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Billet de blog 11 janvier 2015

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V. comme...

Chère V., samedi en début d’après-midi, au moment de me joindre à la marche « silencieuse » d’une ville de province, je te voyais en pensée cheminer sans te retourner par ces sentiers en lisière des bois ou à travers champs que tu affectionnes tant.

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Chère V., samedi en début d’après-midi, au moment de me joindre à la marche « silencieuse » d’une ville de province, je te voyais en pensée cheminer sans te retourner par ces sentiers en lisière des bois ou à travers champs que tu affectionnes tant.

Ces derniers jours ont été éprouvants, tu le sais, comme est éprouvant tout ce qui nous met hors de nous. Après tout ce fracas d’une atterrante actualité toute tendue par l’imminence, marcher dans une foule quasi silencieuse n’a certes eu rien de particulièrement réconfortant. À aucun moment, il ne m’est venu le besoin de parler à quiconque dans cette foule qui avançait d’un pas assuré sous la pluie. Comme s’il ne s’était agi que d’être là, sans autre forme de commentaire. Comme si ce silence même mettait au jour, à rebours de notre passage, un lien, un lien premier, mal dégrossi.

Hier soir, dans ces « réseaux sociaux » que tu ne fréquentes jamais, j’ai trouvé ces mots qui pourraient t’intéresser du poète Philippe Blanchon sur les manifestations de samedi et de dimanche :
« Quand je vois les polémiques se profiler (les 'je ne suis pas Charlie' de tous bords) et les "scoops" (le journal Le Point en tête) reprenant des propos antérieurs des uns et des autres, etc., je comprends enfin pourquoi on a dit un jour : "Le diable se cache dans les détails" (expression due à Nietzsche). Car, je croyais qu'il suffisait, un instant, même un court instant, comme une respiration, de faire preuve simplement d'esprit républicain, stricto sensu, de faire taire ego et goût du frisson à moindre coût donc, autrement que pour manifester et réitérer cet esprit.
Quant à la présence demain de "certains", le mieux n'est-il pas de s'en consoler devant les anonymes majoritaires animés par la simple bienveillance et un sens politique premier qui rendra "invisibles" ces "certains". »

En cette année qui commence par une sensation de fin, je me suis aussi souvenu de cette phrase dans le Journal du métèque (1940-42) de Jean Malaquais, si dissonante dans son contexte, et d’autant plus forte : « Ma table contre la fenêtre, par où l’arbre regarde. » C’est qu’il est toujours plus que temps de reprendre les chemins des partages du sensible, scribes que nous sommes, chère V., et de veiller à ce que la forêt des signes ne cache à aucun moment l’arbre qui croît dans notre maison de vie.