et qu'on va utiliser des blindés de la gendarmerie demain 8/12 à Paris...Des diversions font leur apparition sur les réseaux sociaux : il faudrait tout lâcher pour s'attaquer au pacte de Marrakech, des millions de migrants vont déferler...La patte du RN et de Dupont-Aignan est à peine dissimulée...

Les enjeux de la journée de demain (samedi 8) sont immenses : le piège macronien de la violence, la manipulation des casseurs et des consciences va-t-elle faire couler le sang ? L'appel à se réfugier dans les bras de l'ordre va-t-il réussir ? Le mouvement populaire va-t-il imposer la force tranquille du nombre, ou se briser sur les chausse-trappes du pouvoir ? L'histoire hésite...

Ci dessous une curiosité archéologique (texte du 30/11/2018)

Quel potentiel progressiste des gilets jaunes ?

On lit des appréciations diverses sur le mouvement des gilets jaunes.

A gauche, mais aussi dans les télés d'information, on met parfois en relief des aspects préoccupants : l'affaire des migrants livrés à la police, la femme voilée obligée de retirer son voile, les injures racistes, des violences, etc.. Certains en concluent que « les gilets jaunes se sont déshonorés ».Il faudrait les combattre.

Ce serait justifié si le mouvement répondait à un mot d'ordre d'une organisation « Gilets Jaunes » identifiable, qui n'existe pas. Il y a chez les gilets jaunes de la confusion, une grande hétérogénéité idéologique : certains reprennent des slogans du RN (« On est chez nous »), des thèmes de droite sur le racket fiscal, certains manifestent des illusions énormes sur le pouvoir (« il faut que Macron nous entende et fasse quelque chose pour nous »), d'autres mettent en cause « les taxes qui pèsent sur les pauvres ». La méfiance envers « les syndicats » ou « les partis politiques » semble générale. Certains se moquent de l'écologie, d'autres non. Tous refusent l'alibi écologique du pouvoir. Pourtant, on voit les revendications évoluer : la question du pouvoir d'achat devient centrale, même si, à ce jour, la revendication de hausse des salaires et des pensions cède encore à celle de mise en cause des taxes. En témoigne la tribune d'un « gilet jaune » dans l'Huma du 28/11.

A côté de l'hétérogénéité idéologique, ce qui semble essentiel c'est sa composition sociale. A l'hétérogénéité idéologique des participants, s'ajoute une relative homogénéité/hétérogénéité sociale: il y a des salariés au Smic, des jeunes en contrats précaires, des chômeurs, des retraités, des paysans pauvres, des petits patrons, des artisans. Ce qui les met en mouvement, c'est leur difficulté matérielle de vivre, jointe à l"incapacité, pour beaucoup, (mais pas tous) d'en déterminer clairement les causes. L'homogénéité est celle de couches sociales qui n'arrivent plus à vivre de leur activité, quand ils en ont: ce sont des couches populaires, dont la protestation vise la vie chère.

Le RN, Debout la France et la droite tentent de s'implanter dans le mouvement, de s'y renforcer. Macron, lui, tente d'exploiter leur faiblesse organisationnelle et idéologique. Il est d'autant plus urgent que les communistes s'y impliquent, et tentent, sans aucune récupération politique, de peser pour une évolution progressiste des consciences et des objectifs. Les revendications des gilets jaunes rejoignent plus ou moins directement les aspirations des millions de salariés et de retraités. Elle s'opposent frontalement aux seigneurs de la finance et leur représentant jupitérien. D'où la sympathie dont ils bénéficient dans le pays.

Comment agir ? S'emparer de la pétition sur le pouvoir d'achat, faire remplir des « cahiers de la colère », comme à Dieppe, prendre toutes les initiatives utiles, locales ou nationales. De ce mouvement encore incertain, peut naître une force puissante pour que l'économie soit mise au service de l'humain et de la vie sur terre.

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