Les causes de l'affaiblissement du PCF
La question des causes de notre affaiblissement apparaît dès la 3ème ligne du Préambule de la base commune. A juste titre la base commune lui attribue une place « au cœur des préoccupations des communistes... ». Plus loin, il est question « d'effacement ».
Les réponses proposées à cette question sont diverses : « une pratique du coup par coup dans une stratégie illisible, un manque d'ambition et d'incarnation »(page 4, lignes 22 et 23)
La solution est apporté dès la ligne 48, sous forme de question : « un changement profond de la direction nationale est-il nécessaire ? » Finalement « Cet affaiblissement ...a pour cause des choix politiques initiés par nos principaux dirigeants et obstinément poursuivis malgré les alertes et les échecs » (page7, ligne 1).
Nombre de partis communistes dans le monde ont subi un affaiblissement, ou ont disparu au cours des quarante dernières années. Ont-ils tous souffert des choix stratégiques de « nos dirigeants » ?
Ne risquons nous pas, à adopter la thèse de la base commune, de négliger quelques facteurs dont la base commune ne dit mot, ou presque. La liste suivante est incomplète, et il faudrait en démêler les plus importants.
**Si Jacques Duclos obtient 21% des voix à l'élection présidentielle de 1969, sur la base d'une proposition de « Programme Commun de la Gauche », alors refusée par le parti socialiste (SFIO), on sait que le PCF soutenait la candidature de Mitterand en 1965 et 1974, et que Georges Marchais obtenait 15% à l'élection présidentielle de 1981, puis (le PCF) 9,9% en 1997. Le résultat du PCF a diminué à chaque élection présidentielle, jusqu'à s'accompagner de défaites législatives cuisantes après l'inversion du calendrier électoral par Jospin en 1998. Comment ne pas s'intéresser au mécanisme efficace de l'élection présidentielle pour affaiblir le PCF ? Le PCF s'est vu imposer cette élection par de Gaulle en 1960. L'inversion du calendrier électoral porte une personnalisation exacerbée du pouvoir. Proposer une candidature PCF à cette élection, qui confère à l'élu un pouvoir exorbitant contredit frontalement notre visée d'une conquête démocratique du pouvoir d'Etat en alliance avec toutes les forces progressistes, à égalité de droits et de devoirs.
**Depuis cinquante ans, les grandes industries où se trouvaient les concentrations ouvrières avec une forte influence du PCF ont disparu : les Houillières, la plupart des industries sidérurgiques, métallurgiques, le textile, etc.. De 1970 à 2014 la part de l'industrie manufacturière dans le PIB a diminué de moitié, passant à 11%.
**La mondialisation, et la construction de l'Europe libérale depuis Mastricht organisent, avec la fragmentation de la production, l'émiettement et la désorganisation des structures syndicales et partisanes de contestation du capital, par la restructuration-déstructuration de la production à l'échelle mondiale (délocalisations, etc.).
**Si la base commune de discussion mentionne (page 8) que « ...le racisme et la xénophobie … sont utilisés pour organiser la lutte de tous contre tous, à partir des replis communautaires,, etc... », comment ne pas attribuer à ce facteur une des causes de l'affaiblissement du PCF ?
**Dès les années 70, la force propulsive idéologique de l'URSS, pour diverses raisons internes et externes, commence à s' épuiser ; l'image du « socialisme réel » se dégrade dans l'opinion, à la fois pour des raisons réelles (la révélation, par le PCUS lui même des crimes de Staline , la guerre idéologique entre l'URSS et la Chine de Mao) , et à cause de l'intense propagande réactionnaire qui exploite des faits réels.
**En 1989 le mur de Berlin est détruit, puis l'URSS disparaît dans l'indifférence de ses peuples; cette disparition porte un coup terrible à l'espoir des peuples du monde en un avenir de libération sociale. Dans le monde de nombreux partis communistes scissionnent ou se sabordent. Fukuyama proclame la fin de l'histoire.
**A part l'Humanité et La Croix, tous les quotidiens, et la quasi totalité des hebdos et des magazines sont aux mains de 5 ou 6 grands groupes privés, qui recrutent des journalistes pour leur accord avec l'idéologie dominante. La télé publique libéralisée ne recrute aucun journaliste d'opinion communiste, le consensus entre droite et social-démocratie y règne. Une guerre idéologique intense se déchaîne, menée par les media.
**Entre 1970 et 1994, le nombre de salariés syndiqués passe de 4 millions à 2 millions ; le pourcentage de salariés syndiqués (30% en 1949) semble osciller autour de 11% depuis 1994, avec de fortes disparités : le taux de syndicalisation parmi les salariés en intérim est de 1%, de 2% pour les CDD, de 20% dans la fonction publique, (24% dans les DOM).
**Depuis 30 ans, aucun mouvement revendicatif, quelle que soit sa puissance, n'a fait reculer significativement les entreprises de démantèlement des acquis sociaux. La seule conquête notable est la loi sur les 35 heures sous Jospin et la gauche plurielle. Le système de la 5ème République, mis sur pied pour cela, permet à la classe dirigeante de continuer à gouverner malgré une opinion largement hostile, mais avec des couches sociales dominées divisées, dans l'incapacité de s'unir, face à la guerre idéologique constante menée par le capital. Une victoire notable, celle du référendum de 2005, mais dont le contenu positif de mise en cause de la couche dirigeante était ambigü.
**La crise des subprimes en 2007/2008 a certainement ébranlé la confiance de tout un secteur de l'opinion dans le libéralisme, comme le note la base commune de discussion (page7). Mais l'accroissement du chômage, de la précarité, de la pauvreté la parcellisation d'un grand nombre d'entreprises, fragilisent tous les salariés, les freinant dans leurs luttes, avec le phénomène des grèves déléguées aux salariés mieux protégés du secteur public.
**Une partie minoritaire du PCF a le mérite de comprendre que la question du réchauffement climatique, de l'environnement, pose comme indissociables la lutte écologique et la lutte sociale pour dépasser le capitalisme. Mais quel est l'affaiblissement de notre parti dû au retard dans la prise en compte de cette question depuis quarante ans ou plus ? Combien payerons nous les erreurs des tenants d'un marxisme d'avant garde qui déclaraient que cette lutte nous éloignait de la lutte de classe ?
**Quelles conséquences ont eues pour notre affaiblissement le retard du PCF à considérer que la lutte contre le patriarcat, et les luttes féministes devraient être elles aussi indissociables de la lutte contre le capital ?
**De quel affaiblissement avons nous payé le retard à considérer les droits des minorités sexuelles comme partie intégrante des droits à conquérir pour toute personne humaine, pour toute l'humanité ?
**Quel retard allons nous prendre avant de mettre en œuvre une stratégie qui prenne au mot la phrase que nous citons sans cesse : « L'émancipation des travailleurs sera l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes » ? Quand prendrons nous à bras le corps une stratégie qui rende nos compatriotes acteurs et décideurs du mouvement social et de l'écologie ?
L'énumération de ces différents facteurs est sûrement incomplète, et sujette à discussions. Mais quel avenir peut avoir un parti qui croit remédier à son affaiblissement en les ignorant pour l'essentiel, au profit d'une mise en cause unilatérale des majorités précédente depuis 50 ans?