https://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-243886
N'est-ce pourtant pas le comble de l'adoration que d'emporter le portrait de quelqu'un ? Emmanuel Macron n'y a pas été sensible et, au contraire, il a fait poursuivre par des procédures alambiquées des militants écologistes - que l'exécutif déteste, les qualifiants d'écoterrroristes, les réprimant tant qu'il peut en ordonnant une violence institutionnelle disproportionnée et des contraintes administratives douteuses. Ces procédures sont contraires à l'engagement public et la déclaration officielle, qui l'obligent, qu'Emmanuel Macron a tenus devant la Cour européenne des droits de l'homme le 31 octobre 2017.
La décision commentée ne peut donc que s'apprécier à la lumière de cette déclaration et de cet engagement officiels, d'une part, et à la contradiction que soulèvent les poursuites et les condamnations des décrocheurs, d'autre part.
La décision, peut-être que la défense ne l'a pas soulevée, ne vise pas non plus la contradiction en droit interne français entre la sanction des décrocheurs et celles du vol de chaise à la BNP, qui s'est conclue par une relaxe. D'autant que " L’État a confirmé la légitimité des actions de réquisition de chaises en demandant la relaxe de Jon Palais alors que BNP Paribas a demandé 1 € de dommages et intérêts et a brillé par son absence à l’audience.". L'affaire des décrocheurs montre que le ministère public se contredit d'une affaire à l'autre. Une incohérence d'appréciation que soulève d'ailleurs les deux juges qui ont voté contre la décision rendue et expriment les motifs de leur opinion dissidente en fin de décision.
Matériellement, sur l'importance du préjudice, la Cedh reprend les constats de la justice française selon lesquels " la cour d’appel releva qu’il « était clair » que ces derniers n’avaient pas des profils de délinquants, et que « seul leur engagement sincère en faveur de la protection de la planète et de la lutte contre le réchauffement a motivé le vol, concerté, d’un portrait d’une valeur de quelque 35 EUR environ ». " (N° 15) La durée d'amortissement comptable du papier peint est de 3 à 5 ans. En l'absence de sinistre et en appliquent le taux de vétusté, il n'y a donc pas de préjudice. Cette absence établit de manière surabondante le caractère disproportionné des poursuites.
La Cedh validant le décrochage, les maires solidaires des décrocheurs peuvent mettre par terre le portrait de Macron. D'autant que la Cedh précise même que " Aucun texte ne prévoit la présence des symboles républicains que sont le drapeau national, le buste de Marianne, le portrait du président de la République ou la devise de la République, dans les bâtiments publics." (N°50). Il n'y a donc aucune atteinte même symbolique puisque la loi exclut d'elle-même l'existence d'un quelconque symbole en l'espèce. Le culte de la personnalité n'est pas protégé en France.
Enfin, la décision permet de voir que Mattias Guyomar siégeait dans la formation qui a rendu la décision rendue à propos des décrocheurs. Cela va poser une question lors du renvoi devant la Grande chambre. Il est le président de la Cedh depuis le 30 mai 2025. Le règlement de la Cour prévoit que " La Grande Chambre est composée du Président de la Cour, des vice-présidents, des présidents des sections ainsi que du juge national et de juges tirés au sort. Les juges qui ont siégé dans une chambre ayant rendu un arrêt ne peuvent siéger dans la Grande Chambre lorsqu’elle statue sur renvoi". Mattias Guyomar ne devrait donc pas siéger à la Grande chambre.