Pascal Lederer (physicien) et Olivier Gebuhrer (mathématicien)
La Recherche Scientifique en France, dans l’UE et dans le monde capitaliste, est mal menée et donc malmenée.
La crise systémique dans laquelle l’humanité se débat surplombe cette situation, ressentie à des degrés divers d’une part par la collectivité scientifique et par la société dans son ensemble. Le développement de contradictions qui ne trouvent pas les voies de leur dépassement, constitue un élément actif de la crise qui atteint la recherche scientifique, en même temps que celle-ci contribue à l’alimenter.
Cette situation n’en est qu’à ses débuts. On peut – c’est indispensable – exiger budgets et recrutements, mais c’est court. Un retour à « la tour d’ivoire », laquelle n’a jamais existé d’ailleurs, est une illusion.
A quels choix politiques faisons-nous face ?
Pour les forces du capital, il s’agit d’une part de tordre le processus même de la découverte scientifique et d'asservir l’ensemble du potentiel universitaire et de recherche scientifique à l'« innovation », c’est-à-dire aux mécanismes profonds de la production matérielle et de la financiarisation, laquelle joue aujourd’hui un rôle déterminant dans le développement même de la crise systémique. En témoignent sans s’y réduire les sommes du Crédit Impôt Recherche ( 6 Milliards € /an , soit le double du budget du CNRS ) servant de régulateur étatique à la baisse tendancielle du taux de profit d’abord pour les géants du CAC 40, d’autre part la politique de développement des start up, entreprises accolées au potentiel universitaire public méritant une étude en soi.
Les dégâts de cette politique, institutionnalisée par M. Sarkozy et Mme Pécresse, sont à corréler avec la désindustrialisation, le gonflement spectaculaire des Ecoles de commerce, la chute de la France dans le rapport aux activités scientifiques et la réduction drastique de voilure et d'ambitions, sans parler de la démotivation des équipes, du développement sans précédent de la précarité, de la misère étudiante, pour ne citer que les faits les plus saillants. S'y ajoute un culte de la concurrence la plus effrénée entre les équipes, les personnels pour des financements toujours plus chiches et de courte durée, écho du dogme de la « concurrence libre et non faussée ».
La nécessité d’un changement de paradigme à l’échelle de la société passe aussi par quelques axes novateurs dans le domaine du potentiel scientifique et universitaire.
La torsion infligée à la création scientifique exige d'abord le rétablissement des moyens de l’ « indépendance intellectuelle » des chercheurs et universitaires du secteur de la recherche fondamentale. Ce qui qui implique de profonds changements au niveau des missions et de la composition des instances scientifiques avec des droits nouveaux de saisine et d’intervention pour les travailleurs scientifiques. Sortir de l’asservissement suppose, pour le bien commun, d’établir des mécanismes nouveaux d'incitation à des coopérations volontaires mutuellement avantageuses entre les entreprises et le potentiel scientifique et universitaire. Avec la création de pôles publics (finance, médicament, énergie, aménagement du territoire, etc.) il y a là quelques pistes non exhaustives de tournant audacieux pour répondre à des défis mondiaux à composante française.