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Billet de blog 27 juin 2020

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LETTRE AUX RESPONSABLES POLITIQUES DE GAUCHE

Nous, électeurs progressistes et démocrates, vous demandons solennellement d'unir les forces démocratiques antilibérales en vue de l'élection présidentielle de 2022 autour de mesures élémentaires et urgentes et la mise en place d'une assemblée constituante. Au sortir de la crise sanitaire actuelle, un tel programme a toutes les chances d’attirer massivement les électeurs et d’être sollicité

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La crise du corona virus a éclairé de façon tragique ce que les forces démocratiques, la société civile et les partis de gauche répétaient dans le vide depuis des décennies : moins de service public appauvrit les plus pauvres, creuse les inégalités et ne permet pas de faire face aux imprévus. Une partie non négligeable des électeurs de Mr Macron, de ceux qui étaient acquis, par idéologie ou par conformisme, au dogme néolibéral, de ceux qui pensaient par habitude TINA (there is no alternative), de ceux qui pensaient que les voix de gauche et associatives exagéraient, maintenant réalise preuve à l’appui que la « main magique du marché » ne résout pas les crises. Elle les aggrave. La crise sanitaire du Covid-19 n’a fait qu’exacerber les problèmes et révéler aux yeux des septiques d’hier, le caractère inapproprié du néolibéralisme, tandis que ses défauts, hier minimisés par certains, ont encore été tragiquement surlignés, comme l’augmentation de la population touchée par la précarité et le creusement des inégalités. La crise sanitaire, et celle économique qui va suivre, n’ont en effet pas les mêmes conséquences selon le milieu social auquel on appartient, les plus pauvres comme toujours, en pâtissant plus.

D’autre part, toutes les personnes actives pendant la crise, non seulement les soignants mais toutes les personnes exposées dans leur profession au public et donc à la contagion, réalisent qu’elles ont du se débrouiller seules devant la carence d’un pouvoir exécutif inefficace et inopérant, non préoccupé du bien commun (obnubilé par le passage de force de « sa » réforme, non sollicitée, des retraites et de la tenue des élections municipales en pleine explosion de la crise), et totalement coupé, une fois de plus, des réalités du terrain et de la vie des citoyens, mais paradoxalement tout puissant. Ce pouvoir, étrangement comparable à la monarchie de droit divin, a donné des consignes verticales autoritaires sans doute inspirées par le ciel, consignes servilement validées par un parlement croupion, sans concertation de la base et sans tenir compte de la complexité des situations particulières, que justement, seuls les acteurs de terrain peuvent démêler. Cette partie « active » de la population réalise d’ailleurs que c’est grâce à elle, à son courage, à sa solidarité, mais surtout à son savoir faire, et non à celui d’un gouvernement pyramidal, que la crise est, espérons-le, en voie d’être contrôlée. Donc, de là à penser que de ce type de gouvernement, on peut se passer, il n’y a qu’un pas…

Le moment politique et social est crucial. Les citoyens électeurs sont prêts à entendre qu’un changement de société et de priorités est à la fois indispensable et possible. Pour autant, il n’est pas clair aujourd’hui de savoir si le pouvoir exécutif va pouvoir survivre dans les mois à venir à la crise sanitaire et à la mise en évidence de sa propre incompétence. Mais tout laisse à croire que oui, et que rien ne va changer, sauf en pire.

Dans ce cas, si rien ne change dans les deux ans, c’est-à-dire en l’absence d’un front citoyen uni, l’élection présidentielle de 2022 réitérera la situation de 2017 avec Mr Macron contre Mme Lepen au 2ème tour. Pour cela, cette dernière n’aura aucun effort à faire, puisque Mr Macron aura fait tout le travail de la hisser au rang d’unique adversaire. Dès lors l’issue n’est que trop prévisible. Suite à son quinquennat calamiteux, et à son mépris sans borne envers les citoyens, les électeurs progressistes et démocrates, bien au-delà des seuls électeurs de gauche, incluant même quelques supporters sincères de Mr Macron en 2017, s’abstiendront massivement ou voteront blanc. L’épouvantail de l’extrême droite, agité une fois encore par Mr Macron (après MM Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande) comme unique argument électoral ne fonctionnera plus. Seuls les électeurs de Mme Lepen ne s’abstiendront pas et elle sera élue, malgré une minorité de suffrages exprimés. Mais les votes blancs ou nuls ne comptent pas dans notre glorieuse Vème république. Seule l’abstention massive attendue fournira l’opportunité de l’accession au pouvoir de l’extrême droite par les élections et tout doit être tenté pour que cette éventualité n’arrive jamais. Mais voter pour Mr Macron n’est définitivement plus une alternative acceptable. La corde est trop usée. Le choix ne peut plus être entre l’extrême droite et la droite extrême néolibérale, d’ailleurs de plus en plus proches pour en séduire mutuellement les électeurs. Partout dans le monde on assiste à l’avènement aux pleins pouvoirs d’irresponsables démagogues reproduisant les dérives du XXème siècle, voire de clowns, faute d’une opposition politique forte et crédible.

Or aujourd’hui, aucune formation politique progressiste défendant une alternative politique non libérale ne peut raisonnablement prétendre gagner l’élection présidentielle seule. L’alternative ne peut reposer que sur une alliance de toutes les formations politiques progressistes et démocratiques, incluant aussi largement que possible les mouvements citoyens non encartés. Mais jusqu’à présent, rien à l’horizon, ou juste des balbutiements….

L’état de disqualification de certains partis dits « de gauche », notamment après leur passage au pouvoir, leurs fragmentations, leurs divisions, les ont rendus inaudibles et non crédibles pour les électeurs qui cherchent légitimement des voies citoyennes alternatives hors des partis, comme l’a montré le mouvement des Gilets Jaunes. Cependant, pour changer de politique par une voie pacifique dans le jeu du système actuel de la Vème République, il faut l’organisation de combat d’un (ou de) parti(s) et un candidat à l’élection présidentielle, juste tactiquement pour gagner. Et ce, même si l’élection d’un « chef » révulse une grande partie de l’électorat.

S’il n’y a plus que deux ans pour agir, pour autant il n’est pas trop tard et l’entreprise est réaliste, car le terreau est prêt et la sortie de la crise sanitaire idéale pour faire adhérer une majorité.

Nous, électeurs progressistes et démocrates, vous demandons solennellement, devant l’urgence et la gravité de la situation, d’oublier momentanément vos problèmes d’ego pour savoir qui sera le candidat et donc le chef. Comprenez que ce problème n’est pas le nôtre. Que nous ne voulons pas d’un nouveau chef tout puissant, même « de gôche ». D’ailleurs, il serait vain pour vous de vous battre pour briguer la première place, puisque une fois élu, notre programme doit consister en priorité à assurer la mise en place d’une Assemblée Constituante authentiquement populaire dans son mode de représentativité, qui, n’en doutons pas, abolira votre fonction de souverain tout-puissant, tout à fait incapable, fut-il excellent,  de régler les problèmes, et de plus cible désignée de tous les lobbies. Vous pouvez si vous voulez tirer au sort celui d’entre vous qui s’y collera, ce n’est pas notre problème et ce ne sera pas votre personne qui doit déterminer nos votes, mais les idées, et le programme que vous élaborerez, que nous élaborerons ensemble. En attendant la fin des travaux de l’Assemblée Constituante (qui peut durer quelques années), il suffit de vous accorder dès maintenant sur quelques mesures urgentes, concrètes (plus de promesse pour après-demain !) répondant aux 5 principes suivants, sur lesquels ne peuvent qu’être d’accord les partis antilibéraux et les mouvements citoyens.

  1. Renforcement du service public en postes et en budget.
  2. Lutte contre la précarité
  3. Virage écologiste vers les énergies renouvelables
  4. Renforcement de la démocratie
  5. Mesures fiscales audacieuses pour financer solidairement cet effort.

Un tel programme tiendrait enfin compte des revendications populaires exprimées notamment par les Gilets Jaunes. Il permettrait seulement d’inverser la vapeur (c’est-à-dire aller de l’avant quand la machine allait vers l’arrière !) en redonnant un sens à la vie solidaire et en valorisant l’action collective. Il a toutes les chances d’attirer massivement les électeurs aux urnes et d’être sollicité, notamment au sortir de la crise sanitaire actuelle.

Si votre formation ne veut pas participer à ce front citoyen antilibéral, qu’au moins elle ne présente pas cette fois de candidat qui grappillerait quelques pourcents de voix au détriment du front, et si possible qu’elle appelle à voter pour lui. Vous présenter sur des listes séparées serait faire le choix de la défaite. Vous pourriez faire ce choix pour des raisons tactiques ou parce que vous trouvez plus confortable de rester dans l’opposition. Ce n’est pas notre choix. Vous ne pouvez pas nous l’imposer.

Alors, chiche ?

Ensemble, déclarons solennellement la séparation de la Finance et de l’Etat !

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