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Billet de blog 9 octobre 2010

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Mise en bouche: deux poèmes de Bernard Manciet

En avant-goût d'une présentation plus complète de leur auteur, voici deux poèmes de Bernard Manciet (1923-2005).

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En avant-goût d'une présentation plus complète de leur auteur, voici deux poèmes de Bernard Manciet (1923-2005). Ils sont extraits du manuscrit La Tentation de saint Antoine composé selon Jean-Pierre Tardif dans les années 1960, à un moment où le poète se trouve confronté à un «dilemme linguistique». S'il poursuit ensuite son œuvre en gascon, c'est en effet en français que Bernard Manciet compose la Tentation, faisant valoir, non sans ironie comme le souligne Jean-Pierre Tardif: ce poème en français est «le plus beau de mes poèmes gascons».

Nous reviendrons d'ici quelques jours plus spécifiquement sur la toute récente édition bilingue dans la collection «Poésie» de Gallimard du poème L'Enterrement à Sabres, écrit en gascon et traduit en français par l'auteur même.

Nos remerciements à Jean-Pierre Tardif, à Madame Manciet et à la revue Europe qui a consacré un important dossier à Bernard Manciet dans son numéro de mars 2010 de nous avoir autorisé à reproduire ces deux poèmes.

des récoltes de blés noirs fanatiques se dressent

des cris de portes aigres pincés d'outils

je t'aime, la dislocation des trains je t'aime la haute voûte je t'aime

le crépitement des pavés je t'aime des pavés d'orages l'ampleur

je t'aime des vallées noires et grosses je t'aime à déborder

grosses à déborder à bondir je t'aime des cris de porte de vinaigre

je t'aime je te parcours je te lacère d'orage je te roule je t'aime

t'aime t'aime les dunes enflent ensemble se poussent t'aime

t'aime t'aime l'éparpillement du vent, des dunes, des astres

les secousses de lunaison de coups à la porte de coups sourds tu

y vas comme un sourd t'aime t'aime te déborde qu'est-ce qui

tremble qu'est-ce qui arrive par les autobus qu'est-ce qui gronde [qu'est-ce

qui soulève que sont tous ces horizons à la fois vers nous [accourus

tem tem tous ces bulldozers noirs tem tem et tem

c'est toi qu'est-ce que tu fais là doucereux limonade

vinaigre de portes de portes de vinaigres d'outils de

silence de long silence de longue paix de grande ville déserte

dis qu'est-ce que tu fais là je t'aime eh bien

il pleut nous y voilà nous voilà beaux je t'aime

eh ben

(4e histoire)

Et l'aube dit à l'aube : ne crois pas perdue ta lumière

j'ai d'autres étoiles j'ai d'autres feux j'ai d'autres mondes

d'autres printemps te recouvriront de matin et de fleurs

et mes lieux sont plus beaux que leurs fleurs

et l'aube charme jusqu'à ces derniers jours pleins d'aube :

le frémissement du ruisseau ses cascades ses éclats

sont le vêtement de sa profondeur sont l'âme et la caresse

de son ombre croulez pommiers blancs et insectes de soleil

sur l'abîme du cœur lorsqu'il s'ouvre croulez

mes aubes et faites s'ouvrir l'aube qui naît des profondeurs

mes arbres beaux comme des épouses embrassez

l'aube de l'éternité je suis noire et belle aube pour elle

Et les derniers temps baissèrent les yeux et les aubes

dirent à l'aube : multiplie-toi par mes blancheurs

réunissons-nous pour l'un parfait reprends relève

dans ton seul soleil notre accablement de branches et de fleurs

(11e histoire)