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Billet de blog 3 juin 2016

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La loi El Khomri est-elle le prémice de la disparition de l’État de Droit ?

Non seulement la loi travail attaque le droit des salariés, notamment des plus précaires, elle s’attaque également à l’esprit des lois en démocratie (état de droit) et ouvre la voie au non-droit.

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Comme le dit en substance Mr Vals : « Des aménagements sont possibles, mais il est hors de question de modifier la philosophie de la loi ». Justement tout est là, c’est la philosophie même de cette loi, à mille lieues de celle de la majorité des électeurs de François Hollande, et notamment son titre II, qui est insupportable.

Quels sont en effet les objectifs d’une loi dans un état de droit ? C’est d’abord de protéger les individus les plus faibles d’une société des excès que les plus forts pourraient être tentés d’exercer à leur égard, donc d’empêcher, ou tout du mois de limiter que la loi du plus fort ne s’instaure. C’est ensuite que la loi soit la même et appliquée de la même façon pour tout le monde (égalité en droits définie dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme) toujours pour éviter qu’une oligarchie ou une classe sociale ne se sente pas concernée par le respect de la loi.

Or, que dit la loi El Khomri ? Non seulement elle protège de façon unilatérale les plus forts en abaissant les limites inférieures que s’était imposée la société pour protéger les plus faibles, mais encore elle dit que la loi n’est plus la même pour tout le monde, puisque, poussée à son extrême il pourrait y avoir une loi par entreprise. Ce n’est plus le droit qui fixe les limites mais les rapports de force locaux, forts variables d’une entreprise à l’autre, mais rarement favorables aux salariés.

Il s’agit d’un formidable recul sociétal et le retour vers une société tribale, où chaque petit chef local peut imposer sa loi, même s'il fait semblant de la négocier. C'est lui en effet qui détient les ficelles du pouvoir local et surtout qui peut instrumentaliser le chantage au licenciement qui n'aura plus besoin d'être justifié. Dire que c’est un progrès car il promulgue le dialogue social au niveau de base et donc la démocratie revient, pour le berger, à supprimer les chiens de garde pour permettre aux moutons de plus et mieux dialoguer avec les loups.

Au-delà du code de travail, c’est l’ensemble de la société qui est menacée. Pourquoi demain, au nom des mêmes principes, la loi ne serait pas négociée au niveau de chaque ville et village, sous prétexte que les problèmes auxquels doivent faire face les municipalités sont différents et que les citoyens sont protégés par le fait qu’ils peuvent s’organiser en associations et partis politiques ?

Enfin il y a un déni de justice. Car si une entreprise ne respecte pas la loi, elle peut être (au moins en théorie) poursuivie, voire condamnée, ce qui, en soi limite la tentation de l’excès. Demain avec le nouveau code du travail, qui pourra condamner une entreprise ayant violé un accord local ?

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