Hier a été lancée en grande pompe la nouvelle candidature de Paris pour l'organisation des jeux olympiques de 2024. On a appris à cette occasion que le budget prévu était de 6,2 milliards et que généralement, le montant de départ était finalement multiplié par 2,5 ou plus. Comptons avec optimisme que si Paris obtient les jeux, le contribuable financera 10 milliards de dépenses pour la grand messe du sport.
Sur les réseaux sociaux, des internautes ironisent sur "le pain et les jeux" dont les JO fourniraient le deuxième terme. Or, les jeux olympiques n'offrent pas un spectacle populaire puisque les billets ne sont pas abordables pour les moins fortunés. A Londres, le billet de la cérémonie d'ouverture se vendait à 829 euros. C'est donc par le canal des télévisions privées, ou qui se comportent comme tel, que le spectacle sera vendu (en échange de temps de cerveau disponible) au peuple qui en redemande.
La difficulté à comprendre vient, pour moi qui suis peut-être un peu lent, des raisons d'investir entre 6 et 10 milliards au moment où les infirmières et personnels hospitaliers qui travaillent dans des conditions souvent indignes, doivent rogner sur leur temps de récupération pour permettre à l'hôpital public d'économiser 20 millions d'euros par an. Les JO de Paris représenteraient donc 300 ans de cette économie... Une partie de cet argent pourrait par exemple servir à ne pas fermer une maternité sur cinq dans les territoires français.
Mais dix milliards, c'est aussi le montant que les collectivités territoriales de toute la France doivent économiser. Là où l'on ne subventionne plus les festivals. Là où des citoyens doivent eux-mêmes faire les travaux de leur mairie, réparer les routes, repeindre les locaux...
A Paris, puisque c'est là que les jeux seraient organisés, il y a actuellement 38 places en crèche pour 100 enfants. Quand on sait à quel point la crèche joue un rôle important dans le développement des enfants issus de familles en grande difficulté, on a du mal à comprendre. Mais on comprend encore moins comment, au moment de l'annonce de la candidature parisienne, on révèle que 85 classes seront fermées (pour 37 ouvertures) dans les écoles parisiennes où des enfants de maternelle seront parfois entassés à 30. Une manifestation sera d'ailleurs organisée demain jeudi devant le rectorat.
On me dira que les jeux olympiques offrent des retombées intéressantes pour la ville qui les organise. Le problème est que c'est faux. Le cabinet Microeconomix qui s'est penché sur la question est sans appel: "Ce n'est pas rentable d'organiser les Jeux Olympiques" Son patron explique: "il n'y a pas de retombées économiques majeures à attendre des JO. En tout cas, elles ne suffisent pas à justifier l'investissement. Car si on raisonne en terme financier, il faut regarder le coût d'opportunité en se posant la question suivante: l'argent investi dans les Jeux aurait-il rapporté davantage si je l'avais mis ailleurs? Et incontestablement la réponse est oui, y compris pour ce qui est de la création d'emplois".
On pense évidemment à la transition énergétique...
Jean-Pascal Gayant, professeur d'économie à l'Université du Mans, spécialisé dans le sport enfonce le clou: "Il faut ranger l'argument des retombées financières au rayon des chimères (...) On a coutume de dire que les JO, ce sont des coûts publics et des bénéfices privés. C'est malheureusement très vrai."
Victor Matheson, professeur au Economic College of Holy Cross, auteur d'une vaste recherche sur les retombées économiques entraînées par les récents Jeux olympiques va encore plus loin: « Mon premier conseil pour n'importe quelle ville qui souhaite soumettre sa candidature aux Olympiques est de s'enfuir au plus vite! ».
En effet, les JO attirent des touristes, mais en repoussent d'autres, comme cela s'est vu à Londres l'an dernier. Les hôtels parisiens sont remplis tous les étés, on ne les remplira pas plus. Les très chères infrastructures construites dépassent souvent de loin les besoins réels de la population locale et sont toujours sous-employées ensuite (a t-on besoin d'une piscine olympique à Paris?).
L'argument de l'accélération du développement du Grand Paris par de nouvelles infrastructures ne tient pas. La volonté politique devrait suffire à ces investissements, uniquement là où ils sont utiles et sans les JO et leurs surcouts.
Enfin, Paris subit une pollution qui n'échappe à personne. La mairie en est à supprimer des bus destinés aux sorties scolaires pour éviter l'émission de particules polluantes (on se demande si cette motivation est bien réelle). Or, l'organisation de jeux olympiques ne peut qu'aggraver violemment le problème en augmentant violemment l'usage de véhicules polluants durant des mois.
En résumé, il faudrait peut-être que l'on m'explique les raisons de cette joyeuse candidature parisienne.
Car en l'état, moi, je ne comprends pas...