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Billet de blog 8 avril 2022

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POURQUOI IL EST URGENT (S’IL N’EST PAS TROP TARD) DE DEPOUTINISER LA PLANETE

Rien de très nouveau entre Attila et Poutine. La nouveauté est que ce dernier dispose de l'arme nucléaire. Pour éviter un désastre planétaire n'acceptons plus d'élire un souverain avec des super pouvoirs. Le pouvoir absolu n'est plus compatible avec notre niveau de technologie. Changeons donc les constitutions. Et votons pour les candidats qui proposent de réunir une assemblée constituante!

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Depuis que le monde existe, des tyrans sont apparus. Ivres de pouvoir, ils ont réduit par la ruse et/ou la terreur toute résistance et toute opposition à leur projet personnel. Et une fois toute résistance abattue dans leur pays, leur mégalomanie les a lancés à la conquête d’autres pays pour élargir leur zone d’influence et agrandir encore leur pouvoir en répandant le sang et le feu au mépris de la moindre humanité, et sous des prétextes fallacieux.

Rien de très nouveau finalement entre César ou Attila et Poutine. Une longue liste de monstres récurrents qui ont dévasté le monde et ses habitants. Enfin, plus exactement, rien de nouveau jusqu’à Hitler et Staline, car ces deux derniers ne disposaient pas de l’arme nucléaire (qu’ils auraient sans doute utilisée sans hésitation). Avec Poutine, on se trouve en présence d’un tyran ayant la capacité d’entraîner l’extinction de l’humanité, voire de la vie sur terre. Et si les puissances nucléaires requièrent plusieurs décideurs pour appuyer sur le bouton fatal, il est à craindre que, dans la Russie d’aujourd’hui, le ou les responsables de confirmer l’ordre craignent plus de s’opposer à Poutine que de déclencher l’apocalypse. Dès lors la décision d’utiliser l’arme nucléaire repose possiblement dans les mains d’une seule personne, que pourtant des infirmiers psychiatriques hésiteraient à laisser aller seule aux toilettes, de par l’irresponsabilité et l’imprévisibilité de ses décisions récentes et l’incohérence de ses propos.

Supposons (ou plutôt espérons) que Poutine ne décide pas de déclencher le feu nucléaire, ce qu’il pourrait faire par une nouvelle erreur de jugement, ou par dépit suicidaire de ne pas parvenir à ses fins. Cependant si nous en réchappons cette fois (par chance, car on ne peut compter ni sur sa sagacité ni sur son humanité) est-il raisonnable d’espérer en échapper chaque fois qu’un dictateur émergera dans un des nombreux états disposant de l’arme atomique, y compris ceux, comme la France notamment, où le spectre du fanatisme d’extrême-droite rôde lugubrement?

C’est pourquoi, s’il n’est pas déjà trop tard, il est devenu une question de survie de lutter avec toute la vigueur possible contre la concentration des pouvoirs et l’avènement des dictateurs. Commençons par nous demander, à l’instar de La Boétie, pourquoi existe-t-il des tyrans alors qu’ils sont seuls et que nous sommes nombreux.

La première raison pourrait reposer sur la sélection de certains profils psychologiques attirés par les postes de pouvoir. La personnalité des tyrans est en effet assez stéréotypée : alors que l’immense majorité des êtres humains cherche en priorité à vivre en paix avec ses voisins et à assurer sécurité et avenir à leurs familles, les tyrans font preuve d’une absence d’empathie caractérisée, d’une insensibilité totale au malheur d’autrui, sentiments remplacés chez eux par une préoccupation unique de leur personne et du développement infini de leur pouvoir. Médicalement on pourrait les classer parmi les psychopathes. Mais les classer dans une case médicale ne résoudrait aucun problème, notamment celui justement qu’ils parviennent à accaparer le pouvoir.

La seconde raison est la fascination exercée par les tyrans sur une grande proportion d’êtres humains. L’admiration pour les hommes forts, exprimant une virilité exacerbée et le désir de se fier et de se livrer totalement à eux est un fait malheureusement toujours vivace. Quarante-huit millions d’Allemands et d’Allemandes (l’Allemagne est le premier pays ayant accordé le droit de vote aux femmes) ont voté les pleins pouvoir à Hitler contre 4 millions contre. L’élection de Trump ou de Bolsonaro, alors même que ces candidats annonçaient dans leurs programmes les crimes qu’ils voulaient commettre, ou la réélection de Bush alors que les forfaits de son équipe avaient déjà été révélés, prouvent qu’un programme criminel ne dissuade pas une majorité d’électeurs, tant accorder leur confiance en un homme providentiel exerçant un pouvoir fort leur apparaît comme la meilleure solution à leurs problèmes existentiels. Interprétation psychanalytique portant sur la recherche d’un père mythique et autoritaire, comme le suggérerait les scènes d’hystérie collective devant les discours à la mise en scène elle-même hystérisante d’Hitler ou les pamoisons d’adolescentes admiratrices sur le passage de Poutine? Plus vraisemblablement la rancœur et la haine non conscientisées accumulées par une frange grandissante de la population, victime d’injustices sociales elles aussi croissantes, essayant de se venger d’une autre partie de la population à laquelle elle attribue ses malheurs. Il est vrai que la faiblesse des mouvements politiques de gauche pousse ces électeurs-là dans les bras des tyrans fascisants. Ces électeurs décident lâchement, dans l’anonymat de l’isoloir, de rendre l’immonde possible, croyant naïvement qu’il ne touchera que « l’autre » et les épargnera. Puis, quand ils réalisent que le malheur qu’ils ont déclenché les submerge aussi, ils pensent n’avoir rien à se reprocher. Ainsi combien d’Allemands électeurs d’Hitler ont-ils regretté leur acte irresponsable après avoir subi les bombardements violents de la fin de la deuxième guerre mondiale sur l’Allemagne ? C’est en cela que les dictateurs sont pratiques pour beaucoup d’entre nous : on peu les élire sans se mouiller et les accabler en leur faisant porter toute la responsabilité après leur défaite.

Soyons clair : on ne peut pas agir sur la personnalité des candidats au pouvoir ni sur l’irresponsabilité des électeurs, toutes deux témoignant des faiblesses de la nature humaine. Cette dernière pourrait toutefois être améliorée par une éducation sociale et politique qui fait gravement défaut aujourd’hui.

Une solution ne serait-elle pas de bannir de la société le vote pour un candidat concentrant beaucoup de pouvoirs, sinon tous ?

C’est précisément pour empêcher cet accaparement du pouvoir par un individu ou une oligarchie qui nuirait à l’ensemble de la société, devant le constat de la tendance naturelle des individus au pouvoir à en abuser, que la démocratie a été inventée depuis l’antiquité. Certes avec une efficacité toute relative jusqu’aujourd’hui…Le problème est qu’aujourd’hui dans la plupart des pays dits démocratiques, on continue d’élire un chef -un « président » l’appelle-t-on le plus souvent-  qui n’est autre qu’un monarque élu. Certes la suppression de la transmission héréditaire du pouvoir et la création de contre-pouvoirs plus ou moins efficaces mais réels constituent des progrès tangibles, mais tellement insuffisants. Elire un homme (ou une femme) expose à une multitude de dangers qui menacent tous nos fragiles démocraties.

Une fois élu au suffrage universel, le super-président jouit d’une pseudo légitimité qui l’incite à se croire à lui seul représentant de la population, ou en tout cas au moins d’une majorité alors que, taux d’abstention croissant oblige, il ne représente souvent, au premier tour des élections, que moins de 20% des inscrits. Cette constatation devrait l’inciter à l’humilité et à chercher à tenir compte des aspirations des plus de 80% des électeurs potentiels qui ne l’ont pas sollicité vraiment.

Le deuxième tour amène les électeurs à choisir par dépit celui leur paraissant le moins mauvais, ce qui représente le plus minable des suffrages. Ceci amène également deux candidats ayant recueilli chacun moins de 20% des suffrages des inscrits – j’insiste :  pas des suffrages exprimés- soit moins de 50% à eux deux, comme seules alternatives. Cette situation non seulement entraine la croissance du taux d’abstention et de vote blanc et le désintérêt grandissant des électeurs, mais encore réduit souvent le choix entre un candidat ouvertement autoritaire, voire fascisant, et un autre un peu moins. Ce choix fait petit à petit disparaître tout débat politique de l’élection, le réduisant à éviter l’autre candidat, supposément pire, brandi tel un épouvantail.

Une fois élu, on constate que le pouvoir « monte à la tête » du gagnant. Il est addictif (on ne peut plus le quitter) et entraîne une accoutumance conduisant à en vouloir toujours plus. Ce d’autant plus que le pouvoir conduit à l’isolement et à la coupure avec la réalité du monde.

La concentration du pouvoir et sa personnification facilitent la corruption. En effet, il est plus facile pour les lobbies de concentrer leurs actions sur une personne que sur mille. Ainsi la tendance mondiale est que ce ne soient plus les états et leurs représentants qui décident, mais les pouvoirs occultes, souvent financiers, qui agissent en arrière-plan - et qui, occasionnellement, ont « facilité » leur élection par le financement des campagnes et le contrôle de l’opinion par les médias-.

Enfin, l’incarnation de la nation en un personnage ne peut en aucun cas rendre compte de la variété de la société, de ses opinions et de ses aspirations.

Si nous voulons vraiment éviter qu’un nouvel avatar de Poutine dans une quelconque puissance nucléaire, ne détruisent la planète, il est urgent de ne plus voter pour une personne concentrant trop de pouvoir par rapport aux contre-pouvoirs et qui va avoir tendance à en accaparer encore davantage. Il existe en théorie des moyens pour limiter le risque de l’accumulation excessive de pouvoirs d’un président, comme la limitation du nombre de mandats. On a vu, justement avec Poutine, comment ces limites pouvaient être contournées. Et comment la persistance de la même personne au pouvoir pouvait nuire gravement à la santé de la société.

L’élection au suffrage universel du chef de l’exécutif constitue d’ailleurs une aberration démocratique, puisqu’il donne trop d’importance à ce pouvoir. Dans les principes de la démocratie, c’est bien le pouvoir « législatif » qui légifère, qui décide de l’organisation de la société et des orientations politiques en créant des lois. Seule une assemblée, censée représenter le peuple, et donc idéalement représentative de la diversité de la population, devrait en démocratie prendre les décisions concernant ce même peuple. Comme son nom l’indique le pouvoir exécutif devrait se contenter d’exécuter et de faire respecter les décisions du Parlement. Même si l’exécutif doit garder une marge d’autonomie au nom de la séparation des pouvoirs, le législatif doit garder la prééminence, lui-même étant par nature moins exposé à la concentration des pouvoirs, comme à la corruption et à la subordination à des forces extérieures, de par le nombre même de ses représentants.

Il est urgent de limiter le suffrage universel à l’élection proportionnelle à un tour d’une Assemblée qui devrait se rapprocher le plus possible du véritable tissu social, c’est-à-dire, notamment représenter à leur juste proportion les classes les plus défavorisées et non les élites. Le spectre de la prise du pouvoir par un groupe extrémiste serait extrêmement réduit, sauf si plus de 50% des électeurs votaient en sa faveur.

Ce passage marquerait une transition majeure de nos démocraties minimalistes vers des démocraties plus authentiques dans lesquelles le risque de dérive autoritaire conduisant à un risque léthal comme c’est aujourd’hui le cas en Russie, serait sérieusement réduit.

Pour ce faire il est indispensable de changer les constitutions sous la pression populaire. Ce que le peuple chilien a fait comme pour nous montrer l’exemple et nous en prouver la faisabilité.

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